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Philippe Ouédraogo, une histoire d’un syndicaliste de gauche de la Haute-Volta au Burkina Faso

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«Tranches de vie/Des luttes syndicales à mon engagement politique» est le titre d’une publication de l’ancien ministre sous la révolution du capitaine Thomas Sankara, Philippe Ouédraogo. Édité, à Ouagadougou, aux Éditions Mercury, l’ouvrage autobiographique de 700 pages retrace l’histoire d’un syndicaliste de la gauche voltaïque à celle du Burkina Faso.

Il est sans doute l’un des témoignages les plus complets sur les différents courants syndicaux, notamment gauchistes, qui ont tenu tête aux multiples régimes qu’a connus la Haute-Volta depuis 1960, devenue, en août 1984, le Burkina Faso. 

En effet, «Tranches de vie/des luttes syndicales à mon engagement politique», est un ouvrage de l’ex-ministre de l’Équipement et  des Communications du président Thomas Isidore Noël Sankara (père de la révolution d’août 1983), Philippe Ouédraogo. Un livre publié, en mai 2021, à Ouagadougou, aux Éditions Mercury.

Ingénieur des mines de formation, l’auteur Philippe Ouédraogo, né d’un père enseignant et d’une mère ménagère au foyer, revient, entre autres thématiques abordées dans cet écrit, sur son parcours syndical.

«La loi cadre de 1956 avait créé en A.O.F (Afrique occidentale française) des exécutifs locaux dans chaque territoire… Depuis 1956, un vent nouveau soufflait donc en Afrique de l’ouest sous domination coloniale française, sur les relations entre blancs et noirs, d’autant que la moindre dénonciation des injustices recueillait un grand écho dans tous les milieux, notamment chez les plus instruits.» :  tel est un extrait des pages 256-257 du livre autobiographique de celui qui, à l’époque, bouclait ses années d’études secondaires au Collège classique et moderne de Niamey, un établissement public qui sera rebaptisé, en 1959, «Lycée National» du Niger, après la proclamation de la République en 1958.

Après un baccalauréat en Mathématiques-élémentaires (Math-Elem) obtenu en 1961 avec la mention «Bien» (une première pour ce lycée), poursuivant ses études en France, le jeune africain entendra plus souvent parler de la lutte des classes, tandis qu’il sera en classes préparatoires au lycée Victor Hugo de Besançon puis à celui de Louis-Le-Grand à Paris.

C’était en effet une époque de vives tensions politiques et idéologiques internationales, durant la période de guerre froide (1945-1991) entre l’Union des Républicains socialistes soviétiques (URSS) et les puissances occidentales, mais aussi de montée des luttes anti-impérialistes des peuples pour leur liberté et leur indépendance, comme dans le cas du peuple algérien contre le colonialisme français ou du peuple vietnamien contre le colonialisme français d’abord puis contre le néocolonialisme américain.

Notre futur essayiste forge ses premières convictions anti-impérialistes au sein de la Fédération des Étudiants d’Afrique noire en France (FEANF), où il rencontre des personnalités comme Amady Ali Dieng du Sénégal, Robert Dossou du Bénin et Alpha Condé de Guinée.

«Parmi les évènements qui ont été pleinement suivis par l’ensemble des étudiants africains, la lutte de libération du Vietnam était celui qui captait l’attention de tous. Malgré la propagande des milieux de droite et des Américains, cette lutte, qui avait à sa tête les héros légendaires de la première lutte de libération contre la domination coloniale française, notamment Ho Chi Minh et le général Giap, recueillait en notre sein le soutien le plus fort et le plus unanime. On admirait ces Vietnamiens qui avaient su vaincre l’armée coloniale française et qui poursuivaient maintenant la lutte contre l’impérialisme américain et son armée d’occupation», écrit M. Ouédraogo dans le sous point intitulé « Admiration et soutien de la lutte du peuple vietnamien », à la page 356 de son livre. 

Un enthousiasme envers la lutte révolutionnaire du peuple de ce pays d’Asie du sud-est, lutte révolutionnaire que l’étudiant de l’École nationale supérieure des mines de Paris, à l’époque, aura l’occasion de vivre en France lors des évènements de mai 1968 qui étaient un mouvement insurrectionnel de la jeunesse française contre la restriction des libertés sous le régime du général Charles de Gaulle.

