Accueil Opinion RD Congo: le président du Sénat, la femme et l’injure

RD Congo: le président du Sénat, la femme et l’injure

0
Le président du sénat de la RDC, Alexis Thambwe Mwamba, (Ph. scooprdc.net)

«Une passe d’armes entre le président de la Chambre et une sénatrice», a titré RFI sur son site, jeudi, 30 avril. Joli euphémisme! En réalité, ce jeudi, dans l’enceinte même de la Chambre Haute, on a assisté à une scène ubuesque. Monsieur Alexis Thambwe Mwamba, président du Sénat, hors de soi, a usé de l’injure publique, à l’égard d’une sénatrice, Madame Goya Bijou.

En réponse à son insulteur, du reste, un insulteur professionnel (il injurie à tout bout de champ), la sénatrice retorque, le plus calmement possible: «Vous n’êtes pas digne d’être là».

C’est plus qu’une passe d’armes, comme on en connaît dans tous les parlements du monde. Des passes d’armes de «bon ton», faites de «furia littéraire». A travers lesquelles on voit s’échapper la beauté et la puissance des mots, qui, in fine, construisent des arguments péremptoires. Agréables à l’oreille et propres à instruire.

Pourtant, il n’y avait rien de si grave pour qu’on en soit arrivé à cette honte. En termes homogènes, il s’agit d’une lettre de Madame Goya adressée, mardi 28 avril, à Monsieur Thambwe Mwamba, pour «clarification».

David contre Goliath

La Chambre a été réhabilitée, à coups de millions de dollars, comme c’est toujours le cas, en RDC. Qui plus est, à travers un marché de gré à gré. Après coup, le président du Sénat aurait confié ces travaux aux siens. Question donc simple, s’agissant du courrier de la sénatrice, lequel ne demandait que des justifications sur l’exécution de ces travaux. Quoi de plus normal sur le plan administratif?

Et, les «sénateurs s’empoignèrent»! Monsieur Thambwe Mwamba s’insurge contre la lettre de sa collègue parlementaire. Il parle des faveurs que celle-ci ne cesse de lui demander pour ceci ou cela; il évoque le champagne à sabler et du fric à se partager, de bonheur à partager ensemble, s’il acceptait certaines des sollicitations de la «sirène». Une véritable diversion.

Une demi-heure après cette scène burlesque, la magie des réseaux sociaux s’empare de l’affaire. Du coup, ça s’enflamme, de partout. Chacun y allant de sa partition. Thambwe Mwamba est rabroué, vitupéré, vilipendé… Il a hérité de tous les noms d’oiseaux.

Les médias, qui se sont sans doute rappelés l’injure  qu’il leur avait jetée à la figure, un jour, traitant les journalistes de «pauvres hères», ont pris leur revanche. Ils ont dit tout le mal qu’ils avaient endurci de la part de cet homme plus qu’imbu de lui-même. Et, qui distribue les injures, à la pelle, à l’endroit de tout le monde.

Au cours de l’interview que la sénatrice a accordée à notre confrère Peter Tiani, celle-ci a enfoncé le clou. Sans omettre de proclamer son intention de le poursuivre en justice. Ce sera, affirme-t-elle, un combat de David contre Goliath. Mais, je vais y aller, ajoute-t-elle.

En attendant, elle exige réponse de Monsieur Thambwe Mwamba à sa requête.  Elle estime que cette exigence coule de source, indépendamment de toute autre considération. «L’administration, c’est l’administration», conclue-t-elle.

«Ouvrir le ventre du boa»

Mais, en attendant, encore une fois, l’affaire est sur la place publique. Le Sénat est couvert d’opprobre, par un acte commis par la deuxième personnalité de la République, lequel acte humilie la femme. L’honneur du pays en est affecté, de près ou de loin. Qu’en pense Thambwe Mwamba, l’insulteur? Quelle sera la réaction de la classe politique, malgré des coalitions hors sol?

Pour quiconque connaît le président du Sénat – comme nous le connaissons -, il est vain de s’attendre à ses excuses. C’est le fils d’un dieu inconnu du Maniema (sa région natale), qui n’a de respect qu’au Jupiter congolais, Joseph Kabila. D’ailleurs, il ne pense même pas qu’il a commis une faute quelconque. Tant l’insulte est inhérente à sa nature.

En effet, nous avons travaillé sous sa responsabilité directe, pendant cinq ans (1980-1985), au sein de la Société minière et industrielle du Kivu (SOMINKI), où nous produisions SOMINKI INFOR, journal d’entreprise. Nous en savons un peu trop sur son compte. Il n’a pas de poids moral pour donner à quiconque les leçons de morale. S’il nous lit, il sait que nous sommes en mesure de le prouver… «d’ouvrir le ventre du boa».

Quant à la posture de la classe politique, vis-à-vis de cette situation, vaut mieux ne pas en parler. Au fond, la classe politique, c’est Kabila. Penserions-nous un seul instant que le «raïs» du Congo accepterait de jeter en pâture un de ses premiers lieutenants-laudateurs? Que nenni!

Quoi qu’il en soit, «L’Affaire Sénatrice Goya» conforte la véracité du proverbe qui professe que «la véritable nature d’un individu ne se manifeste jamais aussi clairement qu’au moment où il subit une vexation».

La lettre de la sénatrice a offusqué, sans doute, le sénateur-président.  Et l’a fait sortir de ses gongs. L’homme s’est dévoilé. Voilà «l’empreinte» que Monsieur Thambwe Mwamba va laisser au Sénat.  Rien d’autre.

Bouquet de fleurs à Madame Goya! En dépit de tout.

Par Jean-Jules Lema Landu, journaliste congolais, réfugié en France