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Togo: l’équilibre de la rue

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Marches et contre marches rythment désormais le quotidien au Togo (Ph. beninwebtv.com)

«La démocratie ce n’est pas la rue». Ainsi parlait Emmanuel Macron à l’endroit des manifestants contre les réformes qu’il a proposées au titre du code du travail. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà. Plus que jamais, cette «vérité» du penseur Blaise Pascal est parfaitement mise en scène par les Togolais qui ont, eux, pris la rue en otage pour manifester, depuis près de deux mois maintenant, qui son attachement au pouvoir en place, qui son désamour pour le président Faure Gnassingbé. Autre pays, autres mœurs, peut-on donc affirmer sans risque de se tromper, les contre marches et meetings des partisans du régime Gnassingbé, répondant, presque du tic au tac, aux déferlements des militants de certains partis de l’opposition. Et comme le calme qui précède la tempête, les Togolais, de tous bords politiques confondus, qui avaient observé quelques jours d’accalmie suite aux transes violentes qui avaient secoué la capitale et quelques localités du pays, ont remis le couvert. Ce mercredi alors que les opposants et leurs affidés exigeaient toujours le retour à la constitution de 1992, dans une marche dite d’ «avertissement» qui précède une autre dite «de la colère» annoncée  pour ce jeudi 5 octobre, les sympathisants du pouvoir eux se réunissaient également pour apporter leur soutien aux réformes proposées par le chef de l’Etat.

Les arbitres peu visibles, mais très intéressés de ce match décisif qui se joue, non au grand stade de Kégué, l’antre des Eperviers, l’équipe nationale de football du Togo, ne sont pas moins actifs. C’est ainsi que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), l’Union Africaine et le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’ouest appellent le gouvernement à fixer une date pour le référendum qui doit se prononcer sur les réformes constitutionnelles proposées par le chef de l’Etat togolais et qui limitent à deux les mandats présidentiels et poussent à deux tours le scrutin présidentiel. Et dans un souci d’apaisement, ces juges dont l’impartialité est tout de même à relativiser, invitent toutes les parties au dialogue dans un environnement pacifique. Dans cette crise où les procès d’intention constituent malheureusement le socle de toutes les actions, le déficit de confiance étant devenu abyssal, chaque camp essaie de tenir le bon bout de la corde, afin d’arriver à la table de négociation en position confortable. Si dialogue il y a bien entendu.

Les anciens démons vont-ils de nouveau se réveiller et s’emparer du Togo pour le conduire au sommet de la bêtise, et le jeter dans les abîmes de l’instabilité chronique, le plus gros boulet qui empêche tout envol vers le développement?  Comme les guerres les plus longues et les plus désastreuses finissent toujours par ces interminables rounds de négociations qui débouchent sur des accords dont l’application elle-même devient une autre bataille, il faut espérer que les Togolais, gouvernement et opposition sachent raison garder pour éviter d’amener le Togo au chaos qui se dessine. Une fois dans le fruit, le ver est difficile, voire impossible à déloger. Et les Togolais en sont conscients, le chaos, ils seront les seuls à en souffrir, car aucune des mains intérieures ou extérieures, visibles ou invisibles, qui encouragent à l’affrontement ne sera prompte à contribuer à l’apaisement et à la reconstruction. Donc, quand on dispose des ressorts nécessaires de résolution de conflit, peut-être que la démocratie, ce n’est plus forcément la rue!

Par Wakat Séra