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CNRD, la trahison par l’autocratie

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Ceci est une opinion de Titi Sidibé sur la marche de la transition en Guinée. Pour lui, « jour après jour », il est constaté des « sorties de piste les plus extraordinaire qui soient » du Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD) dans sa conduite du pouvoir.  

« Les Guinéens sont de nouveau montés dans un véhicule lancé à vive allure vers une direction inconnue. Croyant être engagés sur l’autoroute de la transition, aveuglés par les larmes de joie de la liberté retrouvée, ils découvrent jour après jour les sorties de piste les plus extraordinaires qui soient.

Il faut résolument se pincer pour croire que le CNRD, censé libérer le pays de la terreur de la répression et du fléau de l’injustice, s’est révélé être une pâle copie du régime qu’il a renversé en tirant tout simplement sur le palais.

Si beaucoup de Guinéens ont sauté de joie le 5 septembre 2021, plus en réaction à la fin des onze années d’un régime clivant et injuste que pour encenser les nouveaux maîtres du pays, les premières déclarations du Colonel Mamadi Doumbouya avaient de quoi rassurer un peuple qui n’avait que trop souffert de l’instabilité politique et de l’arbitraire.

C’est très vite que le colonel s’est transformé en un Napoléon exotique sans onction populaire, mais décidé à mener le pays à la baguette et par sa seule volonté. Puisque l’ivresse de la liberté était telle que les Guinéens avaient choisi d’absoudre d’emblée le colonel de toute responsabilité éventuelle dans les répressions sous Alpha Condé; puisqu’ils ont également préféré fermer les yeux sur le nombre de tués lors de l’assaut du palais Sekhoutoureya, «Mamadi Le Grand» n’avait-t-il pas de beaux prétextes pour jouer au «Souverain des Guinéens» ?

Alors, peu à peu, l’attitude du colonel s’est révélée comme une invitation à l’oubli: oublier que son pouvoir n’est nanti d’aucune légalité, encore moins de la moindre légitimité. Il oubliera lui-même qu’il ne tient le pays que par la force de son bataillon surarmé et par le dégainement effréné de décrets de nomination pour s’assurer des soutiens opportunistes. On oubliera aussi les discours mielleux du président de la transition: «faire l’amour à la Guinée et non la violer»; «il faut tuer l’ethnie»; «il faut nous aimer entre nous»; «Il n’y aura pas de chasse aux sorcières»; «la justice sera la boussole qui conduira la transition»; «la personnalisation du pouvoir est finie»; ou encore «il n’y aura pas de recyclage».

Comme par hasard, le CNRD composé essentiellement d’éléments des forces spéciales, ancienne garde prétorienne du président déchu,  a vite commencé par envoyer au peuple les signaux d’un régime arrogant, brutal et aux démarches totalement unilatéralistes. Mais comme à leurs habitudes, les Guinéens ont préféré donner du temps au temps, le temps d’observer un phénomène qui n’avait pourtant rien de si équivoque si ce n’était la nébulosité de ses manœuvres.

Une Charte sur mesure plus tard, un couronnement à la Bokassa par la suite et des titres superbement pompeux de «Président de la République», «Président de la Transition», «Chef de l’Etat», «Commandant Suprême des Forces Armées»; le pays venait de basculer dans l’autocratie sans que les Guinéens ne se départissent entièrement de leur léthargie d’observateurs de leur propre sort: «ça va aller», disent-ils.

C’est finalement sans surprise que la liesse populaire du 5 septembre 2021 a cédé aux manœuvres politiciennes du CNRD, que la communion populaire d’une nation réconciliée le 2 octobre 2021 fera place nette à une idéologie divisionniste et que l’esprit de la visite du CNRD au cimetière de Bambeto s’est évaporé.

Dans la foulée, on n’oubliera pas le soutien affiché de M. Cellou Dalein Diallo et de M. Sydia Touré aux autorités de la transition, qualifiant le coup d’État du 5 septembre 2021 d’un «coup de libération» puisque le véritable coup d’État fut celui du «changement constitutionnel par Alpha Condé». On se souviendra de la tournée européenne de M. Cellou Dalein Diallo et de sa rencontre avec les institutions européennes et d’éminentes personnalités politiques auprès desquelles il avait plaidé la cause du CNRD, sollicitant indulgence et accompagnement de la junte.

