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Burkina: les Justes pour «défendre ensemble le Faso»

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Ceci est un mémorandum de la Plateforme des Justes pour «défendre ensemble le Faso». Les Justes, à travers ce mémorandum, s’invitent au débat pour «contribuer au solutionnement de la crise» au pays des Hommes intègres. 

MEMORANDUM SUR LA  SITUATION  NATIONALE

La Plateforme des Justes pour «Défendre Ensemble le Faso» s’est révélée à l’opinion nationale le 31 janvier passé à travers un manifeste sans doute critique dans ses analyses, mais animé par le souci d’apporter une contribution patriotique et républicaine au règlement de la crise nationale. A l’analyse de la situation nationale et à la lumière des échanges avec d’autres acteurs animés d’intentions toutes aussi constructives, les Justes s’invitent encore dans le même esprit au débat pour contribuer au solutionnement de la crise, et ce à travers un mémorandum à double composante.

Le Mémorandum des Justes est construit autour de 2 axes de contribution : l’analyse générale des points clés de la situation nationale et les propositions.

  1. NOS CONSTATS ET ANALYSES

Dans un souci d’efficacité, nous asseyons nos analyses sur des points clés qui nous paraissent de nature à impulser des changements sur l’ensemble de la situation.

  1. La crise sécuritaire du Burkina Faso se greffe sur d’autres crises bien plus ancrées

L’Etat est une continuité, et il faut tenir compte du passé pour envisager des solutions aux maux que le pays traverse. Nous savons que la crise nationale est multidimensionnelle et cette diversité est attestée par le Rapport du Collège de Sages de 1999 et par le Rapport de la Commission de la Réconciliation Nationale et des Réformes de 2015. La crise sécuritaire telle qu’elle se présente de nos jours ne s’est greffée que depuis 8 ans sur ces crises existantes qui l’alimentent en partie. La crise sécuritaire n’est donc qu’une excroissance de la crise généralisée sur certains de ses aspects. Vouloir solutionner les manifestations sécuritaires de cette crise nationale sans tenir compte du passif général qui l’alimente en partie ne fera que fausser la lecture de la situation globale. Il nous parait indiqué d’intégrer cette donne multidimensionnelle dans la recherche de solutions à la crise sécuritaire.

  1. Une solution militaire ne peut résoudre de façon durable une crise multi composite

Dès sa prise de pouvoir, le MPSR 2 s’est approprié les 3 objectifs du MPSR 1 à ses débuts en janvier 2022, à savoir : la reconquête du territoire, le retour des PDI dans leurs terroirs, le retour de l’administration dans les localités délaissées. Et pour les atteindre, le Président de Transition a choisi la voie militaire pour éradiquer le terrorisme. Malheureusement, près de 8 mois de gestion du MPSR 2 écoulés, aucun des objectifs initiaux n’a été atteint dans les proportions souhaitées et dans les temps approximatifs prévus.

Les populations continuent à être déguerpies de leurs terroirs par les Groupes armés ; à la date du 31 mars 2033, le nombre de PDI a été dénombré à 2 062 534 par le CONASUR. La superficie du territoire contrôlée par les groupes armés a augmenté des terres de ces populations déguerpies. Pire, la capacité d’adaptation des groupes armés face à la pression de reconquête du territoire semble même déjouer toute logique.

Il y a donc lieu d’envisager d’autres approches que le tout militaire pour espérer parvenir à des résultats significatifs dans le moyen terme.

  1. Les limites de la solution militaire dans le moyen et long termes

Au regard de son évolution, il est peu probable que la crise sécuritaire trouve un dénouement heureux à court ou à moyen terme, parce que disons-le, la lutte contre le terrorisme ne prend pas fin de façon tranchée par la victoire du bien sur le mal comme certains se plaisent à le dire. Nous sommes face à une guerre d’usure et de longue durée avec laquelle les Burkinabè vont devoir vivre encore un temps. Dans le meilleur des cas, et en restant optimiste, elle pourra être ramenée à une proportion plus contrôlée dans les années à venir, mais pas au point zéro.

