Accueil Editorial Procès du putsch manqué au Burkina: aussitôt ouvert, aussitôt fermé!

Procès du putsch manqué au Burkina: aussitôt ouvert, aussitôt fermé!

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photo d'illustration

La salle des banquets de Ouaga 2000 choisie pour accueillir le procès du putsch manqué de septembre 2015, était pleine et tous, ou du moins presque tous les invités ont répondu présent. Mais les couverts du «grand festin» très spécial qui réunissait, ce 27 février 2018, des convives très singuliers, aussitôt soulevés ont été aussitôt déposés, dès que l’entrée a été servie. Le plat de résistance attendra donc, car le jugement venait de connaître sa première suspension. Et pour cause, les avocats de la défense ont contesté, non seulement la légitimité du président du tribunal, mais la juridiction elle-même. Conséquence, ils ont déserté la salle, se refusant à porter leur caution, ont-ils dit, «à des irrégularités» qui les auraient conduit «à participer à une œuvre qui n’est pas de la justice». Comme il fallait s’y attendre, les conseils en face ont qualifié ce comportement à du dilatoire. En tout cas, le président du tribunal constatant l’absence des avocats des accusés a suspendu l’audience.

Ce scénario était prévisible tout comme l’est, la durée, voire la routine dans laquelle pourrait s’installer ce procès qualifié d’historique, du fait du grand gabarit de certains accusés comme les généraux Gilbert Diendéré et Djibrill Bassolé, de la personnalité de nombreux témoins dont encore des généraux, le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, le président de la transition, Michel Kafando et son premier ministre, Yacouba Isaac Zida, sans oublier des autorités religieuses et l’empereur des Mossé, pour ne citer que ces témoins «première classe».

Les 84 accusés d’«attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires, dégradation volontaire de biens appartenant à autrui, trahison, incitation à commettre des actes contraires au règlement et à la discipline militaire, violence et voies de fait sur autrui, ou de complicité de ces infractions», vont patienter encore un peu. Le public aussi. Car c’est le droit qui se conjugue et qui est très jaloux de son indépendance et surtout de ses méandres dont les non-initiés doivent être tenus éloignés, afin de laisser les professionnels à l’œuvre. Du reste, cette première bataille de procédure en annonce sans doute d’autres, n’en déplaise aux accusés qui veulent vite sortir de ce procès, convaincus de leur innocence, et  aux «juges de la rue» qui ont déjà leur verdict car pour eux, «accusés» rime avec «coupables».

Mais ce procès dit «historique», mais surtout très ou trop passionné pourrait réserver bien des surprises dans son déroulement à haut risques, surtout qu’à  la suite du parquet qui a constitué la liste de ses témoins, le principal accusé, le Général Gilbert Diendéré a dressé lui aussi la sienne qui comporte pratiquement tout ce que le Burkina Faso compte d’autorités militaires, coutumières, religieuses, et même des diplomates, donnant à cette tentative de coup d’Etat, un air de «tout le monde était dedans».

Une chose est certaine, si certains continuent à dénoncer le tribunal militaire qu’ils considèrent comme une cour d’exception, une incongruité dans un Etat de droit et donc objet de probables dérives judiciaires, d’autres saluent la tenue de ce procès qui doit pouvoir situer les responsabilités dans ce putsch manqué qui a fait des morts et des blessés. Mais à l’unanimité, les mouvements de la société civile, les syndicats et les partis politiques, qui étaient en première ligne où non de la mobilisation contre le putsch, sont tous montés au créneau pour exiger un procès juste et équitable où le droit et seul le droit doit être dit.

Que le droit soit donc dit dans toute sa plénitude, pour débroussailler les chemins de la réconciliation véritable entre fils et filles du Faso qui ont tous, d’une manière ou d’une autre été éprouvés par l’insurrection populaire d’octobre 2014. Il est temps de désarmer les coeurs pour ne penser, unis, qu’au développement du Burkina.

Par Wakat Séra