Accueil A la une 8-Mars: au Burkina, les femmes debout pour leurs droits

8-Mars: au Burkina, les femmes debout pour leurs droits

0

L’ex-député, Reine Sakandé/Bénao, présidente de l’Association Femme Debout (AFD), a affirmé que la journée du 8 mars «doit être consacrée à l’introspection et aux prières», dans un entretien accordé à Wakat Séra. «L’engagement de la femme est individuel. Il faudrait donc qu’on ait un engagement collectif, solidaire, déterminé et productif», a estimé celle qui est à la tête d’une structure créée pour promouvoir et favoriser l’engagement de la femme au Burkina Faso.

Wakat Séra: Présentez-nous votre association 

Reine Sakandé/Bénao: Merci pour l’opportunité que vous donnez de parler de notre association dénommée Association Femme Débout (AFD-BF). Pourquoi cette appellation, nous nous sommes rendus compte qu’il y a une floraison d’associations mais malgré tout, les conditions de vie de la femme ne changent pas. Malgré tout, le positionnement des femmes au niveau des sphères de décisions n’a pas changé. Et malgré tout, la femme est toujours à la traîne. Donc, nous nous avons été amenées à créer cette association pour dire aux femmes de se lever. C’est ce qui justifie l’appellation de l’association femme débout.

Qu’est-ce qui a justifié la création de l’Association Femme Debout (AFD-BF) ?

Nous avons mis en place cette organisation afin de travailler à ce que les femmes se mettent vraiment debout, main dans la main, pour peser de tout leur poids afin de changer les choses. Il faut que nous puissions constituer des groupes de pressions, des groupes de plaidoyer, des groupes de lobbying, pour en tout cas faire bouger les lignes et changer positivement les choses pour les femmes. Les femmes ont des compétences, beaucoup de compétences d’ailleurs. Mais quand il s’agit, que ce soit au niveau de l’entrepreneuriat des femmes, que ce soit au niveau rural ou au niveau des hautes sphères de décisions, malgré donc ses compétences, elles sont toujours à la traîne. Pourquoi ? Parce que les femmes ne bousculent pas, les femmes ne font pas bouger les lignes, elles ne font pas de pressions, suffisamment de pressions pour se libérer.

N’est-elle pas une association féminine de trop ?

Notre association regroupe toutes les couches socio-professionnelles. Vous avez des médecins, des enseignantes, des femmes rurales, des transformatrices, des journalistes, des juristes, des artistes, etc. Pour nous, il n’est plus question de s’asseoir et de pleurnicher sur notre sort en disant oui, on se bat mais les choses n’avancent pas. Oui, mais pourquoi les choses ne changent pas ou n’avancent pas ? Il faut bousculer, bousculer et encore bousculer. Et c’est dans ce sens-là que l’association a été créée parce que ce n’est pas une association de trop. Non ! comme je le disais, il y a une floraison d’association, c’est vrai, mais quand vous regardez les résultats, ils sont en deçà de ce qu’on espérait. On n’a pas fait bouger les lignes de façon significative.

Je vais prendre le cas des élections, les femmes se sont battues et on a obtenues 30% en 2009. Mais, après les élections de 2012, vous avez vu les résultats. La représentation des femmes à l’Assemblée nationale par exemple n’a pas atteint les 30%. Tout comme pour les élections locales. Ensuite, en 2015, il y a eu encore des élections législatives, les 30% n’ont pas été atteint cette fois-ci. Il en est de même en 2020. Malgré tous nos efforts, les résultats de 2020 étaient même en deçà de ceux de 2015. Mais pourquoi ? Il faut se poser cette question. Malgré le plein d’association de femmes pourquoi c’est comme ça. Donc, nous pensons pouvoir vraiment faire bousculer les lignes, faire des pressions pour que les choses changent positivement pour les femmes.

Quelles sont les activités que votre structure compte mener à l’occasion de ce 8 mars ?

Dans le cadre du 8 mars, vous savez que la journée de la femme cette année est particulière, notamment avec la situation que traverse le pays et qui n’est pas du tout facile. Alors pour nous, ce 8 mars sera consacré à des recueillements et des prières. Prière pour que le Burkina Faso retrouve la paix, prière pour que tous ceux qui sont blessés retrouvent la santé, prière pour que les massacres s’arrêtent. Et prière pour qu’enfin, la paix revienne au Burkina Faso. Et comme je l’ai dit tantôt, dans ce sens-là, les membres de l’association vont se retrouver juste pour quelques heures pour un recueillement. Voilà, c’est ce qu’on a retenu pour le 8 mars.

