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Centrafrique: paix où es-tu?

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A quand la fin du règne des groupes d'auto-défense qui sèment la terreur et la mort en Centrafrique (Ph. lemonde.fr)

La paix est aujourd’hui la denrée la plus recherchée dans une République centrafricaine (RCA) confrontée à des affrontements sans fin qui ont pour dénominateur commun le bilan macabre toujours lourd. Les communautés se regardent désormais en chiens de faïence, prêtes à en découdre à la moindre occasion. Les conflits violents prennent de plus en plus une connotation communautaire et de l’est qu’ils ont transformé en foyer de guerre permanent, les ennemis de la paix sont sur le point d’embraser les autres parties du territoire. De Bangassou à la localité voisine de Bria, les armes tonnent sans répit, tuant, blessant et jetant sur les routes pénibles de l’exil, des populations civiles sans défense. La situation va de mal en pis, surtout dans certaines villes où la présence de l’Etat, plus qu’anecdotique fait partie désormais de l’histoire, laissant libre cours au règne d’hommes armés de tous bords. Les forces de la Mission des Nations unies pour la stabilisation de la Centrafrique (Minusca) qui ont payé un lourd tribut à cette rage inextinguible de groupes d’auto-défense parfois aux ordres de politiciens véreux, sont devenues pratiquement de simples observateurs.

Pourtant, réunis à Rome sous l’œil bienveillant de la communauté de Sant’Egidio, les acteurs de cette crise sanglante sans précédent, ont signé, le 19 juin dernier un accord de paix censé éloigner la Centrafrique des affres d’une guerre qui plombe tout espoir de développement de ce pays au sous-sol encore bien riche de diamant, d’or, d’uranium, de pétrole, etc. Mais les démons de la guerre, toujours assoiffés de sang ont ressurgi à Bria, pour la première lézarde dans cet accord. Des affrontements qui se sont soldés par des dizaines de morts dans les populations civiles et de nombreux fuyards qui ont trouvé dans des camps de réfugiés ou de l’autre côté des frontières, notamment en République démocratique du Congo (RDC). De même, des heurts entre les éleveurs peulhs et des groupes d’auto-défense ont également ébranlé cet accord. Et comme si la polémique née de la déclaration du cardinal Dieudonné Nzapalainga de ne pas avoir délégué Godefroy Mokamanédé à Rome au titre de représentant de l’Eglise catholique centrafricaine n’était pas déjà de trop, c’est l’une des deux factions anti-balaka qui vient de planter un autre couteau dans le dos de l’accord du 19 juin.

La paix serait-elle une denrée en voie de disparition dans une Centrafrique qui a traversé dans son histoire tant de guerres civiles et vit un présent de tueries sur fonds d’ambitions politiques? Tout porte à le croire avec l’hypocrisie, la mauvaise foi et surtout les intérêts égoïstes et très personnels qui guident les acteurs sur le terrain. Il est temps que les Centrafricains eux-mêmes prennent courageusement et surtout avec sincérité, leur destin en main. La fameuse communauté internationale dont certains membres tirent profit de ce chaos pour piller les richesses du pays ou vendre leurs armes a montré ses limites. Peut-être que la Cour pénale spéciale en Centrafrique, tribunal qui aura la lourde responsabilité de juger les auteurs des crimes les plus graves commis depuis 2003 dans le pays de Faustin-Archange Touadéra, servira d’épouvantail aux groupes d’auto-défense, qu’ils soient Seleka ou anti-balaka qui sèment la mort à tout vent dans l’ancienne colonie de l’Oubangui Chari. Paix où es-tu ? Question cruciale à laquelle cherche réponse vitale, la Centrafrique où être en vie est un miracle pour nombre d’habitants.

Par Wakat Séra