Imposer des mesures privatives de libertés, des contraintes économiques et bien d’autres restrictions aux populations au titre de l’effort de guerre ne sera pas tenable dans la durée. Les premiers mois d’euphorie des actions d’éclat et des déclarations tonitruantes passés, la lassitude s’installera au sein des FDS et des VDP au front, face à une situation qui perdure et s’enlise. Le fardeau de l’effort de guerre se fera plus pesant pour tous, civils et corps habillés. Les voix des soutiens les plus convaincus seront de moins en moins audibles. Le pouvoir se trouvera progressivement seul face à son destin : l’échec et le rejet du peuple pour qui les résultats espérés tardent à venir.

  1. L’amoncellement des morts, l’aggravation des fissures communautaires et la souffrance des populations déguerpies en déshérence ne manqueront pas de peser bientôt dans la balance

L’action militaire engendre beaucoup de victimes directes et collatérales, mais occasionne surtout des bavures à incidences supra nationales, toutes choses qui ont été préjudiciables au régime du Président Rock Kaboré et au pouvoir du Président de Transition Damiba. Le pouvoir du Président de Transition Ibrahim Traoré avait jusqu’ici bénéficié de certains soutiens ; mais l’accumulation sans pareil des victimes civiles avec son corollaire de misère humaine ébranle la conscience nationale. La tendance est d’autant plus alarmante que de doute en suspicion, la présomption de complicité va occasionner des incompréhensions et des victimes insoupçonnées.

Nous pensons que ce qui reste de cohésion sociale ne survivra pas à l’application de la seule solution militaire.

  1. Aucune œuvre d’envergure nationale ne peut être réalisée dans la division et l’exclusion

L’union fait la force des peuples face à l’adversité. La lutte contre le terrorisme n’a de réelles chances d’aboutir rapidement que si le peuple est uni et solidaire derrière les dirigeants. Et cette unité ne peut être acquise dans l’exclusion, la division et la diabolisation que notre pays connait. Les gens auraient pu se faire une raison si tous étaient logés à la même enseigne. Mais lorsqu’une composante sociale arrogante et imbue de ses accointances avec des proches du pouvoir se permet de déverser à souhait des insanités sur d’autres compatriotes en toute impunité, l’unité des Burkinabè sera difficile à réaliser.

La résilience du peuple Algérien dans une situation semblable à la nôtre doit inspirer les gouvernants Burkinabè. Confrontée au terrorisme dans sa forme radicale comme notre pays le connaît, l’Algérie n’a dû son salut qu’à la volonté inébranlable du Président Bouteflika de maintenir la cohésion sociale et de rassembler les algériens de tous bords. Toutes choses étant liées, il n’a cessé de rappeler que « l’information constitue la première arme contre le terrorisme. Mais elle ne peut jouer ce rôle que si les populations sont unies et solidaires derrière les dirigeants pour la cause nationale, et qu’elles [populations] se parlent ». C’est le seul pays africain qui a réussi à vaincre le terrorisme avec des ressources internes.

Au Burkina Faso, la grande majorité de ceux qui créent la division ne se préoccupent nullement de la cause nationale. Ils ne cherchent qu’à tirer profit de la situation du pays. Les laisser exceller dans ce travail de sape conduira à créer un fossé entre les gouvernants et les vrais patriotes qui œuvrent pour le bien du pays. La cohésion sociale et la réconciliation des communautés sont des actes de bonne gouvernance.

  1. Le salut de tous est dans le respect de la République.

Ceux qui président au niveau le plus élevé aux destinées du pays doivent faire des piliers de l’Etat (déclinés à l’article 31 de la Constitution) la boussole de leurs actions : « Le Burkina Faso est un Etat démocratique, unitaire et laïc. Le Faso est la forme républicaine de l’Etat. ».

S’agissant de l’Etat démocratique, les pouvoirs exceptionnels actuellement mis en œuvre à travers le Décret de mobilisation n’y sont pas contraires dans leur essence. Pour preuve, l’article 59 de la Constitution et les lois connexes organisent l’usage des pouvoirs exceptionnels au profit du Président durant les périodes de crise. C’est leur mode d’administration qui peut faire l’objet d’appréciations critiques.

L’Etat unitaire est ce que tous les Burkinabè défendent sans exception. Aucun centimètre du territoire ne peut ni ne doit être cédé ; et c’est une seule souveraineté nationale qui s’exerce sur l’ensemble du territoire du Burkina Faso. Nous signalons avec satisfaction que les groupes armés qui s’opposent à l’autorité de l’Etat ne revendiquent pas un territoire autonome. C’est même pour cela que nous sommes d’avis que le dialogue est toujours possible avec eux.

