Accueil A la une Présidentielle au Tchad: «match amical» ou duel sans merci?

Présidentielle au Tchad: «match amical» ou duel sans merci?

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Le président Mahamat Deby (boubou blanc) et son Premier ministre, l'opposant Succès Masra (Ph. d'archives)

Après une campagne électorale de trois semaines, dans un climat apaisé relevé par les observateurs de la politique au Tchad, un pays coutumier des rébellions, guerres civiles ou autres prises du pouvoir par les armes, et dont les démons de la violence prennent le contrôle, dès que des élections se profilent à l’horizon, ce lundi 6 mai est jour de vote. Ce sont plus de 8 millions de Tchadiens qui sont appelés aux urnes pour départager 10 candidats, dans une présidentielle qui devrait permettre au pays de fermer les parenthèses des trois ans de transition qui ont suivi la disparition, le 20 avril 2021, du Maréchal Idriss Deby Itno, qui, selon la version officielle, a été blessé la veille de sa mort, au front, dans une attaque des rebelles du Front pour l’alternance et la concorde du Tchad (Fact).

Si pour la conquête du fauteuil présidentiel, annoncée pour marquer le retour du Tchad sur les rails de la démocratie, 10 lutteurs descendront dans l’arène, le duel opposera, en réalité, le président de la transition, le général Mahamat Idriss Deby et son Premier ministre Succès Masra. L’opposant et ancien premier Premier ministre du fils Deby, Albert Pahimi Padacké, sera sans doute l’arbitre de cette confrontation que lui-même qualifie de «match amical». Les forces en présence paraissent, en effet, pencher au profit du président de la transition, une loi non écrite faisant de l’Afrique, le continent où nul n’organise les élections pour les perdre et où avant même la tenue du scrutin, le gagnant est déjà connu. Sauf que des exemples comme le Sénégal et les pays anglophones, battent, de plus en plus en brèche, cette donne qui ôte tout crédit aux élections qui se tiennent sur le continent noir. Et les dirigeants de la transition tchadienne ayant promis une élection ouverte et transparente à leurs populations et au reste du monde, on ne peut que les prendre au mot et les y encourager.

En tout cas, le combat entre les deux gladiateurs qui tiennent les rênes du pouvoir, garde toute sa saveur, les militants et partisans du parti Les Transformateurs étant décidés, au vu de leurs sorties massives lors des meetings de campagne, à donner la victoire à leur champion de Premier ministre. C’est dire que Succès Masra, à moins de bien cacher son jeu, joue la partie pour la gagner et non pour faire de la figuration dans le but donner du crédit à cette élection qui rouvrira, en principe, la voie de la démocratie aux Tchadiens. Sauf que son challenger qui veut se refaire une virginité par les urnes, est à la tête du MPS, le parti créé par son père et dont les cadres maîtrisent, sans aucun doute, mieux, les rouages de la machine électorale. De plus, Mahamat Idriss Deby est porté par l’armée, une coalition de plus de 200 partis politiques, et plus de 1000 associations de la société civile. Question: l’Ange, la structure en charge de l’organisation des élections et la Cour constitutionnelle qui, elle, est sous le contrôle de hiérarques du MPS, réussiront-elles à se mettre au-dessus de la mêlée; pour servir un scrutin plus ou moins exemplaire aux populations tchadiennes qui depuis des lustres, manifestent leur soif de justice sociale?

Pourvu que cette présidentielle soit loin d’être ce «match amical» annoncé par Albert Pahimi Padacké, et donne de réels espoirs de vie démocratique nouvelle aux Tchadiens.

Par Wakat Séra