Accueil Editorial Mali: il était une fois, l’avion présidentiel et l’ancien Premier ministre

Mali: il était une fois, l’avion présidentiel et l’ancien Premier ministre

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L'ex-Premier ministre malien, Soumeylou Boubèye Maïga

Un avion présidentiel qui aurait coûté près de 20 milliards de francs CFA. Des chaussettes de 10 000 FCFA dans un lot d’équipements militaires dont l’achat aurait fait l’objet de surfacturations. Deux affaires, qui, à elles seules, cumulent à plus de 130 milliards de francs CFA. Ces dossiers qui avaient fait des gorges chaudes et fait couler beaucoup d’encre et de salive, au Mali, remontent à 2014. Mais comme des insubmersibles, et malgré l’enterrement de première classe dont elles ont fait l’objet au moment où l’homme fort de Bamako s’appelait Ibrahim Boubacar Keïta, alias IBK, les deux affaires sont remontées en surface, sur les bords du fleuve Djoliba. Et elles ont conduit directement en prison, ce jeudi, deux présumés responsables de ces indélicatesses qui ont fait noircir beaucoup de pages des rapports de la Cour des comptes, du vérificateur général et du Fonds monétaire international.

Ce sont, indubitablement, deux gros poissons dans la nasse de la justice, car Soumeylou Boubeye Maïga dit SBM et Bouaré Fily Sissoko n’étaient pas des citoyens lambda. Le premier, ancien candidat à la présidentielle, ancien Premier ministre, excusez du peu, était ministre en charge de la Défense au moment des faits, tandis que la seconde, puisque c’est une dame, détenait, elle, le maroquin très stratégique de l’Economie. Mais désormais, ils devront répondre des griefs, pour SBM, de faux, corruption, favoritisme, abus de confiance, et trafic d’influence et pour Mme Bouaré Fily Sissoko, d’atteintes aux biens publics, faux et usage de faux, favoritisme, népotisme et corruption. Des affaires qui n’ont certainement pas fini de dévoiler tous leurs clients. Les deux anciens membres de l’exécutif malien, qui ont été inculpés et placés sous mandat de dépôt suite à leur convocation devant la section judiciaire de la Cour suprême, auront, sans aucun doute, de la compagnie, les rebondissements étant toujours au menu de ces dossiers où se mêlent justice et règlement de compte.

En effet, sans mettre en doute les chefs d’inculpation de SBM et de sa co-accusée, du reste, toujours présumés innocents, il faut reconnaître que dans ces genres d’affaires, la chasse aux sorcières et les stratagèmes pour mettre hors course un adversaire politique ne sont jamais bien loin. C’est d’autant vrai, en ce qui concerne le très politique Soumeylou Boubacar Maïga, qui n’en n’est pas à son premier séjour dans les geôles d’un pouvoir, ayant été mis à l’ombre, lors du coup d’état perpétré par Amadou Sanogo, le 22 mars 2012 contre Amadou Toumani Touré. C’est dans la même logique contestatrice qu’il s’est opposé contre tout bonus à la durée de vie de la transition dirigée par le colonel Assimi Goïta. L’ancien Premier ministre ne faisait, non plus, aucun mystère de son intention de s’aligner pour la prochaine élection présidentielle qui devra ramener le Mali dans le giron de  l’Etat de droit. Vouloir devenir calife à la place du calife, cela n’a jamais été du goût du calife sous les tropiques! C’est même une voie qui conduit, presque toujours, ceux qui l’empruntent, là où se trouve aujourd’hui, SBM.

Si ces affaires constituent de véritables scandales qui ne doivent pas rester impunis dans un pays où les citoyens tirent le diable par la queue et où les militaires sont massacrés au quotidien et réclament davantage d’équipements de qualité dans la lutte contre le terrorisme, il faut cependant craindre le harcèlement sans limite contre des adversaires politiques. Surtout que la procédure a été arrachée à la Haute cour de justice, seule habilitée à juger les ministres, comme dans d’autres pays voisin du Mali, comme le Burkina Faso. Elle est désormais, gérée par la Cour suprême à la grande surprise des magistrats eux-mêmes. Une nouvelle affaire qui tiendra les Maliens en haleine les jours et semaines à venir et pourrait bien cacher des desseins autres que celui de la lutte contre la mal gouvernance. Par exemple, le peu ou prou d’efficacité pour sortir le Mali des serres des djihadistes ou la rallonge possible de la transition? Questions au colonel Assimi Goïta et les siens.

Par Wakat Séra