Accueil Opinion Violences et culture du feu au Burkina: les chefs coutumiers interpellés

Violences et culture du feu au Burkina: les chefs coutumiers interpellés

0
Une vue de chefs coutumiers dans une cérémonie (Ph. d'archives burkina24.com)

Dans cette alerte, le mouvement EN AME ET CONSCIENCE, demandent aux chefs coutumiers de se démarquer de la politique et de demeurer des garants de « nos valeurs qui faisaient notre fierté » mais « sont en train de se volatiliser, faisant place à la violence, à l’intolérance, à la culture du feu et à l’affrontement, vous laissant sans voix car trop impliqués dans la chose politique.»

 

« Honorables Chefs coutumiers, gardiens de nos traditions, le Mouvement EN AME ET CONSCIENCE (MEAC), né de la volonté de promouvoir le développement par la réflexion, l’innovation et l’engagement citoyen, conformément à sa ligne, souhaite à travers la présente annonce tirer la sonnette d’alarme sur votre forte immixtion dans le jeu politique.

 

Votre perception aujourd’hui comme ressources politiques crèvent les yeux et cela est encore plus criant pendant les campagnes électorales. Les partis politiques nouent alors avec les chefs coutumiers des alliances qui relèvent, en dernière analyse, du clientélisme politique, c’est-à-dire d’une stratégie d’obtention, de mise en œuvre et du renforcement du pouvoir politique. Pendant les élections, des chefs n’hésitent donc pas à battre campagnes au profit de certains partis ou candidats, et, dans la plupart des cas, au profit des partis au pouvoir. Ainsi, comme l’affirme BOUJOU, dans le contexte des élections, les chefs apparaissent comme des « grands électeurs informels ».

 

C’est dans cet ordre d’idées que nous assistons souvent à une médiatisation peu recommandée et peu recommandable de cérémonies coutumières avec des sponsors, au moment où vos sujets ont le sentiment que vous êtes de plus en plus impliqués dans l’administration du pays que par le passé. En témoignent vos interventions ici et là en faveur de certains groupes qui ont recours à vous ou vos interventions dans certains recrutements.

 

Cette situation, vous conviendrez avec notre Mouvement, n’est pas sans conséquence au regard de la fragilité et de la duplicité de l’atmosphère politique dans notre pays.

 

Pour le Mouvement EN AME ET CONSCIENCE, en effet, votre implication dans la politique  constitue une menace sérieuse pour la cohésion sociale, et le Mouvement s’oppose par conséquent avec véhémence à tout ce qui peut dénaturer la noblesse et la grandeur des missions que nos ancêtres vous ont léguées.

 

Le Mouvement EN AME ET CONSCIENCE a une toute autre vision des chefs coutumiers qui doivent affirmer et afficher leur neutralité vis-à-vis des partis ou regroupements politiques, pour protéger et sauvegarder les valeurs d’intégrité, de paix, d’unité et de cohésion sociale.

 

Que nous restera-t-il si ceux-là qui sont censés incarner les valeurs de probité, de respect, de droiture et de sincérité occupent sans gêne une arène politique qui pourrait les discréditer ?

 

Du reste, autorités et gardiens des coutumes et traditions, maitres des terres,

  • Incarnez-vous encore les règles et les valeurs traditionnelles tant sacrées que nous ont léguées nos ancêtres et sur lesquelles vous avez la lourde charge de veiller ?
  • Vous rendez-vous compte que la société africaine est engagée dans un processus de réformes politiques, économiques et sociales qui se succèdent rapidement et que votre statut premier de neutralité et de recours est plus que jamais d’actualité ?
  • Pourriez-vous encore jouer un rôle de premier plan dans la réalisation de ce désir nostalgique, qui pointe ici et là, d’un retour aux valeurs de la société africaine de nos ancêtres ?
  • Serez-vous encore assez forts pour donner corps à vos idées ?
  • N’êtes-vous pas réduits en un simple relais ou caisse de résonnance des pouvoirs politiques en place ?

 

 

 

Dans de telles circonstances,

  • Comment pouvons-nous espérer une bonne pluviométrie ?
  • Comment voulons-nous que notre pays soit un havre de paix ?
  • Comment voulez-vous que vos sujets se reconnaissent en vous et vous fassent confiance ?

