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Violences à Yirgou: une marche-meeting samedi contre les « crimes odieux »

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Les responsables du Collectif contre l'impunité et la stigmatisation des communautés (CISC)

Le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés (CISC), un regroupement apolitique et laïque, a animé ce mardi 8 janvier 2019, une conférence de presse, pour appeler les populations à une marche-meeting le samedi prochain à Ouagadougou et à Dori (Nord du Burkina). Cette manifestation populaire vise à dénoncer « les crimes odieux » perpétrés contre la communauté peulh à Yirgou, une localité située dans le Centre-nord du Burkina Faso. Selon le dernier bilan provisoire officiel, ces agressions contre les Peulh ont fait 48 morts, ont indiqué les dirigeants du Collectif qui se sont offusqués qu’une semaine après les assassinats, « les auteurs (des membres du groupe d’auto-défense Koglwéogo) qui sont connus et identifiés, ne soient pas arrêtés » par les instances judiciaires.

Le 1er janvier 2019, les Burkinabè ont appris par la presse que suite à la mort de six personnes à Yirgou dont le chef du village et quatre membres de sa famille, par des individus armés non identifiés qualifiés de terroristes, « a engendré une escalade de violence sans précédent dans notre pays », selon les propos du chef de l’Etat, Roch Marc Christian Kaboré. Ces violences ont conduit à des actions de « représailles indiscriminées » contre des personnes appartenant à la communauté peulh, par des Koglwéogo de cette localité, sous le prétexte « fallacieux » qu’ils seraient des terroristes.

« Ces représailles indiscriminées d’une violence inouïe ont consisté en une chasse à l’homme et des exécutions sommaires de plusieurs Peulh tués à bout portant par des armes à feu ou carrément égorgés. Mêmes les Peulh qui étaient membres de ces groupes Koglwéogo ont été tués, égorgés par leurs camarades. N’est-ce pas un nettoyage ou génocide ethnique ? », s’est interrogé la gorge visiblement nouée de douleur, le porte-parole du Collectif, Daouda Diallo.

El hadj Hassan Barry, personne ressource du CISC (Ph. Wakat Séra)

« De nombreux témoignages, récits et publications décrivent une situation d’une horreur insoutenable. Les chiffres officiels du gouvernement font état de 46 morts. D’autres sources qui nous reviennent estimeraient les morts à près de 100 personnes », a poursuivi M. Diallo qui a ajouté qu’à la date du 6 janvier à aujourd’hui, on continue de retrouver des « survivants, des blessés dans la brousse et des corps jetés dans les puits perdus et les trous de sites d’orpaillage ».

S’il faut saluer le « réveil tardif, des Forces de l’ordre et des plus hautes autorités du pays, il faut regretter et déplorer l’absence de mesures déterminées de l’autorité publique pour retrouver, rassurer et sécuriser les survivants », selon le porte-parole du CISC, estimant que de « l’ensemble des Burkinabè, les Peulh sont ceux qui ont payé jusque-là le plus lourd tribut au terrorisme et à l’extrémisme violent ». Il a égrené comme arguments pour étayer ses propos, le fait que la région du Sahel, son économie, ses services administratifs et sociaux ont été mis à mal parce qu’elle « est la plus sinistrée » par ces phénomènes.

« Des villages ont cessé d’exister. Des milliers de populations ont été contraintes à l’exil. Les écoles, centres de Santé et Administration publique ont été fermés ou démantelés. Les marchés ont été contraints de fermer ou de se transformer en tremplin de trafics illicites de toute sorte », a-t-il cité en exemple pour appuyer sa déclaration, notant que même du point de vue des tueries, « les Peulh sont ceux qui enregistrent le plus de pertes en vies humaines. Combien de Conseillers municipaux ont été dans la région du Sahel depuis » ces attaques terroristes? Selon Daouda Diallo, « autant il y a des Dicko radicalisés, autant il y a des Sawadogo, des Sanogo, des Ouédraogo, des Konaté, des Maïga, des Lankoandé…radicalisés ».