Enfin, l’Etat Laïc est la conception de la cohabitation paisible des religions dans un Etat, en dehors du champ politique. L’État et ses fonctionnaires ne privilégient aucune religion. Ces piliers font partie de la Constitution votée par referendum en 1991 par le peuple. Il ne doit venir à l’esprit d’aucun Burkinabè sensé de les remettre en cause.

Un des piliers non moins importants de la République est constitué par les libertés fondamentales dont la liberté d’expression, la liberté d’opinion, la liberté de culte sont des expressions courantes connues. L’atteinte à la jouissance de ces libertés constitue une atteinte aux fondements mêmes de l’Etat de droit. Enfin, l’égalité des citoyens devant la loi est une condition de maintien de la paix sociale. Permettre à des organisations proches d’un bord politique d’organiser des manifestations à grande pompes et interdire à celles qui sont soupçonnées proches d’un bord politique opposé, de tenir de simples rencontres de concertation conduira tôt ou tard à la révolte des opprimés. Le salut de tous se trouve dans le respect des principes et des règles de la République et ce sont les gouvernants qui doivent en être les garants pour tous.

  1. NOS PROPOSITIONS D’AXES

Ces propositions sont des réponses aux constats et analyses évoqués ci-dessus. De notre avis, les gouvernants de la Transition doivent prendre des dispositions et mener des actions salvatrices.

  1. Les dispositions à prendre
  2. Recadrer les extrémistes violents de tous bords

Dans son entretien télévisé du 5 mai 2023, le Président de Transition Ibrahim Traoré a dit avoir connaissance des groupes de personnes qui siègent en permanence au Rond-Point des Nations-Unies, ajoutant que leur présence est de nature à l’encourager. Or, il est notoirement établi que certains d’entre eux tiennent un discours intégriste et belliqueux à l’adresse du public et même des servants de certaines institutions républicaines, sans que l’on puisse en comprendre les justifications.

L’extrémisme violent sous toutes ses formes, politique, religieux, intellectuel ou social a été la source d’affrontements tribaux déchirants et de naissance du terrorisme sous d’autres cieux. Notre pays, connu pour sa modération et sa tolérance en ses bonnes années, subit aujourd’hui les conséquences de comportements semblables qui ont été tolérés par certains gouvernants.

Si les personnes qui ont établi leur quartier général au Rond-Point des Nations-Unies aiment le Burkina Faso, elles doivent corriger leurs comportements. Si ce sont des soutiens du Président Ibrahim Traoré, il doit les faire recadrer pendant qu’il est temps. S’ils enfreignent la loi, la justice doit sévir sans état d’âme, afin que force reste à la loi. Il doit en être de même pour tous ces extrémistes violents qui se plaisent à s’attaquer à d’autres concitoyens ayant une opinion différente des leurs. La pensée unique n’a pas sa place dans la République.

De même, les déclarations répétées et peu élogieuses du Président Ibrahim Traoré sur des actes de gouvernance de ses prédécesseurs ne sont pas de nature à fédérer les différents bords politiques du pays. Elles pourraient même le priver de certains soutiens de taille. La réserve et la retenue vont de pair avec les responsabilités. Ce qui n’interdit pas bien sûr d’œuvrer à une véritable réhabilitation de la Constitution et de la démocratie, en rendant justice à la république et à la démocratie des violations subies et contributives à la situation que nous vivons.

  1. Replacer les missions de la Transition fixées par la Charte au centre de la Gouvernance

Les missions de la Transition sont clairement fixées par la Charte de la Transition signée le 14 octobre 2022 et le Chronogramme actualisé de la Transition remis au Premier Ministre le 26 janvier 2023. Or, l’une des faiblesses du déroulement de la Transition, est la dispersion de ses efforts en direction de nouveaux objectifs sans rapport avec les missions à elle assignées dans les documents ci-dessus cités. A titre d’exemple, nous avons tous été témoins de la croisade du Premier ministre pour la Fédération Burkina Faso/Mali dont les conditions légales minimales ne sont même pas réunies. D’autres démarches politiques semblables sans lien avec la Charte sont en cours d’exécution.

Pour ne pas être pris de court par la fin de la Transition fixée au 1er juillet 2024 par le compromis dynamique librement convenu avec la CEDEAO, le Gouvernement doit concentrer ses efforts sur les missions assignées dans la Charte et le chronogramme actualisé.

