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Secret de palais/Initiative de révision constitutionnelle au Togo: le parti UNIR au pouvoir écarté ou divisé?

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L'UNIR, parti au pouvoir, a remporté les législatives sans bavure (Ph. d'illustration)

Depuis son évocation par Yawa Djigbodi Tsègan, la Présidente de l’Assemblée Nationale le 5 mars dernier, la grogne est vive contre une proposition de révision constitutionnelle introduite par un groupe de députés. Alors même que le texte est actuellement en étude en commission des lois, on conjecture et on suppute à l’envie tandis que les profondes logiques et les vraies motivations sont bien ailleurs. Coulisses d’une initiative révélées par Albert Affo, à travers cette réflexion parvenue à notre rédaction ce vendredi.

Dans les rues de la capitale, dans la presse locale et sur les réseaux sociaux la question est sur toutes les lèvres. Mieux encore dans le landerneau politique. La révision de la constitution a toujours senti le souffre dans les États africains, surtout dans le contexte togolais, où elle est encore plus redoutée si elle est une initiative du parti au pouvoir, Union pour la République (UNIR) ou du gouvernement. Ce n’est pas le cas de la proposition dont l’opinion publique s’est saisie ces dernières semaines. Le texte déposé sur la table des députés est une initiative d’un groupe de députés indépendants de divers partis représentés à l’Assemblée Nationale.

Exit le parti Union pour la République (UNIR)? Selon des sources introduites, la hiérarchie dirigeante du parti à l’emblème de colombe blanche dans un carré bleu turquoise a été surprise par ce texte auquel il n’a guère été associé en amont. «Nous avons été surpris ou plutôt pris de court par une telle initiative. En soi, elle n’est pas mauvaise puisqu’elle répond d’ailleurs à notre réflexion sur la question. Mais la démarche nous a surpris. Ce n’est qu’après le dépôt du texte que nous avons été officiellement informés par les canaux dédiés à cet effet», confie une source interne à l’Assemblée Nationale.

Du coup, contrairement aux annonces, en plus de ne pas être l’auteur de cette proposition de réforme constitutionnelle, le parti de Faure E. Gnassingbé n’a guère été associé, alors même que les nombreux aménagements proposés impactent directement les pouvoirs du Président de la République. Même les lieutenants les plus chevronnés ainsi que les caciques du régime n’ont pas été mis dans l’économie de cette réforme. «… Il faut tout au moins retenir que parmi les signataires y figurent les noms de certains députés de la majorité présidentielle», nuance par contre notre source. Est-ce à dire que des militants ont choisi d’aller au-delà des consignes de «discipline et fidélité» prônées par le Chef de l’Etat lui-même lors du dernier congrès du parti? Pour l’instant, autour de cette réforme, c’est la confusion totale.

Dès lors, une question se pose: cette proposition serait-elle une manœuvre isolée du Président de la République, Faure Gnassingbé? Tout porte à le croire au regard des innovations contenues dans le document. «Cette piste est plausible. En bon félin, le Chef de l’Etat peut décider d’anticiper ainsi afin de s’offrir une sortie honorable à la fin de son mandat. C’est une constance dans le schéma de pensée qui gouverne des systèmes comme celui-ci», argumente un observateur de la politique togolaise. Mieux, dans un contexte régional marqué par les ruptures militaires de l’ordre constitutionnel et l’émergence du péril terroriste exacerbé par les conflits politiques, le Chef de l’Etat peut décider de prendre ce coup d’avance.

Le débat en cours suggère le régime parlementaire comme mode de gouvernance, l’instauration d’un Président du conseil des ministres avec des pouvoirs en conséquence, une nouvelle organisation judiciaire où la garantie des droits et devoirs fondamentaux est assurée par une Cour constitutionnelle qui exerce un contrôle de constitutionnalité des lois tant a priori (avant la promulgation de la loi) qu’a posteriori (à l’occasion d’un procès devant les juges ordinaires). Sur le plan de la technique constitutionnelle, le régime parlementaire met en œuvre une séparation souple des pouvoirs à base de collaboration constante entre l’exécutif et le Parlement, et dont les traits principaux sont connus: une dyarchie au sein de l’exécutif, avec un chef de l’État qui dispose de pouvoirs symboliques, et un chef du Gouvernement qui conduit la politique de la Nation et qui est le chef de la majorité.

Ces ajustements intéressent peu par ailleurs l’opinion publique et les partis politiques. L’opposition en quête de popularité s’arc-boute sur une supposée nouvelle durée du mandat présidentiel, qui serait désormais de sept (07) ans, renouvelable une fois. Par contre, selon une source anonyme à la commission des lois, il n’a jamais été question de cette durée. Les discussions en cours s’accordent sur une durée moins large.

«Nous sommes actuellement entrain de retenir un mandat inférieur même à cinq (05) ans. Les échanges au niveau de la commission sont bien loin des chiffres fantaisistes que distille une certaine opposition pour faire peur ou entretenir la confusion», précise la source. Ce qui est constant est que l’étude se poursuit dans la sérénité et le calme des murs de l’Assemblée Nationale. Le Chef de l’Etat a donné sa caution morale à la démarche faisant soupçonner une alliance directe et discrète avec des branches de l’opposition confirmant les informations insistantes sur le prochain retour aux affaires de certains acteurs politiques poussés à l’effacement de la scène pour une telle ou telle raison politique.

À l’analyse, cette révision de la constitution cache bien un objectif ignoré et dont les tentacules seront bien plus qu’on imagine. Comme la naissance dans les prochains jours après les élections législatives et régionales du 20 avril d’un nouveau parti politique qui pourrait étonner plus d’un par sa configuration. «Ne soyons pas surpris de cette probabilité. Nous sommes actuellement dans une course contre la montre», glisse un prochain militant de ce parti dont les discussions de sa création ont avancé.

Albert AFFO