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Soudan: la marche du million comme arme décisive contre le général?

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Le Soudan compte toujours ses morts (Ph d'archives)

Au Soudan, la rue a repris du service, elle qui, visiblement, dormait d’un seul œil. Elle s’était tue, juste le temps que les militaires renouent avec le diable assoiffé de pouvoir qui sommeille toujours en eux. Si en avril 2019, ils ont aidé le peuple à se débarrasser de Omar el-Béchir, c’était donc une manière pour les militaires de ne pas tout perdre, avec la chute du général à la canne. Et il a suffi d’un ménage difficile de deux ans avec les civils dans une transition bancale, pour que les hommes en kaki tombent les masques. Sauf qu’ils ont oublié que la réussite de cette transition tenait trop à cœur une communauté internationale lassée du pouvoir sans partage de l’ancien président que la Cour pénale internationale (CPI) cherche à coincer dans sa nasse.

Après la fermeture du robinet de l’aide financière internationale, la suspension du pays par l’Union africaine de ses instances, la condamnation sans réserve de la France, l’Onu par le biais de son conseil de sécurité vient, à l’unanimité, ce jeudi, tout en demandant un dialogue sans aucune pré-condition, pour mettre fin à la crise ouverte par le coup d’Etat du général Abdel Fattah al-Burhan, exiger le rétablissement d’un gouvernement de transition, non plus hybride, mais dirigé par des civils.

Le nouvel homme fort de Khartoum est donc bien abandonné de tous, car même la Chine et la Russie, fait assez rare dans les débats à l’ONU pour ne pas être relevé, ont accepté de signer le document amendé qui le cloue au pilori. Et c’est dans cette voie presque sans issue dans laquelle ils se retrouvent, que les militaires vont devoir continuer à affronter les populations qui refusent de revenir aux heures de plomb Béchir. Les généraux qui craignent de perdre leur mainmise sur l’économie soudanaise, si le pouvoir politique leur échappe, ont surtout perdu de vue la détermination du peuple à tourner définitivement le dos au régime qui avait consacré la privation de leurs libertés durant près de trois décennies.

«Nous sommes prêts à mourir pour ne pas retourner en arrière», foi de ces comités de résistance qui, à travers désobéissance civile et manifestations de toutes sortes, ont décidé de couper court aux ambitions du général Abdel Fattah al Burhan qui a changé le cours de la transition politique par son coup de force du lundi 25 octobre. Certes, habitués à jouer au chat et à la souris avec l’armée de Omar el-Béchir à l’époque, les résistants ont acquis les bons réflexes et maîtrisent toutes les cachettes de la ville pour ne pas se faire prendre. Mais pendant combien de temps pourront-ils résister aux balles meurtrières de militaires aux abois?

En attendant la «marche du million», prévue pour ce samedi, tant à Khartoum que dans les autres villes du Soudan, tout se joue à huis-clos, les patrons en kaki ayant coupé les réseaux sociaux et réduit considérablement les moyens de communication. Et les morts continuent de s’enfiler dans les rangs des résistants. La vie est rythmée par le cycle infernal barricades des manifestants surtout jeunes-déblayeuses des militaires-rebarricades et redéblayages et rerebarricades…Pour accompagner le peuple dans ce combat inégal contre les canons du général Abdoul Fattah al Burhan, la pression de la communauté internationale doit s’intensifier davantage pour éviter l’hécatombe.

La situation n’est pas loin de la catastrophe, lorsque l’armée, sensée protéger la population qui tire sur les forces vives d’un pays qui, pourtant, a plus que jamais besoin de tous ses bras valides pour relancer son économie devenue exsangue, par la faute de la mal gouvernance érigée en sport national sous le régime défunt de Omar el-Béchir, pouvoir de fer vomi par le peuple, mais en passe d’être ressuscité par des thuriféraires d’un système qui mettra, sans doute, du temps à disparaître.

Peut-être que la réédition de la «marche du million» sera décisive, elle qui avait déjà permis à des milliers de manifestants de se réunir devant le QG de l’armée en mai 2019, alors que les négociations avec les militaires pour le transfert du pouvoir aux civils marquaient le pas. En tout cas, la mobilisation est sans faille au Soudan contre l’aventure du général Abdoul Fattah al-Burhan.

Par Wakat Séra