Accueil Société Procès putsch manqué: «… je suis victime d’activisme» (Colonel major Yonaba)

Procès putsch manqué: «… je suis victime d’activisme» (Colonel major Yonaba)

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Photo d'archives

Le colonel major Saïdou Yonaba, médecin de la présidence du Faso au moment du putsch manqué du 16 septembre 2015, a été appelé à témoigner, à la barre ce vendredi 1er février 2019, dans le cadre du procès ouvert fin février 2018. Au cours de son audition, Me Hervé Kam de la partie civile a regretté des écarts de langage dans les propos du témoin. En effet, le colonel major a dit à Me Kam que «l’activisme et la justice sont différents», se plaignant auprès du tribunal d’être «victime d’activisme».

L’audience de ce vendredi 1er février 2019 qui a débuté, vers 9h00, par l’examen d’une demande de mise en liberté provisoire du caporal Sami Dah, a été poursuivie avec l’audition des témoins. Il s’agit de l’adjudant Harouna Mandé, de la compagnie d’appui de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP), de l’ex-troisième vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, ex parti au pouvoir, NDLR) en relation avec les partis, Moïse Nignan Traoré et le colonel major Saïdou Yonaba. Deux témoins, Eddie Comboïgo, président du CDP (opposition) et le capitaine Cuthbert Somda (en mission) que le tribunal avait prévus entendre également étaient absents. Il a été demandé au parquet de renouveler la diligence afin d’éviter qu’il soit fait recours à la force publique pour les faire comparaître.  

Le caporal Sami Dah et ses sept demandes de mise en liberté provisoire

Le caporal Sami Dah, après ses six demandes de mise en liberté provisoire rejetées, a réintroduit une fois de plus, auprès du tribunal, une nouvelle requête de mise en liberté provisoire.

L’accusé qui fait partie des toutes premières personnes à être mises aux arrêts, à la suite du putsch manqué du 16 septembre 2015, se retrouverait aujourd’hui être le seul militaire de rang à n’avoir pas bénéficié de liberté provisoire. Il a demandé l’indulgence du tribunal. Pour ce qui est de la garantie de représentation, il a affirmé qu’il est affecté dans un corps et ce corps est en lui-même une garantie.

Le parquet militaire, a estimé que les charges d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre et coups et blessures volontaires qui pèsent sur l’accusé, sont d’une certaine gravité, notant que, lors des événements du 16 septembre 2015 et jours suivants, il a également joué un rôle d’agent double. Le parquet a alors évoqué les messages qu’il a échangés avec le capitaine Gaston Kaboré, aide de camp de l’ex-Premier ministre Isaac Zida, alors que pour le putsch manqué il a été aux côtés du général Gilbert Diendéré, comme élément de sécurité rapprochée.

Pour sa part, Me Antoinette Boussim, avocat du caporal Dah, a indiqué que la mise en liberté provisoire de son client ne constituera pas de risque de subornation de témoin et de troubles à l’ordre public. En ce qui concerne les propos du parquet, elle a déclaré qu’aucune disposition juridique ne dit que la gravité des faits est un moyen légal qui puisse empêcher une juridiction d’accorder une demande de mise en liberté provisoire. «Nous ne faisons pas cette demande pour que mon client aille se prélasser aux îles Galápagos», mais pour être avec sa famille, a-t-elle soutenu.

Le tribunal qui a écouté les différentes parties a fixé le délibéré au lundi 4 février 2019.

Incendie du domicile du défunt Salifou Diallo

Le septième témoin à passer à la barre fut l’adjudant Harouna Mandé. Il aurait reçu un appel de l’adjudant Ardjouma Kambou, qui lui demandait un service. Il devait, au titre de ce service, se rendre chez l’ex-président de l’Assemblée nationale, Feu Salifou Diallo, car selon les informations de l’adjudant Kambou, des jeunes du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) voulaient incendier son domicile.

L’adjudant Mandé qui a voulu se rendre sur les lieux, aurait entendu des coups de feu, ce qui l’aurait empêcher et il serait retourné. A son retour il aurait vu une trentaine de jeunes au niveau du Rond-point des martyrs. Il a déclaré au tribunal avoir conversé avec celui qui s’est présenté à lui comme le chef des jeunes. «Le chef, qui était en tee-shirt noir et portant un chapeau de cow-boy, m’a dit qu’il est avec Rambo (Adjudant-chef Moussa Nébié, NDLR). C’est en parlant avec cette personne qu’il aurait reçu un autre appel de l’adjudant Ardjouma Kambou, qui lui demande de quitter les lieux car il aurait entendu une communication de l’adjudant-chef Moussa Nébié dans laquelle revenait sans cesse son nom.

