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Qu’est-ce que le social-business ?

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Tout est cher au marché

Le concept de social-business est non seulement une déconstruction de la notion du business mais aussi une remise en cause de l’efficacité des politiques humanitaires et de lutte contre la pauvreté. En effet, le culte du profit imbriqué dans le concept de business demeure critiquable d’un point de vue éthique malgré le concept émergent de responsabilité sociale des entreprises.

Ainsi, contrairement aux entreprises classiques ordonnées à l’impératif du profit et du rendement, les entreprises de social-business se voient uniquement adossées à une cause sociale. La cause sociale dont il est ici question ne se confond pas à l’aide humanitaire ou aux œuvres de charité. Il s’agit de donner la chance aux pauvres de s’ouvrir à des initiatives individuelles et collectives pérennes et porteuses de résultats pour une sortie définitive de la misère.  

Auteur de la micro finance, YUNUS défend l’idée que l’on puisse prêter aux pauvres sans leur demander des garanties de remboursement. La Gramen Bank dont il est le fondateur, est la première entreprise de social-business qui aura permis à de nombreux Bangladais de sortir de la pauvreté. La démarche de YUNUS procède d’une philosophie de l’argent qui place la personne humaine au centre de la finance. La théorie du libre marché semble avoir entraîné l’oubli de l’humain, formatant au passage les valeurs d’altruisme et de solidarité.  

L’institution du microcrédit comme l’a voulu YUNUS et les succès engrangés dans la dynamique achève de convaincre que la théorie du libre marché et de la finance ont une efficacité très limitée. En effet, une des erreurs de la finance classique consiste à penser que les pauvres sont incapables de rembourser et que tout initiative de social-business est condamné à l’échec. Le succès de Gramen Bank prouve exactement le contraire. Ce qui caractérise particulièrement l’éthique des affaires chez YUNUS, c’est précisément la foi en l’humain. Pour YUNUS, les pauvres ne demandent pas vraiment la charité, ils sont capables d’initiatives porteuses de résultats pour peu qu’on leur donne la chance de libérer leurs talents. Dès lors, prêter aux pauvres sans exiger de garantis à des taux d’intérêt extrêmement faibles est une innovation majeure dans l’univers de finance.

Le social-business est une éthique des affaires dont les bénéfices sont investis dans des initiatives d’autonomisation des personnes vulnérables.  Les personnes qui mettent leurs actifs à la disposition des entreprises de social-business ne bénéficient pas des intérêts générés par ces actifs mais peuvent selon le principe phare du social-business, retirer à tout moment leurs actifs.

Le social-business est une sorte de business désintéressé c’est-à-dire non inscrite dans la logique du profit. Parce que le micro crédit est un instrument efficace de lutte contre la pauvreté, il s’avère important qu’il soit élargi aux personnes les plus vulnérables. Il convient malheureusement de dénoncer au passage une pratique dévoyée du microcrédit qui dans de nombreuses pays aujourd’hui imitent le système bancaire classique par l’exigence de garantis de remboursement. Or, le propre du microcrédit c’est précisément de ne pas exiger de garantis. Toutefois, afin de réduire le risque de non remboursement il y a la caution solidaire. L’éthique des affaires consiste dans le cadre du social-business à refuser ce que YUNUS appelle «une apartheid financière» qui est cet isolement systémique et systématique des personnes vulnérables.

L’éthique des affaires qu’entend conduire YUNUS et qui a une résonance particulière participe de la thérapie de ce qu’il appelle «plaises sociales». L’un des résultats les plus notables dans l’invention du microcrédit a consisté à montrer aux yeux du monde que la solution au problème de la pauvreté n’est pas la création d’emploi mais l’incitation au travail indépendant. Cela est notamment vérifiable chez les femmes qui produisent des biens et services pour les vendre dans leurs localités respectives. Le microcrédit semble avoir défié les règles système financier classique enserré dans la recherche du profit au maximum, et montré que ce système ne permet pas à l’activité économique de répondre aux problèmes sociaux.  

L’initiative de la Gramen Bank est mue par une confiance en l’homme et en sa capacité à créer. L’initiative montre aussi que les affres de la pauvreté et de la faim ne sont pas invincibles. Le seul prix à payer c’est la volonté d’aider les pauvres à s’en sortir par eux-mêmes. La pauvreté est la négation ultime des droits de l’homme parce qu’elle empêche les personnes pauvres de libérer leur énergie créatrice pour assurer leur quotidien et défendre leurs droits civiques élémentaires.  Les actions de la Gramen Bank à l’instar d’autres entreprises de social-business s’inscrivent dans l’amélioration du quotidien des personnes vulnérables, parce que d’un point de vue éthique, l’entrepreneur est celui qui ambitionne d’œuvrer à la prospérité de la société toute entière. Il a la tâche d’innover l’activité économique par la création de facteurs nouveaux de production.

Les pauvres peuvent participer à la vie économique de leurs collectivités si on leur donne la possibilité de libérer leur élargie créatrice.

Bibliographie

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FRASER Nancy, 2011, Qu’est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution, Paris, La Découverte

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LACROIX André, MARCHILDON Allison, 2013, Quelle éthique pour la finance ?

SEN Armatya, 2012b, Repenser l’inégalité, Paris, PUF

YUNUS Muhammad, 2007a, Vers un nouveau capitalisme, Paris, Essais

YUNUS Muhammad, 2011, Pour une économie plus humaine. Construire le social business, Paris, Jc Lattes

YUNUS Muhammad, 2007b, Vers un monde sans pauvreté, Paris, JC Lattès

YUNUS Muhammad, 2017, Vers une économie à trois zéros, Paris, JC attès

ZIEGLER Jeans, 2007, L’empire de la honte, Paris, Livre de poche

Par SAMANDOULGOU W. Serge Dénis