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Burkina: encore combien de «Banlo» pour arrêter les lynchages à mort?

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Ils s’appelaient Jacques Naré, Edmond Yentema Naba, et Harouna Ouédraogo. Leurs familles, leurs alliés et les habitués du Centre de contrôle des véhicules automobiles (CCVA) ne les verront plus. Ils ne parleront plus d’eux qu’au passé. Ce vendredi 27 août, alors qu’ils se rendaient à Ouagadougou, leur véhicule a été impliqué dans un accident de la circulation routière dans le village de Banlo, situé dans la commune rurale de Bouroum-Bouroum, province de Poni, région du sud-ouest du Burkina. Un enfant d’environ 10 ans, aurait trouvé la mort dans cet accident malheureux. La bêtise humaine a alors affleuré, sous la forme d’une atroce vengeance de populations qui, pour se rendre justice, n’ont pas trouvé une autre option, que le lynchage de ces désormais ex-agents du CCVA, qu’elles ont fait passer de vie à trépas.

Le récit du conseiller villageois de développement (CVD) de Banlo, fait par le procureur du Faso, est glaçant et déconcertant, à déconseiller aux âmes sensibles et personnes de moins de 12 ans. «(…) Dès les premiers instants de l’accident, les trois (03) occupants du véhicule avaient été lynchés, tués et leurs corps sans vie cachés dans un champ de maïs à environ un (01) kilomètre du lieu de l’accident.» Le film d’horreur plus vrai que réalité! «(…) trois (03) corps sans vie, présentant des blessures causées par des objets contondants et tranchants. L’un des corps présentait des traces de projectiles, probablement causées par une arme à feu dont on ignore la nature pour l’instant.»

Qui sont les scénaristes et réalisateurs de cet acte qui, en fiction, aurait fait la joie des amoureux de ce genre cinématographique qui procure de la frisson à gogo et fait monter l’adrénaline à son paroxysme? «A ce stade, une enquête a été ouverte, aussi bien sur les circonstances de l’accident que sur celles du lynchage des trois (03) occupants du véhicule, en vue de situer les responsabilités.» Il faudra donc attendre les fruits des investigations des fins limiers de la police, pour tirer toutes les conclusions de ce double drame. Mais, affirme le procureur du Faso, face à ce cumul d’instincts grégaires, «d’ores et déjà, l’enquête a permis d’identifier et d’interpeller deux (02) personnes soupçonnées d’avoir participé aux actes de lynchage.»

En tout cas, ce lynchage en plein 21è siècle, et dans un Etat de droit, se passe de l’entendement. Il renvoie plutôt aux westerns et bandes dessinées de Luky Luke et autres desperados, dans lesquels des bandits, plongés dans du goudron et recouverts de plumes, subissent les châtiments les plus immondes, avant d’être abattus d’une balle dans la tête ou pendus hauts et courts, devant le saloon bondé de monde. Mais à Banlo, nous sommes loin de la fiction et rien ne saurait expliquer cette rage de tuer, pour punir des présumés auteurs d’un accident. S’il faut déplorer cet accident qui serait cause de mort de personne, de surcroît une âme innocente, un enfant âgé seulement d’environ 10 ans, il faut condamner, avec la dernière énergie, cette barbarie qui a coûté la vie à trois autres personnes. Surtout que la responsabilité de celles-ci n’a pas encore été établie dans cet accident. Il existe une police et une justice. Et jusqu’à preuve de contraire, le Burkina Faso est un Etat de droit où toutes ces institutions fonctionnent.

La loi de Talion ne saurait refaire surface dans une société dont les membres, organisés, ont fait le choix de se soumettre à un ordre intelligent, où les différends sont portés devant des tribunaux modernes ou, devant les chefs traditionnels habilités à juger en toute équité. Le «œil pour œil, dent pour dent» doit être totalement banni des habitudes, car, désormais et totalement incompatible avec la loi et les us et coutumes en vigueur au Burkina. Toutefois, ce double drame est loin d’être un cas isolé au Burkina, où le premier réflexe, après un accident, est de prendre ses jambes à son cou, pour trouver refuge dans le poste de police ou de gendarmerie le plus proche. Le conseil qui est devenu pratique courante, est valable, tout autant à Ouagadougou la capitale, qu’à Banlo, dans la commune rurale de Broum-Broum. C’est la preuve que le déficit de confiance se creuse davantage entre les populations et les institutions, entre les gouvernés et leurs gouvernants.

Il urge de combler au plus vite ce fossé, pour éviter les nombreux Banlo qui couvent! Demain sera trop tard!

Par Wakat Séra