  1. Revoir la conduite de la diplomatie Burkinabè

Le Burkina Faso a adhéré aux règles de la diplomatie internationale pour les avantages mutuels avec les autres Nations. Aujourd’hui, il est malaisé de constater que les acquis diplomatiques de plusieurs années d’effort sont jetés aux orties sans toujours en mesurer les conséquences. Aucun pays ne peut vivre en autarcie, surtout pas le nôtre qui est fortement enclavé. Il est parfaitement possible pour nos gouvernants, d’imprimer de nouvelles orientations à nos rapports avec les autres Etats de la Communauté sans actions humiliantes à leurs égards.

Se prononçant sur les nouvelles orientations de la diplomatie chinoise le 24 mars 2021, Hua Chunying, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères disait que « La Chine poursuit une diplomatie indépendante avec respect et bénéfices mutuels » à travers laquelle « La Chine préconise la construction d’une communauté de destin pour l’humanité, où nous résolvons les problèmes à travers le dialogue et les intérêts communs ». Deuxième puissance militaire et économique mondiale, la Chine n’est pas pour le développement autarcique et l’exclusion humaine. Elle mesure à quel point le respect mutuel et le dialogue déterminent la réussite en diplomatie.

Cette vision respectueuse de la diplomatie et de la solidarité universelle est d’autant plus nécessaire que le Burkina Faso sera contraint, à un moment ou à un autre, de solliciter l’accompagnement de la Communauté internationale, de l’UA, de la CEDEAO et même des voisins immédiats pour garantir et appliquer les engagements de sortie de crise.

Nous devons du respect, quitte à rester vigilants, à la Communauté internationale, aux pays occidentaux qui œuvrent dans notre pays avec leurs moyens dans le domaine crucial de l’humanitaire pour soulager nos populations en détresse, sans distinction des camps en belligérance. En outre, ils contribuent financièrement et matériellement au développement de notre pays, quoi qu’en pensent certains de nos compatriotes. Malheureusement, nos gouvernants ont tendance à aduler plutôt les pays qui nous vendent des armes pour mener la guerre sans plus. Mais à l’évidence, l’étranger qui te livre des armes pour décimer une partie de la fratrie, fût-elle égarée, n’est pas le bienfaiteur de la famille. Il te permet sans doute de prendre de l’ascendant, mais ne se préoccupe nullement du devenir de la communauté, qui doit reprendre à vivre ensemble tôt ou tard.

Nous devons également regarder à deux fois avant d’emboiter aveuglement le pas au Mali qui a son histoire et sa logique propres. Le salut du Burkina Faso ne peut pas venir de ces dirigeants maliens qui peinent à assurer le minimum de bien-être et de sécurité à leurs populations malgré les grands airs qu’ils se donnent. Un proverbe dit à ce propos qu’« Une mèche de coton ne peut pas sauver une autre mèche des flammes ; elles se consumeront ensemble. » Nos dirigeants doivent se tourner vers des pays qui peuvent accompagner le peuple Burkinabè durant cette période difficile.

  1. Les actions à mener
  2. Constituer un gouvernement d’unité nationale et de cohésion sociale

Il est loisible au Président de Transition d’associer qui il veut à sa politique de reconquête du territoire. Mais s’il appelle les Burkinabè à l’unité d’action et à la solidarité nationale pour faire face au terrorisme, il ne doit pas en même temps exclure certaines catégories sociales de la gouvernance. Décider par exemple d’exclure les hommes politiques de la gouvernance de transition est un gâchis, puisque cela revient à priver le système de cadres aguerris dans la gestion des affaires publiques et de l’expérience de leurs organisations dans la mise en œuvre des actions de proximité. Le meilleur moyen de disposer des compétences de tous bords sous le même chapiteau est de mettre en place un Gouvernement d’unité nationale murement réfléchi. Ce gouvernement d’unité nationale devra être, dans ses actes, un gouvernement de sortie de crise avec deux axes de travail : la lutte contre le terrorisme d’une part, et d’autre part la réconciliation nationale et la cohésion sociale.

Un tel gouvernement aura l’avantage non seulement de renforcer la cohésion entre les composantes sociopolitiques et les militaires, mais aussi de mettre tous les membres au même niveau d’information sur la situation réelle de la Nation. Ceux-ci seront les meilleurs alliés des militaires pour convaincre la CEDEAO du bienfondé de la prorogation de la Transition, dans le cas où le contexte sécuritaire ne permettra pas la tenue des élections de fin de Transition à la date convenue.

