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Affaire charbon fin: la valeur estimée des métaux est de «7 128 620 297 FCFA» (ministère des Mines)

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Le Directeur Général de IAM GOLD Essakane SA, Mohamed Ourriban, montrant le charbon fin aux journalistes (photo d'archives)

Depuis la saisie, le 30 décembre 2018, de 30 conteneurs de charbon fin à Bobo-Dioulasso et de deux autres conteneurs à Ouagadougou, par la Brigade nationale anti-fraude de l’or (BNAF), sous injonction du Procureur du Faso, le ministère burkinabè des Mines et des Carrières, accusé de complicité de l’entreprise canadienne installée au Nord du Faso, a animé ce lundi 3 juin 2019, une conférence de presse pour, rejeter en bloc les accusations, et signifié qu’il a agi conformément à la «législation» et à la «règlementation» régissant le secteur minier. La valeur estimée des métaux de ce charbon fin saisi est de «7 128 620 297 FCFA», selon le ministre des Mines Oumarou Idani qui pense que dans le «climat actuel de suspicion et de crise de confiance généralisée, on ne peut pas faire l’économie de la science et de la technique pour que toute la lumière éclate dans cette affaire».

«Un mensonge répété sans jamais démenti devient réalité», a réagi M. Idani sur le fait que son département aurait communiqué tardivement dans cette affaire. «Nous n’avons pas voulu nous ingérer dans un affaire pendante en justice», a-t-il soutenu, signifiant que son ministère a opté désormais de communiquer sur ce dossier qui fait couler beaucoup d’encre et de salive depuis cinq mois.

L’affaire du charbon fin remonte au 29 août 2018. C’est à cette date que par correspondance, IAM GOLD Essakane S.A. a demandé au ministère des Mines et des Carrières, une autorisation d’exporter du charbon fin au Canada pour traitement. Après plusieurs séances de travail avec les services techniques compétents du ministère, le département a marqué son accord de principe le 10 octobre 2018 pour l’exportation et a invité Essakane à fournir des informations sur les échantillons et les dates de pesée et de colisage. La correspondance du 10 octobre 2018 indique également qu’une autorisation de sortie sera délivrée ainsi qu’un bulletin de liquidation des royalties, à hauteur de 70% et à titre d’acompte de la valeur de l’or estimée dans le charbon. La même correspondance précise enfin, qu’une conciliation des quantités et des valeurs allait être faite après résultat du traitement final du minerai au Canada, a rappelé la genèse de cette affaire, Oumarou Idani assisté de ses collaborateurs.

Après avoir analysé 640 échantillons, Essakane a estimé les quantités d’or fin, 304,273 kilogrammes, tandis que celles d’argent étaient de 135,891 kilogrammes. Sur cette base de principe déclaratif, l’accord final du ministère est intervenu le 14 décembre 2018 (Cf lettre n°2018-724/MMC/SG/DGMG/DM du 14 DEC. 2018) après que des représentants du Bureau des Mines et de la Géologie (DGMG) aient assisté aux pesées et au colisage, a-t-il expliqué, précisant que ces missions se sont effectuées du 4 au 8 octobre 2018 et du 27 novembre au 4 décembre 2018. Pour les besoins de contrôle, les échantillons ont été prélevés en doubles. Les doublons prélevés ont été analysés par le laboratoire du BUMIGEB qui est accrédité à la norme ISO 17025 en analyse d’or, par le Conseil canadien des normes, a-t-il rassuré.

Le ministre burkinabè des Mines et des Carrières, Oumarou Idani

«La valeur totale estimée de ces métaux, sur la base des analyses de Essakane est de 7 128 620 297 de francs CFA. Les royalties représentant 4% de la valeur totale, sont de 285 144 812 francs CFA et les royalties calculées sur la base des 70% à verser comme avance s’élèvent à 199 601 370 francs CFA», a détaillé le ministre des Mines qui a poursuivi qu’à la suite des autorisations du ministère, le directeur général des Douanes a, par correspondance N°2018-1959/MINEFID/SG/DGD/DLR du 18 décembre 2018, autorisé également l’exportation du charbon fin, qui connaitra un autre épisode avec l’intervention du procureur général.