L’histoire retiendra l’humiliation infligée aux présidents des deux plus grandes formations politiques du pays (l’UFDG et l’UFR) par le CNRD, ce au mépris du droit de la propriété privée et de la sécurité juridique. A cette occasion, l’opinion guinéenne a vu voler en éclats les valeurs prônées par la transition telles que prévues à l’article premier de la Charte de la Transition, à savoir entre autres: la justice, l’équité, la tolérance, le dialogue, la dignité, l’impartialité, l’inclusion, la fraternité…

Sans jamais se préoccuper des choses de la transition, le Napoléon national a progressivement et délibérément renoué avec les erreurs du passé qu’il disait pourtant vouloir éviter. Il s’agit notamment de l’œuvre de division consistant à se servir d’entrepreneurs politiques sans envergures ni représentations populaires crédibles pour isoler les vrais acteurs politiques et ceux de la société civile susceptibles de lui demander des comptes quant à la conduite de la transition. Faute d’un franc succès de son cadre de concertation destiné explicitement à tourner en rond et à entériner sa volonté de s’éterniser au pouvoir, le maître du pays se devait d’user d’autres outils.

Ainsi donc, la Cour de Répression des Infractions Economiques et Financières (CRIEF), créée par la seule signature de Napoléon, s’est mise à pourchasser sans discernement les personnalités susceptibles de faire de l’ombre au CNRD ou à lui tenir tête dans ses élans arbitraires. Pendant ce temps, le crimes dits de sang n’ont fait l’objet d’aucune juridiction spéciale ni de traitement sérieux devant les tribunaux ordinaires pour rendre compte des tueries pendant les années de répression notamment sous le régime Alpha Condé.

La plus grande trahison du CNRD paraît être celle à l’encontre du FNDC et de la jeunesse dite de l’Axe. En effet, faute d’avoir pu engloutir les cadres du FNDC dans ses manœuvres hégémoniques de pensée unique, le CNRD s’est acharné contre ceux-ci en usant de l’appareil répressif et judiciaire de la manière la plus grossière. Quant aux quartiers de l’Axe, ils ont le malheur d’une réputation légendaire de résister à l’injustice et la dictature crasse. Cela leur vaut un véritable siège avec des arrestations savamment planifiées et une terreur impitoyable entretenue à quelques encablures du cimetière de Bambeto qui a dû accueillir des martyrs qui ne sont plus seulement ceux du régime renversé par le CNRD.

Le FNDC et la jeunesse de l’Axe peuvent légitimement se revendiquer du peuple pour avoir vibré et fait corps avec celui-ci des années durant par une résistance constante face à la dictature, alors que les « Forces Spéciales », au mieux, observaient les tueries presque quotidiennes.

Les Guinéens, plus particulièrement les membres du FNDC et la jeunesse de l’Axe, paient le prix d’une certaine candeur face à une révolution de façade. Le CNRD s’est servi du FNDC avant de lui déclarer une  guerre sans pitié, il a abusé de la confiance de la jeunesse de l’Axe en lui faisant croire que le ratissage ciblé et les balles qui se logent dans les crânes font désormais partie du passé.

Pourquoi donc le coup d’État, pourraient s’interroger les Guinéens: si le FNDC est persécuté ?  Si Foniké Menguè a, de nouveau, été embastillé à Coronthin ?  Si l’Axe est assiégé avec son corollaire de tués par balle ? Si les sièges des partis politiques  sont à nouveau occupés ? Si les manifestations sont purement et simplement interdites ?

L’heure n’est donc plus de savoir si le CNRD va répéter les erreurs du passé, l’heure est au jeu des sept erreurs entre le régime Alpha Condé et celui du Colonel Mamadi Doumbouya, avec la nuance importante que le pouvoir du CNRD confond transition et mandat. Il semble s’être octroyé les lettres de créances  d’une souveraineté et d’un mandat pour agir à sa guise, sans contrepouvoir ni compte à rendre à quiconque.

La transition du CNRD s’est hélas dangereusement travestie en une autocratie déterminée à écraser toute contestation de sa toute-puissance qui ne s’accommodera d’ailleurs de la nécessité du dialogue que contrainte et forcée par un réel rapport de force. »

Titi Sidibé