En arrivant en France en 1961 comme étudiant nigérien, l’auteur du manuel sous-titré «Des luttes syndicales à mon engagement politique», s’était inscrit comme membre de l’Association des Étudiants nigériens en France (AENF), section territoriale de la FEANF.  

Optant pour la nationalité voltaïque trois ans plus tard (1964), le jeune étudiant africain, né sur le sol nigérien, militera désormais au sein de l’Association des Étudiants voltaïques en France (AEVF), autre section territoriale de la FEANF. Il y fera notamment la connaissance de quelques responsables de l’époque du mouvement estudiantin de la Haute-Volta dont Roger Moussa Tall, Hubert Yaméogo, Karamoko Sanogo.

À l’époque, témoigne l’auteur, les étudiants voltaïques d’obédience socialiste se partageaient, dans la capitale française, entre le Mouvement de Libération nationale (MLN) du Pr Joseph Ki-Zerbo et le Parti Africain de l’Indépendance (PAI) de Amirou Thiombiano (qui mourra, le 13 mars 1975, à Fada N’Gourma des suites de maladie).

De retour en Haute Volta en 1968, ayant adhéré au Parti africain de l’indépendance (PAI) en 1967, Philippe Ouédraogo militera désormais sous la bannière de ce parti clandestin.

«Pour tous ceux qui suivaient les questions politiques dans le pays, l’avènement du Conseil national révolutionnaire (CNR) et de la révolution marquait la victoire du PAI et de son combat, débuté exactement vingt ans auparavant avec la création de ce parti en août 1963», a souligné dans la page 602, l’ancien membre du gouvernement du CNR, Philippe Ouédraogo.

Ministre de l’Équipement et des Communications sous la révolution sankariste, l’auteur avait à ses côtés des compagnons de luttes syndicales et du PAI tels que le Pr Adama Touré au poste du ministre de l’Information, Ibrahima Koné, à la Jeunesse et aux Sports, Hama Arba Diallo aux Affaires étrangères et à la coopération.

Une année après leur entrée dans les organes dirigeants de la révolution, ces adeptes de l’idéologie socialiste vont très tôt déchanter et quitter le navire du CNR. Celui-ci se perdra en 1987, à la suite d’un évènement dramatique au Burkina Faso, l’assassinat du chef de l’Etat.

«Le 15 octobre 1987 était un jeudi. Responsable des projets industriels et miniers à l’ALG (Autorité du Liptako-Gourma), j’étais depuis le matin et jusqu’en début d’après-midi, en séance de travail avec certains cadres de l’ALG et des services techniques qui étaient les correspondants de cette institution dont les trois membres (Burkina, Mali, Niger). Nous étions à la fin des travaux, débutés 48 heures auparavant, d’un comité des experts de cette organisation. La clôture des travaux devait intervenir dans l’après-midi, à partir de 16 heures, dans la salle de conférences de la chambre du commerce, d’industrie et d’agriculture (CCIA) de Ouagadougou. La cérémonie connaissait quelques retards, (…) On nous a informé que le ministre (Alain Coeffé) ne pourrait pas venir et qu’il avait désigné pour le remplacer, Tertius Zongo, qui, à cette époque était directeur de la Coopération au ministère du Plan», un extrait tiré des pages 663 et 664 de «Tranches de vie: des luttes syndicales à mon engagement politique».

Après la lecture de cet ouvrage, une question de taille reste à poser au désormais essayiste. Que sont devenus donc les «luttes syndicales» ainsi que l’«engagement politique» de  l’auteur Ouédraogo au Burkina Faso, après la tuerie du jeudi 15 octobre 1987 qui a emporté le guide de la révolution d’août 1983 ? 

La réponse à cette interrogation serait peut-être dans une suite à donner à «Tranches de vie: des luttes syndicales à mon engagement politique». Un ouvrage de 700 pages, publié à Ouagadougou, aux Éditions Mercury.

Par Lassané SAWADOGO (Stagiaire)