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Anicet Bongo Ondimba, frère cadet du président gabonais:« Je suis très lié aux opposants actuels du Burkina Faso »

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photo d'illustration

Pour qui ne le connait pas, on s’attend à voir un homme physiquement pareil que le président Ali Bongo, son ainé. Et pourtant, Anicet Bongo Ondimba est assez élancé. Nous l’avons rencontré à son domicile à Libreville pour cet entretien. Habillé d’un boubou marocain, assez simple, il s’est appesanti sur la situation socio-politique au Gabon, l’organisation de la CAN 2017 par son pays et ses relations avec le Burkina Faso. Il dit ne pas être dans les « coulisses du pouvoirs » gabonais et voit plutôt en la CAN une opportunité d’affaires. Le petit frère du président actuel du Gabon et fils de feu le président Omar Bongo Ondimba  a des amis parmi les opposants burkinabè.

Wakat Séra : Comment nous devons vous présenter ?

Anicet Bongo : je suis Anicet Bongo Ondimba, citoyen gabonais comme tous les autres, mais surtout axé vers les affaires. Je suis aussi membre d’un parti politique, le Centre des libéraux réformateurs (CLR). Je suis père de huit (8) enfants. J’ai plusieurs entreprises, quelques associations, un centre culturel. Somme toute je suis multi-tâches. Je fais beaucoup de choses à la fois, mais c’est une question d’hommes. J’ai de bons collaborateurs et je ne fais que superviser. Donc Anicet est quelqu’un de normal qui essaie de faire avancer ce qui concerne ses affaires, sa famille et sur le plan politique essaie d’apporter sa pierre à la construction de l’édifice Gabon tout simplement !

Mais vous relever d’une famille bien connue, est-ce que ce n’est pas lourd à porter en tant fils et frère de président ?

Effectivement, mais ce n’est pas que c’est lourd. C’est plutôt ambigu. Quand tout va bien, votre nom est avantageux, mais quand ça ne va pas, vous êtes la risée. A l’étranger, d’un côté c’est avantageux et de l’autre, ce n’est pas le cas. Cela dépend au fait de comment le nom est perçu. Le nom est reposé sur la notoriété de notre défunt père et ensuite de mon grand frère de nos jours, mais je veux bien que l’on dissocie les choses ! Je ne suis pas le président de la République. J’ai un prénom et c’est cela qui me préoccupe. Mais j’assume pleinement. Si quelqu’un est contre la politique du président actuel, cela ne me regarde pas du tout. Mais s’il insulte la personne, là je me sentirai concerné parce que je suis familial. Sur le plan politique le nom a ses avantages et ses inconvénients. Mais tout le monde vit des situations d’avantages et d’inconvénients. Donc ce n’est pas forcément embêtant, cela dépend de comment l’on utilise cela pour tirer les avantages ou gommer les désavantages. Sinon personnellement, et mes collaborateurs le savent, ce n’est pas quelque chose que je vis mal ou qui me fait me croire au-dessus de la mêlée ou qui me complexe de sorte à me faire me retenir de faire certaines choses, non moi je vis pleinement ma vie.

Visiblement, l’on vous connait plus en affaires qu’en politique, peut-on dire que votre vie d’homme d’affaires prend le pas sur celle d’homme politique ?

J’aurais vraiment aimé qu’il en soit ainsi, mais le Gabon est tellement petit, son marché aussi ! Ce n’est pas avec un million et demi d’habitants que l’on peut prétendre vivre de ses affaires. Le marché est tellement petit. Si vous tournez un peu dans le pays, vous verrez qu’il y a très peu de gens fortunés.  Même si vous vivez comme un forcené ou quand vous avez comme moi,  entre temps, 32  entreprises, cela ne donnera rien car le marché est trop petit. Sur le plan politique aussi, le pays est tellement petit que l’on a vite fait le tour. Quand vous passez une ou deux fois à la télévision, vous êtes tout de suite connu de tous. Donc on ne peut pas dire que l’un ou l’autre prend le dessus, parce qu’il n’y a pas vraiment un marché qui permet de faire un choix. Si j’ai décidé de me lancer en politique, c’est parce que j’ai senti qu’en affaires, que le pays était en train de péricliter. Il fallait compenser. Alors je suis un homme politique pour pouvoir aller un jour à l’Assemblée nationale pour proposer des lois pour redresser les choses. Ce n’est pas en restant dans le secteur économique seul que je pourrai faire changer les choses. C’est pourquoi j’ai décidé d’aller en politique pour redresser les choses de ce côté-là.

