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Burkina: «La représentativité des femmes et des jeunes dans la gouvernance est un impératif de développement»

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Wendpanga Carl Ismaël Karanga

Dans ce texte adressé au Président du Mouvement patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR), le Lieutenant-Colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, Président du Faso, un consortium chapeauté par Wendpanga Carl Ismaël Karanga, estime que « la représentativité des femmes et des jeunes dans la gouvernance est un impératif de développement».

Excellence Monsieur le Président,

Le Burkina Faso fait face à la pire crise sécuritaire et humanitaire de son histoire. Selon les Nations Unies, avec plus d’un millions cinq cent mille (1 500 000) personnes déplacées internes, sa situation est plus précaire que celle du Yémen.

Cette situation difficile est davantage exacerbée par un environnement politique délicat, marqué par l’avènement du Mouvement patriotique pour la Sauvegarde et la Restauration (MPSR) dont vous êtes le président.

Il n’est point besoin d’épiloguer sur les causes et les conséquences de cette situation politique, qui fragilise davantage la Nation, aussi bien à l’interne que vis-à-vis de la communauté internationale. Toutefois, l’inadaptation de la réponse sécuritaire par le pouvoir passé, qui n’a pas su obtenir les résultats escomptés, la gouvernance gangrénée par la corruption et la faible représentativité des différentes composantes de la société faisait le lit de nombreuses frustrations et le terreau fertile à l’arrivée de ce qui est advenu le 24 janvier dernier. Nous avons à travers des rapports sur la présence des jeunes dans la gouvernance, insisté sur l’impératif d’agir afin d’éviter la survenue de situation similaire à 1983, à savoir la prise de pouvoir par les jeunes, ne se sentant pas écoutés et désireux d’apporter leur part contributive au développement du pays. Malheureusement, la classe politique a fait le choix de faire l’impasse sur ces propositions.

En effet, avec une population d’environ 20 millions d’habitants dont 51,70% de femmes et 77,90% (15- 35 ans), la huitième législature dissoute, comptait seize femmes (16) députées sur un total de cent vingt-sept (127) soit un taux de 12,59%. La même observation peut être faite pour ce qui est de la composition du gouvernement dissout, sur un total de vingt-cinq (25) membres, il comptait sept (7) femmes. Les jeunes eux, n’y avaient aucun représentant. À l’Assemblée nationale, on notait la présence d’un seul (1) jeune.

Comme rappelé à de nombreuses occasions, la représentativité des femmes et des jeunes dans la gouvernance n’est pas un appel à un quelconque positionnement de complaisance, mais bien un impératif de développement. Malgré toutes les difficultés du système éducatif, le Burkina Faso compte aujourd’hui la plus importante génération de femmes et d’hommes bien formés à même de porter les défis du développement. La participation citoyenne, y compris celle de la frange jeune et féminine, se veut alors la traduction d’une démocratie inclusive qui encourage la participation de tous et rassemble l’intelligence collective tant indispensable pour un Burkina nouveau.

Excellence Monsieur le Président,

En tout état de cause, « le vin est tiré, il faut le boire » serait-on tenté de dire. Vous affichez la ferme intention de restaurer la sécurité du pays et de refonder la Nation. Pour sûr, si l’on peut avoir le sentiment que sur le premier point, la présence des militaires au pouvoir peut y participer efficacement, sur le second, la participation de tous est indispensable. Cette fois, il ne faut pas rater le coach. Il faudrait s’assurer de prendre en considération toutes les garanties de succès. La mise en place d’une commission en charge de proposer les projets de textes de la transition est une initiative permettant aux citoyens de contribuer à la définition des contours du Burkina nouveau appelé de tous nos vœux.

