Accueil Editorial Burkina–Taiwan: c’est fini!

Burkina–Taiwan: c’est fini!

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Le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Alpha Barry, a annoncé la rupture (Ph. Wakat Séra)

C’est en moins de deux minutes chrono qu’une vie commune de vingt-quatre années entre le Burkina Faso et Taïwan. Presqu’un quart de siècle de ménage sans ombre. Et patatras, les adieux! La déclaration, solennelle mais surtout très lapidaire, prononcée ce jour 24 mai, par le chef de la diplomatie burkinabè sur instruction du président du Faso, n’est venue en fait que pour confirmer les rumeurs de rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. Certes, le chef de file de l’opposition burkinabè, Zéphirin Diabré, par ailleurs, président d’honneur du Forum d’amitié sino-burkinabè (FASIB) n’a jamais fait de mystère sur sa préférence pour la «Grande Chine» en matière de choix diplomatique et géopolitique. Mais séduit par la diplomatie du chéquier fort bien maitrisée par Taïpeh afin de se maintenir une pseudo-existence à l’international, l’ancien régime burkinabè a stratégiquement opté de se mettre en foyer avec Taiwan, tournant ainsi le dos à la République populaire de Chine qui avait établi ses pénates au Burkina, se distinguant par la réalisation de certaines infrastructures dont le stade omnisports dit du 4-Août. Et le nouvel époux, très reconnaissant, n’a pas lésiné sur les moyens pour rendre sa dulcinée heureuse. Tout a été mis à contribution par l’Ile de Formose pour demeurer dans les bonnes grâces du Burkina Faso, devenu depuis quelques années, avec le Swaziland, les deux seuls pays à rester en ménage diplomatique avec elle.

Les visites au sommet s’enchaînent et le tapis rouge n’a jamais été autant déroulé pour des autorités burkinabè dans un pays étranger comme Taiwan. Les bourses accordées aux étudiants burkinabè et celles mises à la disposition de cadres et autres fonctionnaires du Burkina contribuent fortement à leur formation dans divers domaines. La construction d’hôpitaux dont celui aux normes internationales baptisé du nom de l’ancien chef de l’Etat Blaise Compaoré et la réalisation de plusieurs infrastructures, comme des barrages, le palais des sports, etc., et d’autres actions notamment dans le cadre des «Engagements nationaux» ont permis à la République de Chine de consolider ses fondations au Pays des hommes intègres. Et même si les opérations de charme qu’étaient les foires commerciales régulièrement organisées par Taiwan n’ont pas réussi à détourner les opérateurs économiques burkinabè de la Chine continentale, elles n’ont pas moins permis de mieux leur faire découvrir le savoir-faire taiwanais en matière d’électronique, d’architecture, de textile par exemple. Car, il faut le dire, malgré le désamour diplomatique entre le Burkina et la Chine populaire, le pont commercial entre les deux pays a toujours été très dynamique et florissant, massivement emprunté par les Burkinabè qui faisaient de très bonnes affaires avec Pékin. Guangzhou, la troisième ville de la Chine est devenue pratiquement un petit village Burkinabè, tant ceux-ci s’y retrouvent pour leurs affaires. Et il y a moins de trois mois, le point focal de la Chine continentale au Burkina avait organisé un voyage au pays de la Grande Muraille au profit d’opérateurs économiques burkinabè!

On ne vit pas sans se dire adieu! Ainsi parlait l’artiste. Et surtout, comme le disait Charles de Gaulle, «les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts». Si aujourd’hui la Chine continentale fait davantage du bien au Burkina Faso, elle est la bienvenue. Surtout que nombre de projets sous régionaux et régionaux comme le chemin de fer sont dans le viseur des Chinois de Pékin. Or le Burkina Faso, pays carrefour en Afrique de l’ouest, faisant jusque-là l’exception d’être le seul à filer le parfait amour avec Taiwan au détriment de la Grande Chine, la situation devenait un casse-tête…chinois. Maintenant qu’elle va reprendre pied au Burkina, qu’apportera la puissante Chine continentale, elle dont les ressortissants accaparent souvent toute la vie économique nationale, ne laissant que des miettes au nationaux? Pourvu que cette nouvelle lune de miel avec le géant chinois soit bien encadrée pour que les Burkinabè ne soient pas nostalgiques de Taiwan.

Par Wakat Séra