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Niger: l’homme du «tazartché» s’en est allé

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L'ancien président nigérien, Mamadou Tandja a tiré sa révérence (Ph. d'archives)

Mamadou Tandja est décédé ce mardi 24 novembre. L’ancien président du Niger aura droit à trois jours de deuil pour honorer sa mémoire. Les derniers visiteurs qui l’ont vu à l’hôpital de référence de Niamey où il s’est éteint, parlent d’un homme bien affaibli par le poids de l’âge. Ce véritable combattant, qui visiblement ne cède devant rien, a dû faire face à bien des batailles, dont la première qu’il a gagnée, après deux assauts vains, fut la présidentielle de 1999. Une grosse fronde sociale qui a débouché sur une manifestation des étudiants en 2001 et une mutinerie de militaires en 2002, et la rébellion menée par le Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), sont également des tempêtes qui n’ont pas réussi à emporter Mamadou Tandja. Celui-là même qu’un confrère salue comme un «nationaliste intransigeant qui avait fait plier Orano (ex Areva) et l’ancien PRST (président, NDLR) français Sarkozy (Nicolas, NDLR) sur le dossier de l’uranium».

Mamadou Tandja, qui est considéré comme un dur à cuire par certains, n’est pas moins, celui qui a voulu se donner une longévité au pouvoir, après avoir fini son second mandat constitutionnel, plantant ainsi un gros coup de poignard dans le dos de la démocratie. C’est l’ancien président qui a dirigé son pays, sur dix ans, plus 56 jours de «tazartché», ou «prolongation» en haoussa, la langue de la majorité au Niger, une sorte de troisième mandat qu’il s’est offert, après un referendum controversé et contesté, même par la Cour constitutionnelle et l’Assemblée nationale. Pour mener son projet à terme,  il a tenu envers et contre tous. Blaise Compaoré, aurait pourtant dit à son homologue nigérien à l’époque, qu’il «fonçait droit dans le mur». Hasard du destin, ce sont les mêmes velléités de briguer un troisième mandat, qui emporteront l’ancien président burkinabè! Et voilà l’homme du «tazartché» balayé, en 2010, alors qu’il prolongeait son mandat de trois ans, pour, «achever les chantiers entrepris», notamment les négociations de contrats d’uranium et de pétrole. Visiblement, il aura mal apprécié le terrain.

82 ans, c’était l’âge de Mamadou Tandja quand il tirait sa révérence ce 24 novembre, devenant, après les anciens présidents maliens, Moussa Traoré et Amadou Toumani Touré, et le Ghanéen Jerry John Rawlings, décédés respectivement le 15 septembre, le 10 novembre et le 12 novembre derniers, le quatrième ancien chef de l’Etat de la sous-région ouest-africaine que la grande faucheuse emporte en l’espace de trois mois. 82 ans, qu’il avait, Mamadou Tandja, comme le président guinéen, Alpha Condé qui, lui aussi vient de prolonger son bail à la tête de la Guinée, en s’offrant, comme son cadet ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, 78 ans, ce troisième mandat de tous les malheurs qui ne fait qu’endeuiller des familles guinéennes et ivoiriennes. A eux deux réunis, les «tazartché» de Alpha Condé et de Alassane Dramane Ouattara, ont déjà causé, officiellement, plus de 170 morts, de nombreux blessés, dans des pays profondément écartelés.

Mamadou Tandja, adulé ou détesté dans ce monde des humains où la perfection n’existe pas, s’en est donc allé, laissant derrière lui, un Niger où le processus démocratique est en train d’aborder, un virage important. Son successeur élu, Mahamadou Issoufou, ayant refusé de succomber au charme du troisième mandat, promettant de partir à la fin de son second mandat constitutionnel. Peut-être que comme Mahamadou Issoufou, et contrairement à Alpha Condé et Alassane Dramane Ouattara, pour ne citer que ces deux prédateurs de l’alternance démocratique, les dirigeants africains, notamment ceux de l’Afrique francophone, commencent à comprendre que dans l’arrière-cour de la présidence se trouve une autre vie.

Par Wakat Séra