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Guinée: Alpha Condé va-t-il foncer « droit dans le mur »?

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Alpha Condé va-t-il forcer le passage? (Ph. africaguinee.com)

La mode des troisièmes mandats est sans frontière et fait surtout des adeptes dans une Afrique que certains finiront par se donner raison d’avoir affirmé qu’elle n’est pas mûre pour la démocratie. Si le phénomène est combattu avec la dernière énergie par les opposants. Mais dès que ceux-ci se retrouvent sur l’autre rive, ils embrassent aussi cette religion dans laquelle le pouvoir ne se conjugue jamais au passé. A moins que ceux d’en face lui prêtent une mauvaise intention, Alpha Condé, l’opposant historique qui a combattu les longs règnes et a même trouvé en son temps la formule des amnisties pour y mettre fin, compte entrer dans le jeu. Et c’est pour contrecarrer cette velléité anti-démocratique et foncièrement porteuse des germes de décadence d’un pays que Cellou Dalein Diallo et d’autres opposants au régime Condé ont mobilisé leurs troupes. Vent debout contre toute initiative qui permettrait à l’homme fort de Conakry de s’éterniser sur le fauteuil présidentiel et d’en faire un patrimoine familial, ils ont battu le pavé le week-end dernier et comptent remettre le couvert tant qu’ils ne se feront pas entendre. Ceci entrainant cela, ils exigent également l’organisation d’élections locales reléguées aux oubliettes depuis 2005 et dénoncent la mal-gouvernance, ce sport favori dans lequel excellent ceux qui nous gouvernent.

Comme sous tous les cieux, la société civile dans son rôle de veille n’entend pas laisser le flambeau du combat pour défendre les vertus de la démocratie dans la main des seuls politiciens. Surtout en ces temps où un déficit de confiance notoire renforce le fossé qui sépare les gouvernants des gouvernés. Cette crise de confiance qui met à vif la soif de justice de populations longtemps opprimées et surtout abandonnées dans les serres dans une précarité dont les dirigeants tirent un profit honteux et indigne à la faveur des élections. En ces moments où ils ont forcément besoin des voix de leurs compatriotes pour se tailler un costume démocratique, les politiciens deviennent de bons samaritains, alternant les dons de sacs de riz, de maïs, de sucre ou de kits scolaires. Mais la lune de miel prend fin dès qu’ils assouvissent leur obsession pour le pouvoir. Ce sont les mêmes qui promettaient le paradis hier qui se transforment en véritables bourreaux de leur propre peuple. La Guinée de Alpha Condé ne fait pas exception à la règle, les opposants et animateurs de la société civile exprimant leur ire contre ces proches du président Condé qui élaborent toutes sortent de stratagèmes pour offrir un troisième mandat à leur porte-étendard. Dans cette option de pouvoir à vie, c’est naturellement la Constitution qui sera encore rudoyée, retournée dans tous les sens, et charcutée pour donner la légalité à une entreprise sordide et illégitime.

Malheureusement pour l’Afrique, Alpha Condé n’est pas le seul à vouloir taillader la loi fondamentale de son pays, selon des intérêts égoïstes et très personnels. Le chef de l’Etat guinéen si les intentions qui lui sont prêtées sont réelles, peut se targuer dans cette aventure, d’avoir d’illustres devanciers dont  le Nigérien Mamadou Tandja, le Burkinabè Blaise Compaoré, dans une certaine mesure, le Sénégalais Abdoulaye Wade, le Burundais Pierre Nkurunziza, le Congolais Denis Sassou-Nguesso, le Rwandais Paul Kagamé, etc., les deux premiers cités étant allés «droit dans le mur». Les autres, toujours dans l’œil du cyclone, bénéficient pour l’instant d’un sursis qui ne saurait d’ailleurs trop durer, du fait de la pression exercée sur leur pouvoir par leurs peuples et la communauté internationale. Face à tous ces exemples malheureux et le chaos qui naît des velléités de troisième mandat, Alpha Condé va-t-il se lancer dans cette entreprise suicidaire ou trouvera-t-il les ressorts nécessaires dans sa récente vie d’opposant historique pour résister au miroir aux alouettes?  En tout cas, un président à vie prévenu en vaut…

Par Wakat Séra