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Discrimination : quand le Fnuap a son genou sur le cou des cadres africains

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La panamaéenne Natalia Kanem en froid avec les cadres africains du FNUAP

Le genou du policier américain sur le cou du pauvre George Floyd est le symbole d’une époque. Comme réveillé de sa cécité volontaire, le monde entier découvre le calvaire des hommes de couleur, africains américains ou, pour déroger au langage politiquement correct, «nègres». Disons-le, les policiers américains n’ont pas le monopole ni la marque déposée de la discrimination. Les institutions internationales en général et onusiennes en particulier n’en sont pas exemptes.

Au sein du  système des Nations unies, la discrimination résiste à l’air du temps et connaît même une seconde jeunesse dans une agence comme le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap), un organisme en roue libre depuis la nomination à sa tête, le 3 octobre 2017, de la Panaméenne Natalia Kanem, succédant au nigérian feu Professeur Babatunde Osotimehin.   Beaucoup d’africains reprochent à «cette sœur»de leur chercher la petite bête sur la seule base de la couleur. Paradoxal. Interrogés, des fonctionnaires onusiens nous renvoient au préambule de la Charte des Nations Unies et à la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui proclament la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, «sans distinction de race, de couleur ou d’origine nationale».

Certes le  système de l’ONU et ses institutions spécialisées ont interdit la discrimination par l’adoption de conventions et de déclarations et ont diffusé des informations spécifiques à ce sujet et proposé des solutions.   Toutefois,  reconnaît notre interlocuteur, «malgré ces efforts, de nombreuses personnes et de nombreux groupes faisant partie des minorités continuent de faire l’objet de diverses formes de discrimination, même au sein du système des Nations Unies». En fait qu’est ce qui se passe au  Fonds des Nations Unies pour la Population (Fnuap)) ?

La discrimination et les disparités au sein du Fnuap

L’institution est d’une part secouée par une vague d’abus d’autorité et de limogeages sans précédent qui ciblent principalement les cadres africains à l’instar de ceux de la division des affaires multilatérales et de la gouvernance, dissoute, semble-t-il, à la demande des bailleurs.
D’autre part,  il se développe au sein de cette agence une politique de réduction des ressources destinées au continent au profit du siège. Fait troublant, désormais dans les représentations du Fnuap  en Afrique, la tendance discriminatoire s’affirme également. Ainsi, sur 47 pays où le Fnuap  a une présence sur le continent, 45% des représentants sont des non africains, alors qu’il y a moins de trois ans, les cadres africains représentants étaient estimés à  30% de l’effectif de cette catégorie.

A contrario , la présence de représentants du Fnuap d’origine africaine dans les autres régions du monde, à l’instar de l’Amérique latine ou de l’Europe, est quasi inexistante. « Malheureusement, si la tendance au Fnuap  s’aggrave, ceci n’est pas une spécificité de cette organisation mais une triste réalité pour la majorité des agences onusiennes», généralise un cadre africain sous le couvert de l’anonymat. La situation a d’ailleurs fait réagir le groupe des ambassadeurs africains accrédités à New York auprès de l’Onu qui a, par les voies autorisées, porté à l’attention de l’institution onusienne ses inquiétudes en interpellant d’abord, selon nos informations, à huis clos, puis en pleine séance publique du conseil d’administration, la directrice exécutive du Fnuap sur ses pratiques discriminatoires et sa gestion aléatoire de l’institution.

Outre les paradoxales questions de dépenses comme lors de la célébration des 25 ans du plan d’action du Caire pour la population et le développement où le cocktail organisé à cette circonstance par la directrice exécutive avait coûté  220 000 dollars américains, le Fnuap aurait une attitude assez particulière envers les cadres africains.

En effet, comme nous l’avons signifié plus haut, depuis le décès de l’ancien directeur exécutif du Fnuap  Babatunde Osotimehin , sa remplaçante nommée à ce poste avec, ironie de l’histoire, le soutien sans faille du continent Africain  est devenue la bête noire des ressortissants du continent.
Passée  directrice exécutive en octobre 2017, Natalia Kanem a licencié  plusieurs cadres africains de l’institution en violation des principes, des règlements et procédures d’éthique qui régissent l’institution. De surcroît, la gestion de la remplaçante de Babatunde à la tête du Fnuap a laissé percevoir auprès de plusieurs observateurs avertis un déficit des us et pratiques onusiennes et un manque de culture institutionnelle qui se caractérise par un mépris des États membres, en particulier les États africains. Nous avons dans nos recoupements constaté par exemple au mois de février et mars de cette année, qu’il y a eu au sein cette agence onusienne la vacance de deux postes de directeurs exécutifs adjoints. L’un des titulaires ayant démissionné pour incompatibilité et dérive institutionnelle, tandis que l’autre, le directeur général adjoint en charge des programmes, d’origine éthiopienne, a été purement et simplement remercié dans des conditions obscures . Ce qui constitue d’ailleurs un précédent, car depuis la création des Nations unies il y a 75 ans, jamais une organisation n’a vu ses deux postes adjoints devenir vacants en l’espace d’un mois. Ceci ne semble ne  pas interpeller la hiérarchie des Nations unies.  En 2018, une fonctionnaire d’origine Nigériane et un autre d’origine Ghanéenne ont dû quitter le Fnuap. Le Ghanéen a été muté au niveau du président de l’assemblée Générale dans un premier temps, avant de quitter l’organisation.