  1. Donner à la justice les moyens d’assurer son rôle dans la lutte contre le terrorisme

Autant il ne vient à l’esprit d’aucune institution de voter des lois en concurrence avec le Parlement, ou de gouverner à la place du calife, autant la justice, troisième pouvoir constitutionnel, doit être souveraine dans son domaine, surtout en cette période troublée. Elle doit avoir les mains libres pour sévir les atteintes aux lois de la République, tout chose nécessaire à la restauration de l’autorité de l’Etat. Elle doit également disposer des moyens et de la logistique nécessaires pour assurer son rôle judiciaire – oh combien déterminant – dans cette guerre interne.

Ainsi, depuis des années, des centaines de personnes poursuivies pour actes de terrorisme croupissent dans les geôles de la prison de Haute sécurité, dans l’attente de leurs jugements. Nous le savons tous, l’information est fondamentale dans la lutte contre le terrorisme. Leur procès pourrait donc fournir des informations de première main aux Renseignements militaires pour démanteler certains réseaux toujours actifs.

Le procès permettra également de mettre hors de cause et de libérer des innocents détenus à cause d’un mauvais concours de circonstances, et qui, par la force des choses, se radicalisent chaque jour un peu plus, drame humain que l’on peut éviter.

  1. Inviter officiellement les groupes armés au dialogue

Les membres des groupes armés sont composés essentiellement de Burkinabè en rupture de ban avec l’Etat ou des servants, pour des raisons souvent surprenantes qui peuvent être aplanies dans certains cas en dehors de toute prise d’arme. De notre point de vue, le Burkina Faso a atteint ce seuil où les gouvernants doivent donner une chance au dialogue avec les groupes armés, afin de soustraire nos concitoyens qui acceptent de revenir dans la République des combattants irréductibles. Et du reste, lorsqu’à tort ou à raison, des citoyens se mettent en marge de la loi de façon à compromettre le devenir de toute la Nation, parce qu’ils estiment avoir été brimés, la sagesse recommande de leur permettre d’exposer leurs griefs afin de trouver ensemble les moyens de soulager la souffrance collective, avec eux compris.

L’appel aux groupes armés à déposer les armes sans condition n’a de chances d’intéresser un nombre significatif de combattants que s’il y a une volonté affichée du pouvoir de prendre en compte certaines de leurs préoccupations, d’accueillir ceux qui acceptent de déposer les armes et de leur offrir des possibilités de reconversion. Autrement, faute d’opportunités de rechange, ils reprendront les armes dès que l’occasion se présentera, ne fusse que pour assurer leur pain quotidien.

Qui peut le plus peut le moins. Le Président du Faso est le garant de l’intégrité du territoire. L’on comprend qu’en tant que Chef suprême des Forces armées nationales, il déclare la guerre aux assaillants. Mais constitutionnellement, c’est lui aussi qui incarne et assure l’unité nationale. Il doit donc user également des armes d’apaisement, de dialogue et de persuasion pour rétablir la cohésion sociale, assurer la permanence et la continuité de l’Etat qui sont compromises par les attaques terroristes.

C’est donc au Chef de l’Etat d’inviter solennellement ceux des combattants qui sont des enfants du pays à mettre bas les armes et à venir exposer leurs griefs devant leurs frères. Aucun sacrifice n’est important pour le retour de la paix sociale, paix sans laquelle tout est voué à l’échec.

Le processus de désarmement, de démobilisation et de reconversion communément appelé DDR ne s’improvise pas. L’Etat devra assurer à ceux qui acceptent de revenir à la vie civile les garanties de sécurité et de reconversion en contrepartie de leur engagement de non reprise des armes. Cela va nécessiter le vote de dispositions législatives visant à les soustraire des poursuites pénales, pour raison d’Etat. Un tel processus se prépare donc minutieusement en amont et en aval avec les autres pouvoirs constitutionnels ; et sa mise en œuvre va nécessiter l’accompagnement des partenaires et de la communauté internationale. En raison de son coût élevé, aucun pays sortant de conflit armé n’a les moyens de supporter seul le coût de reconversion des combattants qui acceptent le désarmement pour retourner à la vie civile.

