Accueil Société Fragilité, migration, résilience: «Il faut que ça change»

Fragilité, migration, résilience: «Il faut que ça change»

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La 3è édition du FAR doit servir à faire changer les stéréotypes sur la migration (Ph. BAD)

Du 4 au 6 mars 2019, Abidjan, la capitale ivoirienne abrite le Forum africain pour la résilience. Troisième du genre, cette rencontre est une initiative de la Banque africaine de développement (BAD), qui rassemble autour du thème «Fragilité, Migration, Résilience», des décideurs, des représentants d’organisations internationales, des chercheurs, des hommes d’affaires, des acteurs politiques et de la société civile, des étudiants, des jeunes de divers horizons et surtout de candidats qui ont tenté l’expérience de la migration et qui en ont tiré, diversement, déboires ou satisfaction. Ils sont plus de 400 participants, issus des quatre coins du monde, à répondre au tocsin de la BAD, pour apporter leur expertise à cette troisième édition du FAR organisé par la Banque, avec l’appui de l’Agence suisse pour le développement et la coopération et la contribution du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), de l’Organisation internationale des migrations (OIM), de l’Organisation internationale du travail et l’initiative Making Finance Work for Africa.

Pour camper le décor de cette 3è édition du Forum africain pour la résilience, les intervenants, que ce soit durant les allocutions d’ouverture ou de la première conversation qui a porté sur «les perspectives de la migration africaine», ont affirmé que loin de n’être que négative, la migration africaine, bien maîtrisée constitue une opportunité de croissance économique et de développement, tant pour les pays de départ, que pour ceux de destination et bien entendu les migrants. C’est dans ce cadre qu’il est important et même indispensable de faire tomber tous les stéréotypes et autres mythes qui font de l’Afrique un continent envahisseur des autres régions par le biais de la migration. Le flux migratoire intra-africain représente à lui seul 70%, «taux qui monte, à en croire le Vice-président Principal de la Banque africaine de développement (BAD), Charles O. Boamah, à 80%», en ce qui concerne la partie subsaharienne du continent. Mieux, selon des statistiques de 2017, sur 258 millions de personnes qui ont migré dans le monde, les Africains représentent la portion presque congrue de 10% alors que la migration entre pays de l’Afrique se situe à 80%.

La BAD toujours à la pointe du développement de l’Afrique

Confirmation de cette réalité de la migration intra-africaine a, du reste, été apportée par le directeur général de l’état civil, des migrations et des réfugiés du Niger, Ibrahim Malongoni, selon qui les pays les plus prisés par les Nigériens sont, entre autres, le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Togo, le Burkina Faso, et non la France, l’Italie ou les Etats Unis par exemple. Mettant en exergue l’exemple de la Côte d’Ivoire, le ministre ivoirien de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’extérieur, Ally Coulibaly, en saluant l’initiative de consacrer cette édition du FAR à la problématique de la migration, n’a pas manqué de souligner la caractéristique de terre d’accueil par excellence qui qualifie son pays. Morceaux choisis: «Depuis des décennies, elle ouvre ses bras à des millions de personnes originaires de pays voisins ou lointains… Sur son sol vivent 6 millions d’étrangers sur une population estimée à 23 millions d’habitants…»

En tout cas, la BAD, fidèle à sa mission première d’accompagner le développement des pays africains s’attelle à mieux cerner les contours de la migration, a affirmé Charles Boamah, qui, en relevant l’appartenance du président de la BAD, Akinwumi Adesina au Panel de haut niveau sur la migration, présidé par l’ancien chef de l’Etat libérien, Ellen Johnson Sirleaf, a reconnu que «comprendre la migration présente des options à la Banque pour soutenir les programmes qui réduiront les flux tout en augmentant les rendements». Assistance aux réfugiés libyens en Tunisie, aide aux réfugiés de Djibouti et mise en œuvre de projets de la même nature au Nigeria, au Sénégal, au Mali, au Zimbabwe, au Nigeria, au Burundi, sont autant d’actions menées par la BAD qui a également mis sur orbite le programme «Des Emplois pour les jeunes en Afrique». Le chapelet des initiatives développées par la Banque dans le but de contribuer à maintenir sur place la jeunesse africaine en lui offrant des opportunités d’emplois, a largement été égrené par le Vice-président Principal de l’institution.

Qu’est-ce qui peut arrêter la migration?

De la directrice générale adjointe et directrice régionale pour l’Afrique de l’Organisation internationale du travail (OIT), Cynthia Samuel-Olonjuwon, pour qui la plupart des migrations dans le monde sont liées à la recherche d’emploi décent, au directeur du Bureau de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) auprès des Nations Unies à New-York, Ashraf El Nour, qui a relevé l’importance du FAR et des partenariats, en passant par le directeur général des Ivoiriens de l’extérieur, Issiaka Konaté, la migration qui a toujours existé, «depuis la nuit des temps» ne peut être combattue, mais doit plutôt être mieux encadrée et surtout accroître le développement des pays de départ et d’accueil. Car la migration, selon le directeur du Bureau de coordination des Etats en transition (RDTS) à la BAD, Sibry Tapsoba, si elle peut provoquer ou accentuer la fragilité des pays si elle est mal gérée, bien contenue grâce à des outils qui existent déjà, elle peut permettre à l’Afrique, «assise sur des richesses» d’en tirer des profits certains. Pour les intervenants du jour qui sont persuadés que les lignes doivent bouger à partir de ce 3è FAR, afin que la migration soit analysée sur des faits concrets et non des mythes, «opportunités, développement, passion, incompréhension et espoir», sont les mots qui caractérisent le plus ce phénomène.

En tout cas, si Awa Bengali, qui a succombé à l’appel des sirènes de l’eldorado européen, à dû, au bout d’un voyage en enfer revenir miraculeusement chez elle en Côte d’Ivoire, où grâce à un soutien financier de l’OIM elle vit des fruits de son atelier de couture, un autre de ses compatriotes, lui, a connu un meilleur sort de son aventure d’où il est rentré pour être aujourd’hui un homme d’affaires multidimensionnel. Mais malgré ses déboires qu’elle n’a pu raconter de bout en bout que grâce au soutien d’un public qui encourageait son récit émouvant par des applaudissements, le rêve de Awa c’est de «partir encore». Qu’est-ce qui arrêtera donc la migration?

Par Morin YAMONGBE (Envoyé spécial de Wakat Séra à Abidjan)