Selon, El Hadj Hassan Barry, président du comité de crise mis en place pour cette affaire, de 2004 à nos, c’est au moins, selon les chiffres officiels, « 200 Peulh » qui ont été tués dans des conflits intercommunautaires au Burkina, estimant qu’il est vraiment temps que ces assassinats ciblés contre cette communauté s’arrêtent.

Pour Me Ambroise Farama, l’avocat du Collectif, c’est surprenant qu’à ce jour, soit une semaine après les tueries, « il n’y a pas eu d’arrestation », dénonçant que l’information judiciaire avance à pas de Caméléon. Il a invité la justice à aller plus rapidement dans ses investigations dans le cadre de cette enquête pour éviter que les meurtriers ne dissimulent les preuves. Il a, au regard de cette attitude de la justice, déploré l’absence de bilan même partiel une semaine après les faits par le parquet de Kaya et aussi le fait qu’aucun dispositif de sécurisation des témoins n’a été mis en place. Il a appelé les témoins de cette affaire à éviter les témoignages ou à le faire mais à visage couvert parce que les assassins du crime de Yirgou sont toujours dans la nature et n’hésiteront pas à s’en prendre à eux.

Face à l’urgence et à la gravité, le Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés, constitués d’organisations  de la société civile et d’acteurs engagés en faveur de la cohésion, s’est constitué pour que plus jamais un Burkinabè ne soit inquiété du fait de sa spécificité culturelle, géographique, ethnique ou confessionnelle. Il a présenté ses sincères condoléances aux familles et à toutes les communautés endeuillées. « Nous lançons un appel pressant à l’Etat, à assumer pleinement ses responsabilités de garant de la sécurité de tous les Burkinabè sans aucune distinction », a dit Daouda Diallo, ajoutant qu’il « faut veiller à l’arrêt immédiat et sans délai de la perpétuation des crimes de masse afin d’éviter tout embrasement ».

Daouda Diallo, porte-parole du Collectif (Ph. Wakat Séra)

Le Collectif a invité les services compétents de la justice « à se mettre en branle pour rechercher,  documenter l’ensemble des preuves et poursuivre sans ménagement les auteurs et les commanditaires des assassinats » lors de conflits communautaires. « Le massacre de Yirgou ne doit pas rester impuni. C’est l’impunité qui est en grande partie responsable du sentiment que la commission des crimes de masse et contre une certaine communauté nationale est normale », pense ce regroupement qui est un cadre d’échange qui vise à « défendre les droits des communautés à vivre et à s’épanouir en pleine symbiose et de lutter contre toutes les formes de stigmatisation des communautés », entre autres.

« Face à la banalisation de la vie humaine, aux menaces du droit à la vie de tout citoyen Burkinabè, à la boucherie humaine de Yirgou », le Collectif appelle le « peuple burkinabè sans distinction ethnique et religieuse, les autorités, les forces démocratiques, les structures de droits humains, les OSC (organisations civiles), les syndicats, les coutumiers et les religieux à se mobiliser à travers une marche-meeting à Ouagadougou et Dori  le samedi 12 janvier 2018 pour  dénoncer les manœuvres divisionnistes des terroristes et les groupes d’autodéfense Koglwéogo.

Il exige « l’arrêt immédiat des crimes odieux, et l’arrestation immédiate et sans délai des Koglwéogo criminels afin qu’ils soient jugés et sanctionnés à la hauteur de la gravité de leurs crimes, la prise en charge gratuite des survivants et blessées, le désarmement de tous ceux qui détiennent illégalement des armes de guerre, (notamment) les milices Koglwéogos, l’implication de l’Armée burkinabè dans le respect des codes républicains et sans discriminations dans leurs actes ».

Le Collectif a lancé enfin un vibrant appel à la communauté internationale pour son implication afin de protéger les vies humaines, sécuriser, rassurer et prendre en charge les survivants.

« Nous  condamnons l’assassinat barbare du chef de Yirgou et de cinq autres personnes. Nous condamnons l’odieux carnage qui s’en est suivi. Notre organisation lance un vibrant appel à la retenue et au calme à tous les habitants et à tous les acteurs », a conclu le porte-parole du CISC, Daouda Diallo.

Par Bernard BOUGOUM