Justement avec votre casquette d’homme politique, vous bien informé pour vous prononcer sur la situation socio-politique actuelle du Gabon

La situation actuelle du pays est une situation généralisée. Moi je reviens toujours sur ce problème de marché. Tant qu’il n’y a pas une intégration comme chez vous au sein de la CEDEAO, qui facilite la libre circulation des hommes et des biens, ça va être difficile pour le Gabon de s’en sortir. Un marché économique ne se développe pas avec 1,5 million d’habitants. C’est trop peu ! La situation est catastrophique parce que notre économie repose sur le pétrole or il y a une grande chute de plus de la moitié du prix du baril. En plus  le FMI nous impose de réduire. A côté de cela, il y a toutes les autres contraintes venant de l’extérieur, non seulement de nos colonisateurs mais surtout de toutes les forces internationales qui mettent les pressions sur les pays. Vous savez, le Gabon est un havre de paix depuis les 50 dernières années, peut-être que certains se disent qu’il est temps qu’il y ait la pagaille aussi au Gabon ! Donc c’est très difficile de dire ce qui se passe au Gabon parce que c’est compliqué. En plus je ne suis pas au pouvoir. Je ne suis pas dans les méandres ou dans les informations confidentielles que draine le gouvernement qui est à même de dire ce qui se passe. Sinon sur le plan économique, je sais que c’est très difficile, sinon que ça va de pire en pire. On espère que l’Etat va trouver les solutions afin que les choses repartent de plus belle.

Mais à propos des difficultés, à vous entendre c’est comme si tout vient de l’extérieur et rien de l’interne

Oui j’ai parlé du problème de solidarité ! Quand vous prenez le Burkina Faso, ça va dans le désordre parce qu’il y a trop de politique politicienne, trop de manipulation, trop d’influence et des intérêts plutôt individuels que collectifs. C’est pareil partout. En plus pour le Gabon dont l’économie est arrimée au pétrole, rien ne va dans l’économie à l’image de l’économie à l’international. Les problèmes d’hommes et d’infrastructures ne sont que des questions de stratégie. Dire que la stratégie du gouvernement est bonne ou pas, ce n’est pas mon rôle. Mais personnellement je m’implique en politique pour que les choses marchent.

Mais est-ce de temps en temps vous soufflez des mots à votre frère dans le sens de la gestion du pays ?

A travers mon journal (NDLR : il est propriétaire d’un organe de presse), à travers…

Je veux dire directement à votre frère

Nous ne mélangeons pas les choses. On se retrouve souvent à la maison, mais il a combien de conseillers ? Est-ce que je suis supérieur à tous ses conseillers ? Si je veux apporter quelque chose, il sera plus bien d’approcher le conseiller du domaine concerné, conseiller en pétrole par exemple pour lui dire ce que je pense de son domaine. Ou carrément je le fais dans mon journal, ce que je fais d’ailleurs fréquemment. Maintenant c’est aux décideurs de considérer cela. Aux Etats-Unis on parle de Think tank, c’est-à-dire que chaque institution est reliée à plusieurs groupes de réflexion et les décideurs prennent cela. Vous ne pouvez pas être là  à diriger et en même réfléchir. Or chez nous en Afrique, surtout en Afrique francophone c’est le ministre qui dirige et c’est le même qui réfléchit et qui veut être opérationnel en même temps. Voilà pourquoi le président actuel du Gabon à son arrivée a mis en place des agences qui sont les bras qui exécutent ce que le politique arrête comme réflexion. Seulement les choses ont été mises en place de façon cavalière sans prendre en compte l’accompagnement en changement, si fait que les Gabonais n’ont pas  forcément intégré cette stratégie des agences. Aujourd’hui ça marche comme-ci comme ça et ils sont obligés de rattraper par ci par là. Vous voyez, on met beaucoup de gens en prison, pour essayer une remise à niveau sur le plan de l’éthique. Toutes ces choses ont été mises en place sans le monitoring du contrôle et du suivi. Quand vous mettez en place une agence autonome, indépendante des ministères et directement rattachée à la présidence, mais considérez que c’est un roitelet que vous avez mis en place. A partir de là quand il prend son envol, vous ne pouvez plus l’arrêter.

Quels sont vos rapports avec les hommes politiques du Gabon, Jean Ping et les autres ?

Alors je vais vous étonner ! Je les connais tous. Si vous prenez par exemple le porte-parole du président Ping, C’est un ami d’enfance. Nous sommes en contact. La politique, ce n’est pas la guerre. Nous ne sommes pas des ennemis. Quand on s’oppose, c’est dans les idées et la façon de faire les choses. Justement j’ai décidé de me lancer en politique, parce que j’ai pensé que je pouvais apporter quelque chose. Les luttes que vous voyez aujourd’hui, ce sont des luttes de générations ! Ping connait le président Ali, ça ne date pas d’aujourd’hui. Ce n’est pas une lutte qui date d’aujourd’hui. C’est générationnel ! Et quand je parle de génération, ce n’est pas une question d’âge, mais être venu en politique au même moment. Ils sont en politique ensemble depuis longtemps. Quand le président Ping est arrivé au Gabon, le président Ali était déjà en place et ils ont évolué ensemble.  A part cela, c’est de la politique politicienne. Ma génération et moi, nous nous connaissons. Au Gabon, nous sommes très peu nombreux pour se faire de réelles bagarres. On se connait depuis l’enfance, génération par génération. Moi je ne crois pas à une implosion où on va se taper dessus. Il peut y avoir des changements, mais ça sera toujours en considération des uns et des autres. Nous avons quand même eu 40 ans où nous avons eu le temps de bien se mélanger et bien se connaitre.