C’est dans ce sens et constant à son engagement à contribuer à amplifier une voix structurée des jeunes auprès des décideurs que l’AJDD/BF et ses partenaires (JF-LAME Burkina, AFY, Association Flamme d’Espoir pour l’Engagement des Jeunes, le Club de l’Engagement Citoyen, l’Association des Elèves et Etudiants du Soum, Association Impact, ALCE, Jeunes Leaders Transformationnels ) ont initié le sondage « Voix des jeunes » pour permettre aux jeunes d’être audibles autour de leur perception et aspirations de la transition. Ce sondage s’est déroulé en ligne et physiquement et a connu la participation de 2 122 personnes dont 1214 hommes (57,2%) et 908 femmes (42,8%), sur une période d’une semaine soit du 02 au 09 février 2022. Les jeunes de toutes catégories (élèves, étudiants, travailleurs du public et du privé, en quête d’emploi… d’ici et d’ailleurs (plus de 15 localités ont été enregistrées comme, entre autres, Alexandrie (Egypte), Bukavu (RDC), Casablanca (Maroc), Créteil (France), Greater Noida (Inde), Novossibirsk (Russie), Ohio Cincinnati (États-Unis) etc.) ont pris part à cet exercice. De Sindou à Falagountou, en passant par Bobo-dioulasso, Houndé, Ouagadougou, Koudougou, Ziniaré, Kaya, Bani, Dori, Sebba, Bilanga, Fada… les jeunes se sont aussi appropriés l’outil.

Excellence Monsieur le Président,

L’enquête a été réalisée dans l’anonymat c’est-à-dire que outre les questions objet du sondage, seuls l’âge et le sexe étaient requis pour s’identifier. Et les résultats se déclinent ainsi:

DES RESULTATS DU SONDAGE

Sur un total de 2 122 personnes participantes, on note 57,2% hommes et 42,8% de femmes. La tranche d’âges se repartis ainsi qu’il suit : 15-20 ans : 19,7% ;20-25 ans : 35,2% ; 25-35ans : 30,5% ; 30-35 : 9,4% ; 35 et plus : 5,1%.

 Au niveau des activités professionnelles des enquêtés on note les pourcentages suivants :

  • Elèves : 206 (9,7%);
  • Etudiants :755 (35,6%) ;
  • Travailleurs du public : 209 (9,86%) ;
  • Travailleurs du privé : 323 (15,2%) ;
  • En quête d’emploi : 272 (12,8%) ;
  • Autres : 357 (16,8%).
  • Pour ce qui concerne la première question de l’enquête, à savoir les attentes des jeunes en rapport avec la gouvernance, cinq (5) priorités ont été identifiées sur quatorze (14) propositions faites, et il s’agit de :
  1. La sécurité avec 90, 7% (1 924 personnes);
  2. L’emploi avec 64,5% (1 369 personnes);
  3. La paix et la cohésion sociale 57,3% (1 215 personnes);
  4. Le retour des déplacés internes avec 41,8% (887 personnes);
  5. La lutte contre la corruption avec 41,8% (886 personnes).
  • Au niveau des priorités des jeunes filles on constate note :
  1. L’autonomisation des jeunes filles, 81 % ;
  2. La prise en compte des jeunes filles et femmes à la gouvernance, 75,4%
  3. L’augmentation des fonds de financement 67,56%.
  • Pour la composition des organes de transition notamment la présidence, on note une préférence pour les militaires à la tête de la transition avec 79,9% contre 36,8% de civil. 69,5% souhaitent avoir 10% de jeunes membres dans le cabinet du Président du Faso.
  • Au niveau de la Primature, 71,5% veulent un militaire contre 43,9% pour un civil avec 62,9% qui souhaitent également la présence de 10% de jeunes membres du cabinet du Premier ministre.
  • Au niveau de la présence des jeunes et des femmes dans le gouvernement, l’enquête montre qu’il est souhaité la présence de 30% de jeunes (1203 personnes soit 57,7%) et 10% de femmes (1023 personnes soit 1023 personnes).
  • Pour la composition du parlement, 1367 sur 2122 personnes souhaitent 30% de jeunes et de femmes ;
  • Au niveau de la durée de la transition, plusieurs propositions sont faites mais celles qui retiennent notre attention est qu’il est fait les propositions suivantes : 402 personnes (28,3%) veulent une transition qui dure 18 mois ; 425 personnes (30,1%) sont pour 2 ans de transition, 159 personnes (11,2%) sont pour 12 mois.

