Accueil Société Procès Sankara: l’ex-président avait «foi en ses convictions et voulait aller vite» (témoin)

Procès Sankara: l’ex-président avait «foi en ses convictions et voulait aller vite» (témoin)

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Issa Dominique Konaté, témoin dans l'affaire Thomas Sankara

L’ex-président du Faso, le capitaine Noël Isidore Thomas Sankara avait «un leadership» qu’il assumait sous la Révolution burkinabè d’août 1983 parce qu’il avait «foi en ses convictions et voulait aller vite» pour le développement de son pays, a affirmé à la barre du Tribunal militaire le jeudi 25 novembre 2021, Issa Dominique Konaté, en tant que témoin dans le jugement de l’affaire de l’assassinat de l’ex-chef de l’Etat et douze de ses collaborateurs le 15 octobre 1987. M. Konaté, était le porte-parole du parti politique dénommé GCB (Groupe Communiste Burkinabè).

Le Conseiller à la Présidence du Faso, Issa Dominique Konaté, est passé à la barre du Tribunal militaire le jeudi 25 novembre 2021, faire sa déposition, dans la salle des Banquets de Ouaga 2000 aménagé pour accueillir le procès historique de l’ex-père de la Révolution burkinabè et de ses douze camarades abattus froidement le 15 octobre 1987.

Issa Dominique Konaté a conduit des missions dans trois pays voisins après le drame du 15 octobre 1987

Selon ce témoin, c’est étant à l’hôtel des Indépendances pour une rencontre qu’il a entendu les tirs en direction de la présidence et du Conseil de l’Entente (qui sont situés côte à côte dans le Centre-ville de Ouagadougou, NDLR). Mais, c’est en se rendant chez lui à domicile à Gounghin qu’il a appris par le camarade militaire, l’adjudant Alain Ilboudo, vers 18H au rond-point de la «Bataille du Rail», que le président Sankara était mort dans la fusillade qui s’est déroulé entre 16H à 16H30.

M. Konaté siégeait au sein du Conseil national de la Révolution (CNR) qui était l’organe politique mis en place par les dirigeants de la Révolution pour discuter notamment des questions politiques. Au sein de cet organe, siégeaient des militaires comme des civils. Mais, après les évènements tragiques du 15 octobre 1987, cet organe qui était le bureau politique national de la révolution a été dissous.

Le témoin dit, au nom de son mouvement politique, le GCB, et en tant qu’ancien membre du CNR, invité, le lendemain du coup d’Etat militaire, pour prendre part à une réunion au cours de laquelle les leaders de la Révolution dont le capitaine Blaise Compaoré, le commandant Jean-Baptiste Boukari Lengani et le capitaine Henri Zongo leur ont expliqué qu’il a eu des incidents au Conseil de l’Entente au cours desquels le président Thomas Sankara et certains de leurs camarades ont été tués.

A la suite de cela, le GCB a renouvelé sa confiance aux nouvelles autorités qui ont choisi M. Konaté et d’autres personnes pour aller expliquer ce qui s’est passé le 15 octobre 1987 à des pays voisins en vue de les rassurer. Ainsi, Issa Dominique Konaté a conduit une mission au Niger, au Mali et en Côte d’Ivoire, durant deux jours, pour aller dire le drame que les Burkinabè vivaient et les a rassurés que les nouveaux dirigeants mettaient tout en œuvre pour la continuité du pouvoir.

« Il y en a qui pensait que la Révolution Démocratique et Populaire n’était pas la vraie révolution »

Comme il a été dit par des accusés et même certains témoins à la barre de la première Chambre de jugement du Tribunal militaire, les quatre années de la Révolution burkinabè ont été polluées par des tracts et des rumeurs de déstabilisation du pouvoir. Pour le témoin Issa Dominique Konaté, ces rumeurs étaient tellement nombreuses et avec une certaine virulence qu’«il y a certaines personnes qui pensaient que la Révolution Démocratique et Populaire n’était pas la vraie révolution». Pour ces derniers, a expliqué le témoin, «la vraie Révolution était derrière et n’allait tarder à arriver».

Pour M. Konaté, malgré les divergences entre le camp de Blaise Compaoré et celui de Thomas Sankara à l’époque, «si le débat était mené dans un cadre organisé» comme son parti en avait fait son leitmotiv, «il n’y avait pas de raison que les évènements du 15 octobre 1987 arrivent. C’est quand les arguments font défaut qu’on peut aboutir à un tel drame», a martelé le témoin.

Sur un avis de feu Valère Somé, un autre camarade du CNR, plus proche du président Sankara, qui a écrit dans un de ses livres que feu Salifou Diallo, ex-directeur de cabinet de Blaise Compaoré, serait l’intellectuel qui a élaboré le plan du coup d’Etat du 15 octobre 1987, M. Konaté, a nié son point de vue. Pour lui, au moment des évènements du 15 octobre, Salifou Diallo n’était pas même encore membre de son parti le GCB. Le témoin du jour estime que Valère Somé avait «une tendance trop militariste», chose qui ne correspondait pas avec la vision de son parti qui voulait que chaque organisation garde son autonomie et fasse valoir ses convictions ou des propositions par la force de l’argumentation.

Au vue des rumeurs notamment sur les divergences entre les leaders de la Révolution, Issa Dominique Konaté dit avoir personnellement en tant que camarade, à des moments où l’occasion s’y prêtait, demandé à Henri Zongo, Blaise Compaoré et Boukari Lengani, d’aplanir leurs querelles intestines pour apaiser le climat qui était tendu. «Notre sentiment au sein du GCB était qu’il y avait des divergences au sein de la composante militaire», a-t-il dit, estimant que le président Thomas Sankara était incompris parce que certains membres de la Révolution prenaient sa force d’argumentation dont il se servait pour persuader et convaincre les gens lors des confrontation d’idées, comme une personne autoritaire qui voulait décider tout seul.

«Mon sentiment est qu’il (Sankara) voulait aller. Je ne dirai pas aux pas pressés, mais, il était convainquant et avait foi en ses convictions. Il avait du leadership », a soutenu le témoin qui a fait noter que le père de la Révolution burkinabè «savait écouter mais ne se laissait pas convaincre facilement».

Le procès reprend le lundi 29 novembre 2021 avec l’audition de cinq témoins programmés. Il s’agit de Philippe Ouédraogo, Ernest Nongma Ouédraogo, Fidèle Toé, Mousbila Sankara et Serge Théophile Balima.

Par Bernard BOUGOUM