Accueil Editorial Côte d’Ivoire: quelle carte jouera désormais Guillaume Soro?

Côte d’Ivoire: quelle carte jouera désormais Guillaume Soro?

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Guillaume Soro, dévêtu de son écharpe de député par le bureau de l'Assemblée nationale ivoirienne (Ph. d'archives) '

La session extraordinaire de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire prévue ce vendredi 8 février 2019, sera-t-il le dernier jour de son président, Guillaume Kigbafori Soro (GKS), à la tête de cette institution? Tout porte à le croire. Tous les Ivoiriens ont les yeux tournés et les oreilles tendues vers l’Assemblée nationale où se tient, ce vendredi 8 février 2019, une session extraordinaire convoquée par son président, Guillaume Kigbafori Soro (GKS). Certains s’attendent à ce que celui-ci rende le tablier comme l’avait annoncé le président de la République, Alassane Ouattara. «Soro Guillaume démissionnera en février, c’est entendu, c’est réglé», avait affirmé sans détour, le chef de l’Etat ivoirien, le 28 janvier 2019 lors de la présentation des vœux aux journalistes. Cette annonce «fracassante» était en réalité une demi-surprise, car Alassane Ouattara et GKS ont «coupé igname» depuis belle lurette, expression populaire pour dire que tout était gâté entre le parrain et son poulain.

Il faut dire que le chef de l’Etat ivoirien et ses courtisans ont tout fait pour pourrir l’existence à celui qui leur a ouvert la voie du palais présidentiel, en prenant d’abord la tête d’une rébellion en 2002 et en soutenant corps et «armes» le même Ouattara dans la crise post-électorale de 2010-2011. Mais la lune de miel a viré au désamour, vu que Alassane Ouattara a décidé d’une confiscation en règle du pouvoir, n’excluant pas d’aller à la reconquête de son fauteuil en 2020. Depuis lors, c’est la chasse aux «soroïstes» et aux «Bédiéistes», battue orchestrée par Alassane Ouattara et ses zélateurs pour qui perdre le pouvoir n’est point une hypothèse à envisager. Surtout pas au profit de GKS qui s’est rapproché du leader du Parti démocratique pour la Côte d’Ivoire, Henri Konan Bédié, lui aussi ayant pris ses distances d’avec Alassane Ouattara, à qui il reproche de n’avoir pas tenu parole sur la passation du pouvoir, deal passé en son temps entre les désormais ex-alliés au sein du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP).

Les piques envoyées par des proches du président du parlement au régime en place dont il est l’un des personnages clés, son «amour fou» pour le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), Henri Konan Bédié, ont eu le don d’irriter Alassane Ouattara et les caciques de son parti, le Rassemblement des républicains (RDR). Adama Bictogo, le président du comité d’organisation du congrès constitutif du Rassemblement des Houphouétistes pour la paix et le développement (RHDP) qui a eu lieu le 26 janvier 2019, avait publiquement demandé à GKS de rendre le «tabouret» s’il ne venait pas à cette rencontre. Soro Guillaume a effectivement brillé par son absence à ce congrès, à la grande colère du président Ouattara qui n’a pas supporté cet affront. Sur les bords de la lagune Ebrié, certaines sources ont affirmé que «Bogota» avait refusé d’apposer sa signature sur la lettre de démission que lui a tendue Ouattara Tenin Birama dit «Photocopie», le  frère cadet du président Ouattara et ministre des Affaires présidentielles. C’est dans cette attente qu’un communiqué du parlement est tombé ce mercredi 6 février 2019, convoquant les députés à une session extraordinaire. Cette convocation a quelque peu surpris des observateurs, car Soro Guillaume a cédé son fauteuil au vice-président, Oula Privat, chargé de gérer les affaires courantes jusqu’au 20 février 2019. Avec ce communiqué, beaucoup s’attendent à une démission du président du perchoir, mettant ainsi fin aux spéculations.

L’ancien leader de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) ne fait plus de mystère autour de son intention de briguer la magistrature suprême à la présidentielle de 2020. «Je serai candidat en 2020, ce n’est plus négociable», avait-il affirmé dans une interview même si son service de communication a démenti ses propos. Sera-t-il le Emmanuel Macron ivoirien? Ce qui est certain, tous ses ingrédients s’ajoutent à l’acquittement et la libération, certes sous conditions drastiques, de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, par la Cour pénale internationale (CPI) qui séjourne désormais en Belgique. Le marigot politique ivoirien bouillonnera bien ces derniers jours, et ce jusqu’à l’élection de 2020. Pourvu que les politiciens qui jouent à se faire peur, sachent raison garder afin d’éviter à la Côte d’Ivoire, le retour des vieux démons de la guerre qui ne sont jamais bien loin!

Par Wakat Séra

*Bogota: un des nombreux surnoms de Guillaume Soro