 

Les chefs traditionnels sont des repères sociaux et les garants des valeurs humaines fondamentales, de la mesure et de l’excellence.  Vous devez constituer donc des références privilégiées aussi bien pour la société elle-même, qui vous reconnaît comme telles que pour les pouvoirs publics.

 

Honorables chefs coutumiers, gardiens de nos traditions, l’action du Mouvement EN AME ET CONSCIENCE se justifie par le fait que nos valeurs qui faisaient notre fierté sont en train de se volatiliser, faisant place à la violence, à l’intolérance, à la culture du feu et à l’affrontement, vous laissant sans voix car trop impliqués dans la chose politique.

 

Face à l’intolérance grandissante, à la violence et à la culture du feu « savamment entretenues par de vaillants politiciens », le Mouvement EN AME ET CONSCIENCE ne saurait rester les bras croisés sans attirer l’attention des honorables gardiens de nos traditions sur de possibles poussées ou expositions aux violences et le détournement de leur rôle fondateur tant qu’ils ne cesseront de s’impliquer ouvertement et fortement dans la politique.

 

Chercher vaille que vaille à les constitutionnaliser dans un tel contexte conduirait à leur faire perdre toute leur saveur et à dévaloriser la portée et le charme de nos traditions.

Le meilleur statut à pourvoir à la chefferie coutumière ou traditionnelle, en parfaite et totale adéquation avec la démocratie, est celui qui lui garantirait aussi une parfaite et totale impartialité, à même de lui permettre de rassembler à jamais tous les administrés.

 

Pour une question de neutralité donc, l’on pourrait légiférer. Le chef traditionnel est normalement le chef de toute sa communauté et, pour cette raison, il doit s’éloigner de toute situation qui l’amènerait à opérer des choix intéressés au détriment de l’intérêt général.

 

Et pour aboutir à un statut particulier en faveur des autorités et gardiens des coutumes et traditions, maitres des terres, le Mouvement EN AME ET CONSCIENCE souhaiterait que l’on s’inspire de l’exemple de la Côte d’Ivoire où l’Assemblée nationale a fait œuvre utile en légiférant objectivement sur le statut de la chefferie traditionnelle.

Il faut relever que le débat sur cette problématique a fait des gorges chaudes dans plusieurs pays africains. Le Ghana a été le premier pays de l’Afrique au Sud du Sahara, à avoir planché sur la question et à y trouver des réponses qui vont non seulement dans le sens de la sauvegarde des valeurs culturelles liées à la chefferie traditionnelle, mais aussi dans celui de l’enracinement de la démocratie. L’on peut supposer que c’est cet esprit qui a inspiré les députés ivoiriens.

En effet, si l’on s’en tient à certaines dispositions de la législation ivoirienne en la matière, notamment celles qui font obligation aux rois et chefs traditionnels « d’observer de la neutralité » par rapport à la chose politique, l’on peut tirer la conclusion suivante :

Les ivoiriens, qui ont été certainement instruits par le rôle néfaste joué par certains rois et chefs traditionnels pendant la grave crise sociopolitique que le pays a connue, ont voulu, par ladite loi, mettre cette institution multiséculaire à l’abri des dérives liées à son implication dans le jeu politique

Nous souhaitons donc et invitons les autorités et gardiens des coutumes et traditions, maitres des terres à une réflexion sur leur situation en politique et leur retour à leurs missions régaliennes dans la société.

Pour clore cette annonce, le Mouvement EN AME ET CONSCIENCE, en ce mois béni de Ramadan, souhaite qu’éclosent dans le cœur et dans l’esprit de tous les musulmans du Burkina Faso et d’ailleurs, et qu’elles se développent à souhait, toutes les bonnes vertus qui doivent présider à la Paix, au Pardon et à l’Amour. Puisse Allah, le très miséricordieux réconcilier le peuple burkinabè avec lui-même.

Que Dieu bénisse le Burkina Faso. Amen ! »

« Investir en l’Homme, c’est libérer son potentiel »

Le Président National

Me ZERBO Sori Ibrahima

Chevalier de l’Ordre National-Ambassadeur de Paix