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Valérie Sinaré: balayeuse de rue et chef de famille

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Valérie Sinaré, balayeuse de rues à Ouagadougou: « Que les autorités sensibilisent les usagers que nous sommes là pour un travail »

Garder les rues de Ouagadougou et du reste du Burkina Faso propres. C’est l’affaire de ces femmes de blouse verte vêtues, balai en main et à l’ouvrage certains jours de la semaine, de la nuit au matin. Elles forment la Brigade verte. L’une d’elles, Valérie Sinaré, 38 ans, est mère de trois enfants dont deux au collège et le dernier à l’école primaire. Résidente de Toudoubwéogo, quartier situé dans l’arrondissement 4 de la capitale burkinabè. Dans cet entretien, elle évoque, entre autres, ses conditions de travail.

Wakat Séra: À quelle heure quittez-vous la maison?

Valérie Sinaré: Je quitte la maison à 4h du matin afin d’être sur mon site de travail aux environs de 5h, heure à laquelle nous commençons à balayer. Cette heure nous permet de balayer le tronçon qui nous a été attribué avant que la circulation ne soit dense et que les usagers klaxonnent de partout. Nous finissons aux environs de 7h30. À la suite de cela, nous nous reposons le temps que nos patrons nous libèrent à 8h afin que chacune puisse vaquer à ses occupations.

Avant le balayage des rues que faisiez-vous?

Avant le balayage, je n’avais pas de boulot fixe. Je balayais  et ramassais le sable et les cailloux (Les femmes vendent ces agrégats à ce qui en ont besoin pour leurs chantiers de construction par exemple, NDLR). Je vendais également de l’eau dans les barriques. Mes clients favoris étaient les constructeurs de maison et autres. Je me suis aussi lancée dans le commerce mais comme vous le savez, il n’y a pas de marché (La clientèle se fait rare, NDLR). Par conséquent l’épisode commerce n’a pas duré.

À combien s’élève votre salaire de balayeuse de rue?

Nous sommes rémunérés à 37 500 francs CFA par mois, mais souvent, pour avoir ça c’est tout un problème.

Que faites-vous vous pour subvenir à vos besoins quand le salaire accuse un retard?

Dans de pareilles circonstances, c’est à toi de grouiller avec les petits boulots pour tenir. Quand je reviens du balayage, je me promène pour demander à ceux qui construisent les maisons s’ils n’ont pas besoin d’eau. Si ceux qui sont intéressés se signalent je vais chercher mes barriques d’eau et mon âne pour les ravitailler. Pour pallier à ce retard, l’autre alternative c’est d’emprunter de l’argent. Souvent, la rémunération nous parvient à un moment où nous nous sommes déjà beaucoup endettées. Par conséquent le salaire ne sert plus qu’à rembourser des dettes.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans l’exercice de votre profession?

Avant, nous nous levions plus tôt pour aller travailler. Mais  nous avons été mainte fois victimes d’agressions par des bandits. Surtout sur la voie de Toudoubwéogo (quartier de l’arrondissement 4 de Ouagadougou, NDLR) que nous traversons pour nous rendre à Tanghin (un autre autre quartier de la capitale burkinabè, NDLR). C’est ainsi que nos patrons pour nous mettre à l’abri des agressions dont nous leur avons fait cas, nous ont proposé de ne plus nous lever très tôt.

Faites vous face à d’autres difficultés?

Je peux parler du retard de paiement. Pour percevoir notre salaire c’est un réel parcours du combattant. Par exemple, notre salaire du mois d’août, nous l’avons perçu le 15 septembre dernier alors que la rentrée pointe déjà à l’horizon. C’est triste! Il arrive des fois que nous fassions deux mois sans salaire.

De plus nous sommes victimes d’accidents. Je n’ai pas été particulièrement touchée par ce malheur, mais je connais une collègue qui a été violemment percutée par un motocycliste et a été urgemment conduite à l’hôpital. Elle s’en est tirée mais avec de graves blessures.

Quelles suggestions pourriez vous faire pour l’amélioration des conditions des balayeuses de rue?  

Je suggère qu’on augmente notre salaire. À défaut de cela qu’ils nous paient tôt afin que nous puissions nous occuper de nos charges familiales à temps. Ils peuvent nous payer au plus tard chaque cinq du mois. Eux-mêmes ils savent que certaines femmes comme nous autres, sont comparables aux hommes vu que nous nous occupons de nos familles.

Je voudrais aussi demander que les autorités sensibilisent les usagers sur le fait que nous sommes là pour un travail afin que ceux-ci apprennent à être plus tolérants lorsqu’ils nous voient balayer.

Entretien réalisé par Alimatou SENI (Stagiaire)