Accueil Editorial Afrique du sud: Adieu «Maman Winnie»!

Afrique du sud: Adieu «Maman Winnie»!

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Winnie Mandela s'en est donc allée! (Ph. lexpress.fr)

Au moment où les Chrétiens du monde entier fêtent la résurrection du Christ, les Sud-Africains eux pleurent la disparition de «Maman Winnie». Oui, Nomzamo Winifred Zanyiwe Madikizela-Mandela est partie. Et ce n’est pas un poisson d’avril, car «maman», comme l’appelaient les Sud-Africains a bel et bien déposé les armes, ce lundi 2 mars, dans un hôpital de Johannesburg, à l’âge de 81 ans, après avoir lutté avec sa légendaire détermination, contre une longue maladie. La grande combattante qu’elle a toujours été, aux temps chauds de l’apartheid où dans les ruelles rouges de sang de Soweto elle menait la vie dure aux «chiens enragés» de Pieter Botha, a résisté jusqu’à son dernier souffle. La résistance, elle l’a connue depuis le berceau, mais surtout aux côtés de son ex-époux Nelson avec qui elle a porté le flambeau de la lutte contre la ségrégation raciale qui faisait du noir sud-africain un être à part, reclus dans les townships. Son divorce avec Madiba et sa mise en quarantaine des instances dirigeantes de l’ANC n’ont visiblement jamais altéré la force de cette égérie de la lutte contre l’apartheid qui, il y a une quinzaine de jours était encore toute radieuse, aux côtés du nouveau président sud-africain, Cyril Ramaphosa. «Maman» avait apporté tout son soutien à ce dernier dans la course houleuse à l’élection comme président de l’ANC contre le camp Zuma.

Grande égérie de la lutte anti-apartheid, «Maman Winnie» ne s’est accordé aucun répit pour la défense de la cause noire. Son discours virulent contre ce qui était devenu une plaie hideuse à la face du monde, ne l’a jamais quitté. Cela lui a même valu d’être taxée d’un radicalisme qui s’accommodait mal des efforts de réconciliation entrepris par son ex-époux. Pire, la femme de fer ou de feu, c’est selon, sera accablée de péchés d’infidélité, de corruption mais surtout d’avoir donné l’ordre à son garde de corps de liquider un jeune activiste de l’ANC, Stompie Seipei Moketsi, qu’elle accusait d’espionnage au profit de l’ogre blanc. Figure de proue de la marche héroïque vers la libération des Noirs, Winnie Mandela demeurera sans doute cette vigie qui a essayé, encore du peu de force qui lui restait, de dénoncer les travers qui ont entaché ces derniers temps, la vie du parti historique qui dirige l’Afrique du sud. Combattante de toujours et de tous les jours, celle qui a rendu l’âme après une vie qu’on peut juger de bien remplie, n’a pas moins souffert comme une trahison, cette lutte de clans qui fragilise une ANC dont l’histoire se confond avec celle de l’Afrique du sud. Certes, Winnie Mandela a déposé les armes pour rejoindre le royaume de ses ancêtres, mais son combat restera sans doute gravé à jamais dans l’esprit des Sud-Africains. Et si comme on le dit en Afrique, «les morts ne sont pas morts», Winnie Mandela continuera sans doute de hanter Robben Island et les townships sud-africains où les noirs vivent le cauchemar de l’apartheid économique.

Winnie, ange ou démon? Peut-être ange et démon, mais surtout une femme en qui battait ce cœur des amazones du Danxômè (royaume du Dahomey) qui faisaient place nette dans des guerres héroïques où les hommes ont courbé l’échine. Des «mères de la nation», l’Afrique en a peu connues. Pourtant, sans avoir été chef de l’Etat, Winnie Mandela en est une. Reconnue ainsi par ses compatriotes, elle fait partie de ces figures de proue qui ont écrit, en lettres d’or, l’histoire ensanglantée de ce qui deviendra la «nation Arc-en-ciel». Mort, où est donc ta victoire?

Par Wakat Séra