Accueil Editorial Zimbabwe: le dernier grand meeting de Morgan Tsvangirai!

Zimbabwe: le dernier grand meeting de Morgan Tsvangirai!

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Morgan Tsvangirai, un opposant historique laisse derrière lui des familles politique et biologique déchirées (Ph. voaafrique.com)

Jusqu’à la tombe, Morgan Tsvangirai aura mérité son statut d’opposant historique. Les obsèques de celui qui a longtemps donné des nuits blanches au longtemps indéboulonnable Robert Mugabe, ont mobilisé une foule des grands jours à l’aune de la réputation du disparu. «Le père de la démocratie», surnom mérité, cette qualité ayant été reconnue au défunt, par ses anciens bourreaux, notamment l’actuel président zimbabwéen, Emmerson Mnangagwa. Le successeur du Vieux Bob qui a été à l’origine des représailles violentes déclenchées contre Morgan Tsvangirai et ses ouailles, véritables empêcheurs de gouverner en rond pour la ZANU-PF au pouvoir n’a pas tari d’éloges sur la dépouille de l’opposant. Le chef de l’Etat se souvient de celui «qui a toujours insisté pour des élections libres, justes, crédibles et non violentes» et qui est doté d’une «capacité à tendre la main, en dépit des divergences politiques, pour former un gouvernement d’union nationale après les élections de 2008 qui avaient divisé». Mais il a fallu la mort pour que tous ces lauriers soient tressés sur une tête qui a souvent servi de punching ball  aux sbires de Robert Mugabe et des caciques d’un pouvoir sans partage.

Si le souffre-douleur des hommes forts d’Harare n’a pas succombé aux tortures les plus inimaginables et n’a jamais courbé l’échine devant cette adversité inhumaine qui l’empêchera, jusqu’à son dernier souffle, d’accéder à la magistrature suprême, c’est un cancer du colon qui a eu raison de lui, le 14 février dernier. Clin d’œil du sort, l’homme a tiré sa révérence ce jour qui fête l’amour, comme pour dire que toute son existence a servi à réconcilier les Zimbabwéens entre eux, dans les liens de la démocratie. Mais ironie du sort, c’est sur le cadavre encore chaud du réunificateur que les membres de ses familles biologiques et surtout politiques s’entredéchirent. Alors que l’actuelle épouse de Morgan Tsvangirai, sa deuxième après la mort de la mère de ses six enfants, était déclarée persona non grata par la mère du défunt, ce sont ses compagnons de lutte qui ont engagé un combat sans règle pour sa succession à la tête du parti, un MDC qui est de ce fait menacé par l’implosion. Une mauvaise et malheureuse passe qui consacrerait la deuxième mort de Morgan Tsvangirai, le pays se trouvant presqu’à la veille de l’élection présidentielle prévue pour cette année 2018. Dire que le leader du Mouvement pour le changement démocratique était annoncé comme le candidat de l’ensemble de l’opposition pour affronter le champion du parti au pouvoir.

Morgan Tsvangirai, aura finalement eu le destin qu’il méritait le mieux.  Celui de ne pas connaître de son vivant le déchirement d’un parti qu’il a fondé en 1999 et porté jusqu’à sa mort comme un instrument de conquête du pouvoir, mais surtout une tribune de lutte pour l’avènement d’une véritable démocratie qui continue à fuir le Zimbabwe, dirigé par des généraux et cette classe incontournable dite des «Vétérans». En tout cas, comme une tempête trop longtemps en incubation, la guerre de succession entre les trois vice-présidents, désigné, choisi ou auto-proclamé comme nouveau patron du MDC, est sans doute le pire des hommages rendus à Morgan Tsvangirai qui malheureusement, à l’instar de tous les fondateurs de parti, aura fait du sien,  de son vivant, sa chose. Et ce sera sans doute là, le regret le plus amer qu’il portera sans doute avec lui dans sa tombe de Buhera, son village natal situé à 250 kilomètres de Harare, la capitale où il a été la star politique incontestée.

Par Wakat Séra