Monsieur le Président,

Ces chiffres donnent les orientations sur les attentes des jeunes, mais aussi des pistes utiles pour une transition réussie avec les jeunes et femmes comme participants actifs et contributeurs structurels.

Si la sécurité reste la priorité unanimement reconnue, les jeunes et les femmes espèrent plus d’opportunités d’emploi et de financement de leurs initiatives.

C’est pourquoi les organisations porteuses de cette initiative voudraient lancer un appel solennel sur l’impérieuse nécessité de traiter la question de la jeunesse et de la femme comme des questions majeures de développement, des axes programmatiques importants de l’action publique et non des strapontins pour contenter des parties ou comme un département de récompense politique comme cela a pu être fait de par le passé.

Fidèle à sa tradition de proposition et espérant que l’intention de refonder le pays est ferme, les propositions ci-dessous, sont réitérées :

  • Renforcer les cadres normatifs et politiques relatifs à la participation des jeunes à travers l’adoption d’un « Pacte de gouvernance intergénérationnelle » : Au regard des valeurs culturelles de notre pays, la morale et le respect de ces valeurs doivent reprendre un rôle central dans la vie publique. Ainsi, un pacte moralement contraignant auquel une forme règlementaire ou législative peut être conférée pourrait être une approche à explorer. Dans ce sens, il s’agira d’établir un consensus national consacrant l’obligation pour toutes les générations de Burkinabè de développer la meilleure synergie pour gouverner ensemble autour d’un pacte de gouvernance intergénérationnelle. Cet acte innovant, sujet à révision en fonction de l’évolution du pays, ouvrirait la voie à la prise en compte des jeunes dont les jeunes femmes à tous les étages de la vie sociale et contribuera à réduire les conflits intergénérationnels de plus en plus présents. Il devrait ensuite être suivi d’un mécanisme rigoureux de veille pour sa mise en œuvre ;
  • Consacrer l’obligation pour le Chef de l’Etat, l’ensemble des membres du gouvernement, les chefs d’institutions publiques, de nommer dans leur cabinet au moins un jeune compétent sur cinq personnes responsabilisées et au moins un sur dix sur les autres postes techniques dès que les critères de compétences requis sont remplis par les jeunes en présence ;
  • Développer un programme de tutorat au profit des jeunes aspirants et ayant les compétences pour certaines professions ou fonctions, auprès des institutions publiques. Certains pays appliquent ce principe. On peut citer le Rwanda et la France ;
  • Associer les questions de jeunesse (autonomisation et promotion) à celles relatives à l’emploi, l’entrepreneuriat et la promotion du civisme dans un ministère unique. Bâtir le Burkina nouveau implique de construire des Burkinabè nouveau, ce qui doit se faire sur des valeurs communes et l’incarnation de celles-ci par chacun. Les jeunes doivent être le fer de lance de ce renouvellement. L’innovation et le caractère holistique dans la démarche implique une importante connaissance à la fois des dynamiques nationales et internationales afin d’assurer un mix favorable à un nouveau type de citoyen au Burkina Faso ;
  • Faire confiance aux jeunes pour la conduite de ce département en charge de la jeunesse. Il ne s’agit pas d’offrir un cadeau aux jeunes. Mais bien de les mettre face à leur responsabilité. Toutefois, il ne s’agit pas d’en faire le seul département où les jeunes sont en responsabilité, car la compétence étant un critère central, d’autres départements pourraient être conduits avec succès par des jeunes en capacité.

Monsieur le Président,

Les initiateurs de la présente action restent disponibles pour apporter leur concours à l’enracinement de la démocratie dans notre pays.

Ouagadougou, le 19 février 2022

Pour le consortium

Wendpanga Carl Ismaël Karanga