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Affaire «charbon fin»: les avocats de la défense demandent un «achèvement» de l’expertise

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Le Directeur Général de IAM GOLD Essakane SA, Mohamed Ourriban, montrant le charbon fin aux journalistes (photo d'archives)

Les avocats de la défense dans le procès «charbon fin», ont demandé, ce jeudi 5 octobre 2023, un «achèvement» de l’expertise indépendante commise pour éclairer la lanterne des parties, pour une manifestation de la vérité dans cette affaire. Après les débats, l’audience a été suspendue pour être reprise demain à 9H00 au Tribunal de Grande Instance de Ouaga 1.

Le jugement de l’affaire «charbon fin» a repris ce jeudi au Tribunal de Grande Instance de Ouaga 1. Contrairement à plusieurs autres audiences où aussitôt commencé, le procès se bute à des exceptions qui oblige à son renvoi, les débats se sont tenus sur plusieurs heures aujourd’hui.

Après les questions préliminaires, les juges ont appelé les prévenus à la barre et formulé à chacun, les faits pour lesquels il est poursuivi dans ce dossier qui a commencé en 2019. Cette phase terminée, les parties, notamment la défense a soulevé trois observations essentiellement. Les conseils des prévenus souhaitent que deux membres du parquet ne siègent plus dans cette affaire car ils ne font plus partie du tribunal de Grande Instance de Ouaga 1.

Deuxio, ils ont demandé un rapport financier du milliard de FCFA que IAM GOLD Essakane SA, la mine incriminée dans ce dossier, a supporté pour la réalisation de l’expertise. Troisièmement, ils ont estimé que l’expertise n’est pas complète et ont demandé au tribunal de tirer les conséquences de droit en permettant aux experts de terminer l’expertise concernant des cargaisons de charbon fin dans lesquelles seraient contenus des minerais dont il faut édifier les parties au jugement en les situant sur la teneur des « 133 kilogrammes de corps solides ».  

Sur l’achèvement de l’expertise soulevé, Me Moumouny Kopiho de la défense pense que « si on ne le fait pas, on ne peut pas déterminer la teneur d’or qu’on prétend qu’Essakane a voulu frauder ou bien a volé ». « Vous voyez, depuis on a donné des quantités impressionnantes et des montants inimaginables. Il faut que la vérité soit établie. Le retard du traitement du dossier, vous avez compris que ce n’est pas nous », a dit ce Conseil de la plus grande mine du Burkina Faso, regrettant qu’« une expertise qui était prévue pour trois mois » prenne « finalement un an ».

Pour lui, on accuse son client Essakane, de « vouloir empêcher le jugement alors que c’est faux. Nous demandons seulement que ce dossier soit jugé normalement ». « On ne peut pas désigner des gens particuliers pour un dossier même s’ils ne sont plus de la juridiction. Et ça, nous le dénonçons formellement et fermement », a-t-il dit en lien avec l’une de leur observation à savoir que deux membres du parquet légalement ne doivent plus siéger dans cette affaire.

« Des magistrats siègent alors qu’ils ne font plus partie du tribunal. Ce n’est pas normal. Ils ont été affectés, on a les décrets de leurs affectations, ce n’est pas une insinuation », a réagi Me Moumouny Kopiho, soutenant que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), à travers une directive, a réaffirmé qu’« un magistrat qui fait 5 ans doit cesser d’exercer ». La défense a soulevé ce point pour dire qu’elle veut « une juridiction bien composée », a-t-il ajouté, soulignant qu’« on ne peut pas comprendre l’intérêt particulier qui fasse que des magistrats qui ne sont pas du tribunal vont venir siéger ».

Sur le rapport financier, il a indiqué que les avocats de la défense ont demandé que le parquet leur fasse le point des un milliard FCFA que Essakane a déboursé pour l’expertise. « On nous dit (que) le rapport est là et ils ne nous le donnent pas », a-t-il lancé.

Quant à la sérénité des conseils de la défense pour la suite des débats, Me Kopiho a affirmé que « la justice va triompher. Ça prendra le temps que ça prendra mais la justice va triompher. Vous pouvez compter sur, personnellement, ma détermination ».

Contradiction d’avis entre deux camps d’experts

Un autre fait marquant au jugement de ce jour a été la consultation des avis des experts commis à ce dossier qui ont été contredits par une autre personne avertie des questions minières dont le parquet a voulu solliciter le concours.

Après la demande de la partie défenderesse voulant que le tribunal fasse exécuter la décision de justice demandant le complément de l’expertise, le parquet a estimé que ce dossier a trop duré et que le ministère public a trouvé des spécialistes dans le domaine pour faire le travail séance tenante dans la salle. Selon le parquet, « les 133 lingots d’or, visibles l’œil nu » issus des cargaisons ne nécessitent pas qu’on perde le temps encore. Mais la défense va attirer l’attention du tribunal en rectifiant qu’il s’agit de « corps solides » et non de « lingots d’or », et que ce sont sur ces corps solides qu’un autre travail d’expertise doit être effectué pour en déterminer les natures des minerais et leur teneur pour compléter le dossier.

Mais le parquet a réagi en soutenant qu’on ne peut pas lui en tenir rigueur parce qu’il est libre d’utiliser le terme qui lui convient pour se faire comprendre. Il dit réserver le débat sur les terminologies aux experts.

Le président du tribunal au regard des débats houleux et interminables a fait appel aux deux experts miniers Moussa Gomina et Joël Ilboudo qui ont produit le rapport indépendant d’expertises, à lui apporter de la lumière. Les deux experts ont indiqué à la barre qu’il faut une expertise des corps solides en suivant le même procédé qu’ils ont eu à utiliser pour déterminer les autres métaux qui étaient contenus dans le charbon saisi qui fait l’objet de jugement.

Mais le parquet va demander au président de laisser le spécialiste dont il a invité, Arsène Yonli qui s’est présenté comme professeur titulaire au département de Chimie à l’Université Joseph Ki-Zerbo, a aussi donné son point de vue car pour lui, il a du matériel technique qui lui permettrait de faire l’expertise que la cour veut sur place.

Le débat s’étant maintenant recentré sur les deux versions des experts qui se contredisent totalement, le président a décidé de la suspension de l’audience, en vue de demander au parquet de faire diligence pour apporter à sa cour, les corps solides dont il est question afin qu’ils apprécient avant la reprise de l’audience demain matin à 9H00.

Par Bernard BOUGOUM