Quelles sont les difficultés auxquelles votre regroupement est confronté ?

C’est vrai que c’est une jeune association mais je pense que comme toute association nous sommes confrontés à des problèmes de moyens car l’espace associatif est déjà plein. Donc, il y a tellement de sollicitations auprès des mêmes partenaires, ce qui fait que c’est souvent difficile vraiment de se frayer un passage. Mais, nous n’allons pas nous dire qu’il y a des difficultés et baisser les bras. Non ! Nous allons essayer de nous insérer, de travailler à faire en sorte que la confiance s’installe entre nous et les partenaires. De travailler à faire en sorte d’avoir les moyens nécessaires pour faire bouger notre association.

Quelle appréciation faites-vous de l’engagement féminin au Burkina Faso ?

Il faut dire que les femmes au Burkina Faso sont engagées. Mais l’engagement est avant tout individuel. Justement pour nous, il faut que cet engagement soit collectif. Si vous prenez deux ou trois femmes engagées et déterminées, à elles seules, elles peuvent faire bouger beaucoup de choses. Donc l’engagement des femmes, il y est, mais cet engagement est vraiment individuel. Il reste à ce que cet engagement soit collectif, soudé et déterminé.

Depuis la nuit des temps vous avez vu des amazones, des femmes battantes qui se sont battues vraiment pour que les conditions de vie et de travail des femmes changent mais quand vous regardez de près, ce sont des résultats parcellaires qu’elles ont obtenus. Et on les félicite au passage. Mais nous voulons maintenant vraiment des résultats groupés, positifs, des résultats qui sont à la hauteur du grand nombre de femmes parce que vous savez que les femmes constituent 52% de la population. Il faudrait que les résultats aussi reflètent cette réalité sociale.

Mais, ça ne veut pas dire qu’il faut prendre la femme pour la prendre. Ça ne veut pas dire qu’il faut positionner les femmes pour les positionner. Il ne faut pas nommer les femmes juste pour les nommer. Non, l’AFD-BF est pour la méritocratie. Et Dieu sait qu’elles sont nombreuses, les femmes qui ont du mérite. Alors il faut qu’elles soient récompensées, qu’elles soient positionnées pour donner le meilleur d’elles-mêmes. Donc, pour nous, l’engagement des femmes y est après tout individuel. Il faudrait donc qu’on est un engagement collectif, solidaire, déterminé et productif.

Pensez-vous que la société ou l’Etat reconnait cet engagement féminin ? Et si non, qu’attendez-vous réellement à ce propos ?

Je pense que la société, l’Etat surtout reconnait l’engagement de la femme. Quand vous prenez les zones rurales, les femmes sont très actives à travers leurs associations, les petits commerces, etc., pour contribuer à la gestion du foyer. Beaucoup de foyers tiennent le coup parce que les femmes se sacrifient pour cela, et la société le lui reconnait. Au niveau de l’Etat, certaines femmes sont nommées à des postes de responsabilité, (même si c’est en deçà de nos attentes), sont décorées, etc. Ces nominations et ces décorations sont gages de la reconnaissance de l’engagement des femmes par l’Etat. Mais, notons que cette reconnaissance de l’engagement des femmes par la société et par l’Etat n’est pas à la hauteur de ce qu’elles valent réellement.

Quel bilan faites-vous de votre association ?

Notre association est encore très jeune. Elle a obtenu son récépissé le 28 décembre dernier, donc nous ne pouvons pas parler de bilan pour le moment; mais, notons que plusieurs de nos membres se sont enrôlées pour être des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP).

Dans ces moments difficiles que traverse le Burkina Faso, comment cette journée qui se démarque le plus souvent par son caractère festif, va-t-elle être célébrée ?

Cette journée doit être consacrée à l’introspection, aux prières, et à la solidarité envers les personnes déplacées internes. Au-delà des difficultés que traverse le Burkina Faso, cette journée devrait être consacrée à la réflexion, à des actions concrètes qui impactent positivement les conditions de vie et de travail de la femme. C’est en cela que je félicite « le mouvement fêtons le 8 mars autrement ».

Entretien réalisé par Bernard BOUGOUM