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Angola: un scrutin serré dans un air de changement

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L'Angola aura-t-il son changement avec les élections de ce 24 juillet? (Ph. d'illustration/information.tv5monde.com)

Le match électoral se jouera principalement entre le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA, pouvoir) et l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA, opposition) du nationaliste et seigneur de guerre angolais, Jonas Malheiro Savimbi, tué au combat en février 2002. 14 millions d’Angolais ont rendez-vous avec les urnes, ce mercredi, dans le cadre d’élections générales qui leur permettront de désigner leurs députés et leur président de la république. Les scrutins seront serrés, et pourraient même aboutir au changement, si les fraudes tant redoutées par des observateurs et militants de l’opposition ne faussent pas le jeu.

La crainte d’irrégularités est réelle vu que, selon des organisations de la société civile et les adversaires du pouvoir, ces votes se feront sur la base de listes électorales viciées où figurent plus de deux millions de personnes décédées. Mais le MPLA botte en touche ses allégations, rassurant l’opinion nationale et internationale sur toutes les dispositions qui ont été prises pour des votes transparents.

Mieux le parti de Joao Lourenço, président sortant et candidat à sa propre succession, présente, entre autres gages, la présence du plus du millier d’observateurs, soit 1300, pour veiller sur le bon déroulement des opérations de vote. Sauf que, comme le dit un proverbe bien africain, «l’étranger a de gros yeux mais ne voit rien». De plus, sous les tropiques, les fameux observateurs trainent, à tort ou à raison, mais en tout cas depuis la nuit des temps, cette réputation de «gens» qui observent depuis leurs chambres d’hôtels où leurs limousines climatisées. A la fin, les déclarations des observateurs, immuables et se ressemblant toutes comme par magie, concluent à des «élections qui se sont déroulées dans le calme et dont les quelques incidents qui les ont émaillées ne sont pas de nature à  mettre en cause la crédibilité des résultats».

Le désir de changement bien présent en Angola et qui fait dire à l’historique principal parti de l’opposition, l’UNITA que son «heure est venue», a-t-il des chances de devenir réalité, alors que les dés sont pipés dès le départ? Une question à laquelle l’on pourrait répondre par l’affirmative au vu des attaques venant du sein même de la famille politique du président-candidat et de la déclaration d’une des filles, la plus médiatisée, de l’ancien président angolais, Feu José Eduardo dos Santos. Un ancien président dont la dépouille est rentrée, ce samedi, de l’Espagne où l’homme est décédé.

C’est donc en pleine fièvre électorale qu’est revenu à la maison, le corps de l’homme dont le successeur Joao Lourenço a décapité le clan et l’empire financier. Mais à force de s’acharner sur les biens de son prédécesseur et de sa famille, le bourreau des dos Santos a fini par en faire son programme de gouvernance, oubliant de mener la véritable lutte contre la corruption dont le pays a besoin. Même le demi-million d’emplois que le président sortant a promis de créer au profit de la jeunesse et de populations en proie au chômage, à la cherté de la vie, et à l’inflation, est resté chimère.

Malgré ses richesses naturelles, notamment le pétrole et le diamant, l’Angola continue de tenir une place peu enviée dans le classement des pays les plus pauvres du monde. Les derniers chiffres de la Banque mondiale relèvent par exemple qu’en 2020, un Angolais sur deux vivait au quotidien avec moins de 1,90 dollar. Plusieurs réformes économiques ont été mises en route par le pouvoir sortant, mais n’ont guère prospéré, maintenant l’Angola dans un «pétrole-dépendance» accru, exposant ainsi le pays aux chutes régulières du coût du baril sur le marché mondial.

Sans oublier que cette ressource est loin d’être intarissable et continue d’être menacée par les énergies renouvelables dans la logique du combat contre le changement climatique. Pour l’instant, l’Angola tient grâce à l’or noir qui constitue 95% de ses exportations et 40% de son PIB. L’agriculture n’a pas été développée dans le but de servir de pilier économique à l’Angola, qui n’a pas non plus exploité à bon escient son fort potentiel minier composé de minerais tels que le cuivre, le manganèse, le fer, le nickel ou le plomb.

En tout cas, si ces élections n’ouvrent pas la voie à l’alternance, le changement tant attendu par une jeunesse insatisfaite de ses dirigeants actuels, elles devraient tout de même constituer un avertissement sans frais pour Joao Lourenço dont la venue aux affaires avait suscité énormément d’espoir au sein de populations excédées par les frasques des dos Santos qui avaient fini par confondre le bien public angolais au patrimoine familial.

Par Wakat Séra