Accueil Editorial Retour de Bobi Wine: le pouvoir ougandais fabrique une légende!

Retour de Bobi Wine: le pouvoir ougandais fabrique une légende!

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Retour en fanfare pour Bobi Wine (Ph. information.tv5monde.com)

Bobi Wine est rentré au bercail ce jeudi 20 septembre après quelques jours de soins aux Etats Unis, suite aux mauvais traitements qui lui auraient été infligés lors d’une double arrestation dans son pays l’Ouganda. Sorti d’une incarcération dans laquelle il était accusé de détention d’armes, le l’artiste et député, a été aussitôt repris et présenté à un magistrat pour «trahison». Avec d’autres manifestants, il aurait jeté des pierres sur la voiture du président Yoweri Museveni. Pourtant, le chanteur et homme politique très populaire ne se reconnaît pas dans ce «crime suprême» en Ouganda. N’empêche, il subira le châtiment réservé aux contestataires du pouvoir plus que trentenaire du plus que septuagénaire président qui a en horreur les empêcheurs de gouverner en rond. Même le chef de l’opposition ougandaise, Kizza Besigye l’a appris à ses dépens, lui qui a également été pris comme un vulgaire bandit, en même temps que Bobi Wine. Comme si cette cabale ne suffisait pas, Bobi Wine, à l’en croire, paiera de son corps, ce qui lui vaudra ce séjour au pays de l’Oncle Sam pour une remise en l’état. Mais à l’instar de son départ du pays, le retour du chanteur adulé pour son engagement politique sera également très mouvementé.

Un retour au bercail en héros. C’est le scénario qu’a écrit, malgré lui le pouvoir pour Bobi Wine qui a savamment préparé, en bon politicien mobilisateur de foule, en faisant vivre au peule chaque étape de son odyssée, par le biais de photos sur les réseaux sociaux. Le système Museveni aurait voulu fabriquer de la célébrité pour un opposant qu’il n’aurait pas agi autrement. En effet, avec ce déploiement de forces de l’ordre pour empêcher tout rassemblement autour du revenant, ce cortège  qui l’a conduit de l’aéroport jusqu’à son domicile, Bobi Wine a simplement bénéficier d’un accueil digne de son rang de leader. Des voies entières ont même été bloquées pour lui, comme lors des passages hautement sécurisés d’un chef de l’Etat. Une grosse erreur que le pouvoir regrettera sans doute, lui qui vient de contribuer à consolider la légende Bobi Wine, alors qu’il voulait l’éloigner de ses nombreux admirateurs. Une chose est certaine, l’opportunité a été donnée à l’opposant de devenir cette perle rare dont tous les opprimés du régime Yoweri Musiveni chercheront à approcher. Combien de temps durera cette surveillance organisée autour de Bobi Wine. Le cas n’est pas isolé car, comme Yoweri Museveni, ils sont nombreux, les présidents africains qui pensent que persécuter leurs adversaires en les jetant en prison ou en les humiliant par toutes les voies possibles peuvent enterrer ceux-ci. Mais comme en Ouganda, c’est l’effet contraire qui est toujours observé, tant que les «pestiférés» assument leur témérité.

Il est temps que ceux qui nous gouvernent sachent qu’ils ont besoin de contradicteurs pour servir de balises à leur pouvoir. Rien ne sert d’embastiller ses opposants à tour de bras ou de s’acharner inutilement sur eux car ils finissent par en faire des héros, comme Bobi Wine. Pourvu que le bien nommé Wine, vin en anglais, se bonifie avec le temps pour constituer l’image du changement ou tout au moins servir la cause de l’alternance démocratique dans un Ouganda où Yoweri Museveni se fossilise au pouvoir. Et que cela serve de leçon à tous ces roitelets africains que leur peuple, acculé dans ses derniers retranchements, chasse simplement un beau jour. L’histoire balbutie rarement, pour ne pas dire qu’elle se répète toujours.

Par Wakat Séra