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Code pénal: des Organisations de médias rejettent «l’esprit» du projet de révision

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Des responsables des Organisations professionnelles de médias burkinabè

Les responsables d’Organisations professionnelles des médias ont animé ce jeudi 20 juin 2019, une conférence de presse, pour « condamner et rejeter « l’esprit » de la révision du Code pénal. Les conférenciers dénoncent une « caporalisation de l’information relatives aux actes terroristes et un bâillonnement de la presse nationale » qui se verra interdite de traiter l’actualité relative au terrorisme.

Le gouvernement a transmis à l’Assemblée nationale un projet de loi portant modification de la loi N°025-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal du Burkina Faso. Cette modification est la énième d’un « tripatouillage continu du Code pénal depuis 2015 », estiment les Organisations professionnelles des médias qui soulignent qu’en principe, le processus « ne devrait exclure aucune partie prenante ».

Mais, contrairement aux propos du ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, chargé des relations avec le Parlement, Rémis Fulgance Dandjinou, le processus de révision du Code pénal « n’a aucunement été participatif et ne peut revêtir le sceau d’un quelconque consensus ». Les Organisations professionnelles des médias ont été ignorées dans leur grande majorité à l’occasion de la séance des auditions pour amendement à l’Assemblée nationale, ont soutenu les conférenciers, insistant que la Commission des affaires générales, institutionnels et des droits humains (CAGIDH) a bouclé ses auditions et adopté son rapport « sans qu’aucune seule organisation professionnelle des médias ait pu être entendue ».

C’est pourquoi, ils sont fondés à croire que ce projet de révision du Code pénal est une opération qui consiste à ajouter plusieurs articles dans le chapitre consacré aux infractions liées au terrorisme et aux communications relatives aux actes terroristes, par quelque support ou moyen de communication que ce soit. Ainsi, au-delà de la sévérité des amendes allant jusqu’à dix millions et des peines d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à dix ans fermes, ce projet de révision de la loi se caractérise par des « notions vagues, la généralisation des délits, et la volonté d’interdire et de réprimer toute communication relative à un acte terroriste ».

Le secrétaire général de l’Association des Journalistes du Burkina (AJB), Guézouma Sanogo, l’un des porte-paroles des Organisations professionnelles des médias, a noté que les initiateurs de ces nouvelles dispositions « feignent d’ignorer totalement le travail d’information des journalistes puisqu’ils ne font pas de distinction entre l’usage des informations par les professionnels des médias et d’autres publics éventuellement ».

Il a aussi fait remarquer que les lois sur les médias adoptées en 2015 sous la Transition ne traitent pas des infractions liées au terrorisme. En conséquence, pour des délits de presse qui tomberaient dans le champ du terrorisme, il y a le risque pour ne pas dire une évidence que ce soit le Code pénal qui soit appliqué. Cela remet en cause du même coup l’esprit de dépénalisation des délits de presse obtenu en 2015 puisque contrairement aux lois sur les médias qui ne prévoient pas de peine d’emprisonnement, le Code pénal en prévoit (voir article 312-18 du projet de révision), a-t-il expliqué et s’est dit convaincu que ce projet de révision est une remise en cause des progrès sur le cadre normatif de la presse, et qui ont permis à notre pays d’être classé aujourd’hui dans le top cinq des pays africains où la liberté d’expression et de la presse est « réelle et se renforce ».

En somme, pour ces représentants des Organisations professionnelles des médias, les modifications contenues dans le projet de loi offrent la latitude aux gouvernants de caporaliser l’information relative aux actes terroristes. Ce qui risque d’une part d’ouvrir la voie aux dénis et à la manipulation de l’opinion sans aucune possibilité pour les professionnels d’apporter le moindre éclairage sur quelques aspects que ce soit à l’opinion publique.

C’est au regard de tout ce qui a été développé que les Organisations professionnelles des médias ont lancé un appel « pressant » au gouvernement à reconsidérer son projet de révision et à consentir les efforts sur le front contre le terrorisme, aux députés à s’abstenir d’adopter ce projet de révision en l’état actuel et à se démarquer de toutes tentatives liberticides et aux professionnels des médias (journalistes et patrons de presse) à ne pas céder aux sirènes de diabolisation qui consiste à prendre les journalistes et la presse pour bouc émissaire dans la dégradation de la situation sécuritaire.

Par Bernard BOUGOUM