C’est ainsi que l’Après investigation, la Brigade nationale anti-fraude de l’or (BNAF), a dressé un rapport le 4 janvier 2019, transmis au procureur général qui a conclu à cette étape de la procédure strictement administrative, à «l’absence d’infraction de fraude à la commercialisation de l’or et des autres substances précieuses», a continué le premier responsable des Mines burkinabè, ajoutant que suite à ce rapport, le procureur a commis deux consultants de compétence chimiste et douanière pour les contrôles techniques.

«Notre surprise a été grande lorsqu’on a trouvé des titres de journaux parfois injurieux, tendancieux et diffamatoires», s’est offusqué le ministre Idani qui dénonce le fait que le contenu de ce rapport qui «n’a jamais été officiellement» porté en sa connaissance puisse se retrouver sur la place publique. «Le ministère des Mines a joué le rôle qui est le sien (dans cette affaire), à savoir le suivi administratif régulier des opérations d’exportation de produits miniers», a-t-il été formel.

C’est pourquoi, il a sollicité le concours d’«un cabinet d’expertise indépendant ou un arbitre neutre pour faire toute la lumière» sur cette affaire. Pour lui, «il apparait évident qu’il faut faire recours à un cabinet d’expertise indépendant ou même d’un arbitre neutre composé d’une équipe pluridisciplinaire comprenant au minimum un métallurgiste spécialisés en chimie minérale et caractérisation des matériaux, un juriste, un expert douanier, tous de notoriété reconnue et choisie consensuellement pour garantir toute la transparence requise et mettre fin à toute cette polémique» pour «naturellement faire des analyses dans un laboratoire accrédité et internationalement reconnu».

Cette option pourrait avoir l’avantage de défendre les intérêts réels du Burkina et ramener la sérénité et la confiance dans l’opinion, en même temps qu’elle favoriserait un début de réponse à la problématique globale du traitement du charbon fin au niveau des mines industrielles exerçant au Burkina, qui reste une question posée, et à résoudre obligatoirement, estimé le conférencier.

«Ce qui est sûr, s’il advenait, au terme de la procédure judicaire, que la société Essakane S.A. était reconnue coupable d’infraction, le ministère fera application de la loi dans toute sa rigueur et appuiera toutes les structures compétentes en charge de l’application des sanctions prévues à cet effet», a-t-il indiqué en regrattant, toutefois, «que le contenu des rapports des Consultants sensé éclairer le procureur dans la conduite d’un dossier soit déjà interprété dans le sens de condamner de manière précoce l’administration minière et les gouvernants».

Dans cette affaire de charbon fin, le ministère des Mines dit rejeter avec «fermeté» toute collusion avec la société minière. Le ministère en tant qu’Administration publique dit «n’être ni de près, ni de loin mêlé à une quelconque fraude ou pillage des ressources minières du pays».

Une des questions qui a intéressé les journalistes était de savoir qui d’entre le gouvernement ou les sociétés minières prenaient en charge les agents chargés du contrôle dans les mines. «Ce sont les sociétés minières», a répondu Oumarou Idani qui a reconnu que cela «n’est pas normal» et c’est conscient de cela que son ministère qui, par deux fois, n’aurait pas réussi à faire adopter une ligne budgétaire pour cette préoccupation, a décidé de travailler à avoir des textes qui seront bientôt soumis en Conseil des ministres pour résoudre ce problème. Mais, s’est-il pressé d’ajouter, ce que les mines donnent aux agents ne sont pas de nature à les saouler pour les rendre facilement corruptible puisque «c’est 15 000 FCFA par agent à chaque mission».

Sur les chiffres de 300 et de 500 milliards avancés par des Organisations de la société civile et l’opposition politique, le ministre dit vouloir comprendre sur quelle base ils se sont fondés pour avancer ces sommes. A en croire le ministre Idani, même si on admettait la thèse de la fraude dans cette affaire, cela serait évaluée à seulement cinq milliards FCFA et non des centaines de milliards.

En rappel, pour l’année 2018, la contribution du secteur minier à la formation des équilibres macro-économiques, selon des chiffres du ministère des Mines et des Carrières, était de 266 milliards FCFA en termes de contribution aux recettes budgétaires et de 1 540 milliards FCFA en termes de recettes d’exportation. Ce secteur contribuait en 2018 à hauteur de 10,6% à la formation du Produit intérieur Brut (PIB).

Par Bernard BOUGOUM