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Nigeria: le géant en transe!

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Les manifestants scandent déjà: "Buhari doit partir'

Le Nigeria à feu et à sang, depuis une dizaine de jours et un président au discours peu apaisant. Le géant de l’Afrique de l’ouest est bien secoué par cette crise, née de la vague de protestations contre les brutalités policières et la mauvaise gouvernance. La contestation, dans certains Etats fédéraux, dénoncent des maux comme l’insécurité, le banditisme, le kidnapping, etc. Et le mercure ne fait que monter, rendant plus nerveuses des forces de l’ordre à la gâchette bien facile alors que les populations leur reprochaient leurs doigts trop agiles pour le racket. Face à l’éruption inouïe de la violence, les hommes de tenue ont fait usage de leurs armes, sans autre forme de mesure. La comptabilité macabre, brandie par la très sérieuse ONG Amnesty International, fait état d’au moins 12 morts, de centaines de blessés et de beaucoup de dégâts matériels.

L’Etat, comme à l’accoutumée, après avoir nié les pertes en vies humaines, a reconnu qu’un seul manifestant est passé de vie à trépas, atteint par les tirs à balles réelles. «Mardi noir», «mardi sanglant»! C’était, du reste, la manchette de la plupart des organes de presse, pour qualifier ces journées et nuits de braise, vécues par les populations de la mégalopole Lagos et d’autres Etats atteints pas les violences. Plus qu’un épiphénomène ou un fait singulier à une localité, c’est bien tout le Nigeria qui est en ébullition depuis plus de dix jours maintenant. Un ras-le-bol qui pourrait bien se justifier par un désenchantement total, face aux promesses non tenues de Muhamadou Buhari, 76 ans, dont l’élection en 2015 et la réélection en 2019, avaient pourtant suscité bien des espoirs, dans un Nigeria gangrené par la corruption doublée de la menace sécuritaire.

Alors qu’il a promis le mieux-être, à une jeunesse qui s’est toujours sentie en rade et en proie au chômage endémique, les jeunes sont toujours confrontés aux dures réalités du manque d’emploi, livrés aux métiers précaires et souvent à la délinquance. Toute chose qui favorise leur endoctrinement par les sectes islamistes quand, au mieux, ce n’est pas le banditisme ou l’escroquerie qui leur ouvrent les bras. La pauvreté dans ce pays dont le sous-sol regorge de pétrole mais où, paradoxalement la pénurie de carburant sévit souvent, la nébuleuse islamiste, Boko Haram, recrute à la pelle, dans la frange jeune, pour endeuiller des populations qui ne demandent qu’à vivre en paix. Certes, les success stories, que ce soit dans la musique comme Davido ou Yemi Alade, ou dans les affaires comme Tony Elumelu ou le richissime Aliko Dangote, constituent des étoiles polaires, mais des astres célestes si loin des réalités terrestres de millions de jeunes dont le quotidien est désastreux, et l’avenir désespérant.

Ayant de la peine à mettre fin à cette corruption qui ne profite qu’à une minorité, dont les hommes au pouvoir et leurs proches, vivant dans un luxe insultant au détriment d’une majorité silencieuse abonnée à la misère, Muhamadou Buhari, que les longues absences pour maladies ont, surtout lors de son premier mandat, éloigné des décisions efficaces pour la sécurité, la santé, l’éducation et le social, fait face, aujourd’hui, à une fronde de la jeunesse qui pourrait bien lui être fatale, ou tout au moins écorner encore plus son image. Voilà pourquoi il doit s’inquiéter des actes de ces jeunes qui s’en prennent surtout aux symboles de l’Etat ou aux biens de dignitaires du pouvoir.

Dans son prochain discours, et surtout ces actions futures, au lieu de se limiter au fameux «je vous ai entendus» servi dédaigneusement au peuple, à la condamnation des actes de violence, et, entre autres, à la dissolution de la terrorisante police SARS, Mahamadou Buhari, doit servir les vraies solutions à une jeunesse déboussolée qui a davantage besoin d’actions pour son mieux-être, que de mots pour l’endormir…ou l’énerver, c’est selon! Et le temps ne joue plus pour lui, car ils ont commencé à demander son départ.

Par Wakat Séra