À côté des cas susmentionnés, nous avons eu connaissance d’autres faits discriminatoires ciblant des hauts cadres africains. Tout récemment, un fonctionnaire togolais de haut niveau au sein du Fnuap en poste comme représentant à Addis-Abeba a été abusivement licencié. Les plus avisés et les plus chanceux ont postulé dans d’autres agences onusiennes tandis que d’autres, notamment un cadre africain au service du Fnuap  dans l’Océan indien, a été purement et simplement remercié.
Les hauts fonctionnaires africains au sein du Fnuap  sont marginalisés et discriminés sur leur lieu de travail, puis ils sont régulièrement menacés, harcelés par le nouveau directeur de cabinet de Mme Kamen. Dans cette ambiance tendue, inutile de le rappeler, les fonctionnaires subalternes d’origine africaine n’ont pas voix au chapitre.

Somme toute, il paraît clairement que l’administration du Fnuap placée sous la houlette de Mme Kanem viole les principes réguliers et les procédures qui régissent les Nations unies en la matière.   La  directrice exécutive passerait  outre les décisions des structures indépendantes des Nations unies comme le bureau des audits et des investigations des Nations unies et même de l’administration de la justice interne des Nations unies. Plus grave encore, Mme Kanem fait tout pour ne pas tenir compte des décisions de ces instances lorsqu’elles se prononcent en faveur des cadres africains, ce qui constitue une entrave aux procédures de règlement des contentieux internes au sein du système des Nations unies.

Le seul bureau Afrique fermé

Un autre fait qui démontre le caractère discriminatoire de la directrice actuelle du Fnuap , vis-à-vis du  continent africain, est sa décision de fermer le seul bureau Afrique sur les six existants. Le bureau de liaison Afrique d’Addis Abeba,  dans la capitale historique de l’Afrique, qui abrite le siège de son institution emblématique, l’Union Africaine, abrite entre autres depuis plus de 50 ans le siège de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA). Le bureau Afrique est le seul bureau en ligne de mire de Mme la directrice exécutive.  Au regard de ce qui précède, et du fait que seuls les cadres africains font l’objet d’une chasse aux sorcières au sein de la nouvelle administration du Fnuap, il est plus que jamais impérieux que le secrétariat général de l’Onu prenne  des mesures adéquates afin de traiter avec diligence cette question de la discrimination qui vise les cadres au sein du Fnuap .
L’Afrique, forte de ses 54 voix, représente un quart des États membres de l’assemblée générale des Nations unies saura-t-elle,  le moment venue, faire parler d’une seule voix?

Quant au SG de l’ONU, Antonio Guterres,  dont un  tweet,  publié le 5 juin 2020, en rapport avec les victimes du racisme, déclarait que  «la lutte contre le racisme est au cœur du travail de l’ONU, ne devrait-il pas passer de l’indignation à l’action. Le racisme existe partout, il existe au sein des Nations Unies …», lançait-il dans une sorte d’aveu d’impuissance.

Viendra-t-il inspecter le Fnuap pour évaluer le traitement des “minorités”? Osera-t-il descendre dans ces nombreux départements du Secrétariat onusien, tel que le département des affaires économiques et sociales (DESA), où la présence  des cadres africains est quasiment inexistante?  S’intéressera-t-il au PNUD, à l’UNICEF, au PAM et à toutes ces agences qui ont leur genou posé sur le cou de cadres qui n’arriveront plus à respirer si rien n’est fait?

Un membre du groupe Afrique des ambassadeurs auprès de l’ONU nous a évoqué un fait objet d’une enquête au sein des Nations Unies mais étouffé par la suite. Ce dernier nous fait observer qu’un africain et un “caucasien” qui sont recrutés le même jour au même grade et à compétence égale aux sein des Nations Unies n’évoluent pas de la même manière. Après une décennie, le caucasien aura franchit plusieurs échelons tandis que l’africain sera pratiquement resté au même niveau. Ceci figurait dans les conclusions d’une commission interne des Nations Unies sur le racisme au sein de la vénérable institution. Une équipe qui fut vite démantelée pour mieux étouffer cet agenda gênant.

Doit-on conclure qu’à l’ONU, les questions de genre qui doivent prévaloir à la compétence égale ont pris largement le dessus sur les questions de distribution géographique et des compétences, valeurs si profondément ancrées dans la charte de San Francisco?