Le témoin a affirmé qu’après les tirs, il a reçu un appel d’un garde du corps de M. Diallo, qui l’informa qu’il a reçu une balle à la main et qu’il se rendait dans une clinique pour des soins. Après, «j’ai pris mon courage et je me suis rendu au domicile de Salifou Diallo», a dit l’adjudant Mandé qui précise qu’il y a vu l’adjudant-chef major Eloi Badiel, l’Adjudant Ouékouri Kossé (accusés) et des pompiers en train d’éteindre l’incendie et d’empêcher les pillages. Ces accusés appelés à la barre, ont confirmé les dires du témoin, ce qui n’a pas été le cas de l’adjudant-chef Moussa Nébié. «Sur les 1 300 militaires du RSP, je n’ai appelé personne. Je suis écœuré qu’il dise cela, car nous étions tous (avec l’adjudant Ardjouma Kambou) de l’escorte du Général Gilbert Diendéré. Je ne le traiterai pas de menteur, parce que c’est un subordonné», a soutenu Rambo, déclarant qu’il n’a jamais communiqué en appelant le nom de Harouna Mandé.

Le témoignage de Moïse Nignan Traoré

Le témoignage de Moïse Nignan Traoré, ex-troisième vice-président du CDP, s’est basé sur la tenue de la réunion le 16 septembre 2015 au siège du parti, l’affaire des 15 millions FCFA et les 20 millions FCFA qui auraient été remis par Emile Kaboré.

Il a fait savoir qu’il n’y a eu qu’une seule réunion le 16 septembre 2015. Cette rencontre aurait pris fin avant 14h. Il a indiqué que c’est au cours de cette rencontre que le président du parti s’est retiré pour revenir remettre les 15 millions qui étaient destinés aux dossiers des candidatures aux élections législatives. Le témoin est ensuite revenu sur ses propos en indiquant qu’il ne pense pas que l’argent a été remis au cours de la réunion. Mais il a été formel, en ce qui concerne la question de la sécurisation des domiciles des membres du parti. Il dit qu’il n’a jamais été question d’utiliser les 15 million pour la sécurisation.

En ce qui concerne les 20 millions, il a laissé entendre que c’est René Emile Kaboré qui lui a remis ladite somme en lui disant que c’est pour le CDP, et lui, aurait remis plus tard cet argent à l’ex-député Salifou Sawadogo.

« L’activisme et la justice sont différentes »

Au tribunal, ce vendredi 1er février 2019, le ton est monté entre le témoin, le colonel major Saïdou Yonaba et l’un des conseils de la partie civile, Me Hervé Kam. Les deux ne s’entendaient pas sur certains propos contenus dans les déclarations du témoin. Me Kam qui a passé en revue les dépositions du colonel major Yonaba, a voulu plus de précision sur les horaires de la présence au palais de Kossyam, des civils, Me Mamadou Traoré et Adama Ouédraogo dit Damiss, notamment, car le témoin aurait indiqué dans ses procès-verbaux qu’il les aurait aperçus deux fois au Poste de commandement (PC) du RSP, notamment dans la nuit du 16 septembre 2015 et le lendemain matin. Mais devant le tribunal, l’accusé serait revenu sur ses dépositions, faisant savoir qu’il n’a pas vu Me Mamadou Traoré dans la matinée du 17 septembre 2015, au PC, expliquant que les deux fois qu’il les a vus c’était dans la nuit du 16 septembre, à 21h et vers 23h.

«Ne me forcez pas à dire ce que vous voulez entendre», a dit le témoin, invitant Me Kam à ne pas le «malmener comme ça». Pour lui, l’avocat de la partie civile a dû mal noter ses propos. Ce que conteste Me Kam. En réaction aux observations de Me Hervé Kam, le colonel major Yonaba a confié qu’il «prie ne jamais être à l’école» de Me Kam, lui faisant savoir que «l’activisme et la justice sont différentes» . Me Kam a demandé à ce que le témoin retire ses mots. Ce qu’il a fait tout en notifiant à l’avocat qu’il ne faut pas «qu’il pense qu’il est meilleur que les autres».

Le colonel major Yonaba, médecin de la présidence du Faso était à Koudougou (Centre-Ouest) quand il a reçu un appel du général Gilbert Diendéré, lui demandant de rejoindre Ouagadougou.

Arrivé au PC du RSP vers 21h, le colonel major Yonaba aurait été témoin de menace sur la délégation des médiateurs. Il a indiqué que des militaires menaçaient, notamment, l’ancien chef d’Etat, Jean Baptiste Ouédraogo et Monseigneur Paul Ouédraogo, archevêque de Bobo, de les enfermer avec les autorités de la transition. «Les débats étaient houleux», a-t-il dit. Il n’a pu voir le général, selon lui, qu’autour de 23h, avant d’aller voir le président Michel Kafando dont la santé se dégradait. «C’est vers 1h que j’ai pu lui administrer les premiers soins», a déclaré le médecin militaire. Durant les événements, il aurait rendu visite «quatre fois» au président. Il est celui qui a parlé de l’état de santé de M. Kafando qui se dégradait de plus en plus et c’est à la suite de cela que celui-ci sera libéré et ramené chez lui.

Le médecin de la présidence a déclaré que les ministres Réné Bagoro et Augustin Loada ne se sentaient pas non plus bien, et il a dû acheter des produits de sa propre poche pour leur administrer.

L’audience a été suspendue vers 16h40 et reprendra le lundi 4 janvier 2019 avec la poursuite du témoignage du colonel major Yonaba.

Par Daouda ZONGO