En tant que chef d’entreprises, vous être bien placé pour parler de l’apport des non nationaux notamment les Burkinabè à l’économie du Gabon !

Pour moi les non-nationaux représentent facilement 30%. Vous les enlevez du Gabon, le pays ira en banqueroute, même si nous avons le pétrole. Ça tourne pas ! Il faut les prendre en considération. Il faut vraiment une ouverture de ce côté.

Peut-être que la solution c’est faciliter les conditions de séjour des étrangers !

La solution, ce n’est pas faciliter, il faut éliminer ça !

Comment appréciez-vous l’organisation de la CAN au Gabon ?

L’organisation est ce qu’elle est, peut-être que nous n’avons pas eu assez de temps pour nous préparer. Mais ce qui devrait être fait a été fait. Le vin est tiré il faut le boire. Nous allons aller jusqu’au bout.

Oui mais était-ce le moment au regard de la situation socio-politique marquée par une crise post-électorale et alors que les plaies ne sont pas encore cicatrisées ?

Je ne peux pas dire que c’est le bon moment ou pas, parce que je n’ai pas toutes les données. Je ne peux pas vous dire pourquoi le  gouvernement a décidé de faire ça. Je ne peux pas vous le dire. Je ne suis pas dans les coulisses du pouvoir. Il y a certainement une raison, mais je l’ignore.

Mais en tant que citoyen, était-ce le bon moment ?

Moi je suis un homme d’affaires, or c’est une chose qui va m’apporter de l’argent, vous pensez que je vais dire non ? Je ne peux pas dire non. Si on dit Coupe d’Afrique des Nations, moi je soutiens. J’ai des affaires derrière et la CAN me permet d’augmenter mon chiffre d’affaires ! Mais sur le plan politique je n’ai pas assez d’éléments d’analyse. S’ils l’ont fait c’est qu’il y a une raison. J’ai ma société de gardiennage qui était en train de mourir, mais elle tourne maintenant. J’ai des stades que je gère et ça me donne un chiffre d’affaires.

Oui, mais les gens ont espéré utiliser le football pour rapprocher les Gabonais

Oui mais les stades sont pleins ! Les différences dont vous parlez sont purement politiques et n’ont rien de sportif. A chaque match du Gabon, le stade était plein.

Oui sauf que les opposants ont appelé au boycott de la CAN

Le boycott veut dire quoi ? Ce genre d’action peut-il faire avancer le pays ? Moi j’ai des amis, des opposants qui s’en fichent. Il ne faut vraiment pas mélanger les choses. Le sport n’a rien à voir avec la politique, sinon les Etats-Unis n’allaient pas accepter jouer dans la même compétition que la Russie ou la Chine. Depuis fort longtemps le sport a réussi à réunir ces gens, même durant la guerre froide. Au stade, on ne voit pas qui est politique et qui ne l’est pas.

Pour parler du Burkina Faso que vous dites connaitre, comment avez-vous vécu tous les changements depuis l’insurrection d’octobre 2014 ?

Vraiment j’ai été surpris. C’est allé très vite. Ce genre d’évènement ne peut arriver que dans les pays très large avec une forte population. Vous voyez, c’est parti d’un épiphénomène. Ce sont des jeunes qui ont décidé de marcher. Moi je suis très lié aux opposants actuels du Burkina Faso. Je suis lié à Zéphirin Diabré, Eddie Komboigo… Je connais d’ailleurs beaucoup de personnalités burkinabè. Quand je vais au Burkina Faso, je les fréquente tous. Quand je vais chez l’un, l’autre est au courant. Vous savez, ce qui nous tue en Afrique, c’est l’usure du pouvoir. Regardez Obama, un président que les Etats-Unis n’ont jamais eu, mais il est obligé de partir. Nous en Afrique quand tu es président, tu veux l’être jusqu’à la mort. Je dis non ! Le pouvoir démocratique n’est pas héréditaire.

Avez-vous des contacts avec les autorités actuelles du Burkina Faso, parce que tous ceux que vous avez cités sont de l’opposition ?

Non ! Tous ceux que j’ai cités, je ne les ai pas connus à travers Internet ! Moi je vais sur place là-bas. Je m’apprête même à y aller ! Vous savez je suis candidat aux législatives à venir. Dès que je suis député je vais faire tout ce tour-là. Vous pensez qu’un député gabonais arrivé au Burkina Faso ne sera pas reçu par les autorités ? J’irai voir tous ces gens peu importe où ils sont. Si vous rencontrez quelqu’un et que ça se passe bien, vous gardez contact. Rein n’est fermé. Ce n’est pas parce que vous être opposant qu’on ne va pas vous recevoir. J’irai voir le président de l’Assemblée ou le président du Faso et je lui dirai ce que j’ai entendu de  l’opposition sur lui. Si après on se tient en amitié, ça sera tant mieux.

Entretien réalisé par Mariam KANDO à Libreville