Depuis le coup de force du 30 août 2023, contre Ali Bongo Ondimba, époux de Sylvia et père de Noureddin ces derniers, incarcérés, ont été sortis de prison, pour rejoindre le toit familial où ils étaient, selon la formule consacrée, en résidence surveillée. Mais les événements se sont succédé très rapidement, prenant de court ceux qui ne sont pas dans le secret du palais de bord de mer. Dans la foulée, suite à une visite du président angolais Joao Lourenço, par ailleurs président en exercice de l’Union africaine, à l’épisode de cette libération, s’enchaînera celui de l’exfiltration des Bongo, du Gabon, vers l’Angola voisin.
Si l’opération s’est passée incognito au Gabon, Luanda, sans doute fort de ce succès diplomatique, a mis les réseaux sociaux à contribution, pour publier les clichés des ex-prisonniers de Brice Clotaire Oligui Nguema. Ils étaient accablés de plusieurs chefs d’accusation, dont le détournement de fonds publics et le blanchiment de capitaux. Cela a valu pas moins de 19 mois de détention à Sylvia et Noureddin Bongo et, selon leurs avocats, dans des conditions horribles. Question: qu’est-ce qui a donc changé pour que les Bongo se retrouvent sous d’autres cieux, comme par magie, alors qu’aucun jugement public n’a eu lieu?
En attendant que l’opinion soit située sur l’évolution de l’affaire, il faut saluer la carte de l’apaisement et de l’humanité jouée par le nouveau président gabonais, ce qui, a permis d’accorder la «liberté provisoire» aux Bongo, pour des «raisons médicales». Des cadavres et pas n’importe lesquels dans ses placards n’auraient fait qu’empoisonner la gouvernance d’Oligui, un président qui se veut être celui de tous les Gabonais et qui entend «gouverner autrement». Que la réintégration du Gabon au sein de l’Union africaine, ou encore la récupération des biens détournés, ou tout autre compromis, l’aient facilitée, il y a bien des motifs humains, d’apprécier positivement, la décision du retour à la «liberté provisoire» des Bongo pour des «raisons de santé», comme l’a révélé le procureur général.
Un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès, dit le proverbe. Du reste, un autre général, lui aussi arrivé au pouvoir après un coup de force, Mamadi Doumbouya, pour ne pas le nommer, n’a-t-il pas libéré, pour les mêmes raisons de santé, le capitaine Moussa Dadis Camara, jugé et condamné le 31 juillet 2024, à 20 ans de prison pour «crimes contre l’humanité», dans les massacres et les viols à ciel ouvert du 28 septembre 2009, en Guinée? Certes, avant toute action magnanime, qui ressemble plutôt à des calculs politicens, il y a eu d’abord ce procès dit historique en Guinée!
En tout cas, l’Association Réconciliation, au sein de laquelle se rassemblent les victimes des violences postélectorales de 2016, n’a pas avalé la pilule, trop amère pour elle. C’est dans cette logique qu’elle reste vent debout contre la libération et l’exfiltration des Bongo contre lesquelles elle compte manifester pacifiquement, en principe, ce lundi. Là aussi, difficile de blâmer ces victimes qui, à l’époque, n’ont pas bénéficié du traitement de faveur dont jouissent, aujourd’hui, les Bongo. Mais comparaison n’est pas raison, énonce, implacable, la sagesse. Pourvu que les uns et les autres agissent contre «l’injustice», en sachant raison garder, dans l’intérêt de la paix et de la cohésion nationale, dans un Gabon qui n’a que des urgences de développement.
Question: Luanda dispose-t-il de plateaux sanitaires aussi relevés que les Bongo n’ont pas trouvés au Gabon? Ou alors, l’Angola qui est, d’ailleurs, trop proche des yeux des Gabonais, n’est-il qu’une escale des Bongo, en route vers un ailleurs plus tranquille pour eux ? Certains évoquent le Maroc ou la Grande-Bretagne, comme destinations futures probables des Bongo, dans ce qui prend, pour eux, des airs d’un si long exil.
Par Wakat Séra