  1. Associer tous les acteurs sociopolitiques à la recherche de solutions autres que militaires

Dans le principe de la gouvernance, le parlement traduit en loi et le Gouvernement exécute des politiques publiques conçues à un niveau conceptuel plus élevé. En temps normal, ces orientations stratégiques proviennent du programme politique de la formation politique qui accède au pouvoir par la voie des urnes.

Dans ce processus où la Transition ne bénéficie pas de cette machine prospective en amont, où l’ALT n’est pas élue, mais nommée et donc peu représentative du peuple, il nous parait indiqué de convoquer une concertation nationale représentative pour discuter des grandes questions nouvelles ou évolutives du pays, surtout relativement à la conduite de la guerre. Cette concertation nationale devra regrouper des représentants de toutes les couches sociales (anciens, femmes, jeunes), des clergés religieux, de la chefferie traditionnelle, des institutions, de la presse, de la société civile y compris les syndicats, des organisations politiques, et avoir la lourde tâche de poser les problèmes en leurs termes réels. Les choix légitimés par ces représentants seront traduits par l’ALT en lois d’Etat pour donner des coudées franches aux gouvernants. Cela s’avère par exemple nécessaire pour décider ou non de dialoguer avec les groupes armés, d’élargir des combattants dans certaines conditions et dans ce cas, d’organiser leur désarmement, leur démobilisation et leur réinsertion. Autant de questions de fond qui doivent faire l’objet d’un large consensus et au besoin, du vote de lois organiques.

Un tel conclave doit être précédé d’une période d’accalmie sur le front militaire. C’est l’Etat qui doit donner le ton de cet appel au silence des armes, afin de donner une chance au dialogue.

Les civils et les militaires doivent se faire mutuellement confiance pour que chacun joue sa partition dans la lutte contre le terrorisme. Cette solidarité a manqué jusqu’à ce jour. Il n’est pas trop tard pour l’entreprendre.

  1. Faire recours aux institutions de clémence pour les nécessités de la lutte contre le terrorisme

A ce jour, beaucoup de voix se sont élevées pour demander l’application de mesures de clémence en faveur de certains officiers et de moins gradés qui sont condamnés à des peines privatives de liberté. Pour les Justes, attachés au respect de l’Etat de droit, l’application de l’amnistie ou de la grâce présidentielle doit être exceptionnelle et justifiée par les nécessités. Mais nous convenons que la situation sécuritaire du pays en est une et que les gouvernants de la Transition doivent pour cela se pencher sur les possibilités d’appliquer certaines de ces mesures de clémence afin de permettre à ces personnalités d’apporter leurs expertises à la lutte contre le terrorisme.

La mobilisation générale décrétée par le Président de la Transition n’est rien d’autre qu’une mesure exceptionnelle justifiée par les nécessités de cette lutte. Si la mise en œuvre de l’amnistie nécessite des procédures complexes, la grâce présidentielle se fait en procédure simplifiée et permet au Président du Faso de supprimer ou de réduire la peine d’un condamné, sans avoir à justifier sa décision d’accorder ou de refuser la grâce sur le plan formel. Mais dans la pratique, la concertation entre pouvoirs constitutionnel est toujours indiquée.

  1. Veiller au maintien des équilibres entre les pouvoirs dans la réforme constitutionnelle envisagée

La réforme en cours visant à doter le pays d’une nouvelle constitution ne doit pas aboutir à la remise en cause des principes démocratiques par la suppression des interactions qui assurent l’équilibre entre les pouvoirs constitutionnels. Autrement, la Transition aura semé de nouveaux germes d’instabilité politique au Burkina Faso pour de longues années.

CONCLUSION

En tant que légalistes, les Justes sont attachés à la République et à l’Etat de droit, la Constitution en boussole. Nos analyses et propositions peuvent paraitre tranchantes sur certains aspects. Mais elles sont l’expression de notre volonté réelle de contribuer à la réflexion pour une sortie de crise sans faux-fuyants.

Cette rigueur est d’autant indiquée que les solutions d’aujourd’hui peuvent ne plus être d’actualité demain, tout comme les propositions non prises en compte aux premières heures du terrorisme dans notre pays ne peuvent plus éteindre le feu de nos jours.

Ouagadougou, le 22 mai 2023

Pour la Plateforme

Traoré Amadoun

Dr François Kaboré

Mme Barry Mariam

Yaméogo Noël