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Dossier du putsch manqué de 2015: des Burkinabè saluent l’ouverture du procès

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Fouilles devant la salle des banquets de Ouaga 2000

Le procès du putsch de septembre 2015 au Burkina Faso qui a fait une quinzaine de morts et plus de 100 blessés s’est ouvert ce mardi 27 février à Ouagadougou sous haute surveillance. Des représentants de partis politiques et d’Organisations de la société civile (OSC) ont salué l’ouverture du jugement du général Gilbert Diendéré et 83 autres accusés dont le général Djibrill Bassolé.

L’affluence était timide dans la matinée de ce 27 février autour de la salle des banquets de Ouaga 2000, aménagée pour accueillir le procès du putsch manqué de septembre 2015. Le périmètre de la salle des banquets a été quadrillé par des éléments de la gendarmerie et de la police sur un rayon de près de 300 mètres, bloquant du coup la circulation, dans l’un des quartiers huppés de la capitale burkinabè.

En solo, duo, ou en groupe, des citoyens ont pris d’assaut dès 06H00 ( heure locale) conformément au communiqué du tribunal militaire, la salle des banquets de Ouaga 2000, endroit ayant la capacité de contenir au moins 1 000 personnes. Les gendarmes postés devant les trois entrées principales, munis de scanner procèdent aux fouilles corporelles pour interdire strictement tout accès à la salle d’audience avec du matériel tranchant ou autres appareils tels les dictaphones, les caméras et les téléphones.

Serge Bambara alias Smockey, artiste rappeur, membre fondateur du Balai citoyen

Le célèbre artiste rappeur burkinabè, Smockey, à l’état civil Serges Bambara, lauréat du prix continental africain « Kora » en 2010 ainsi que de nombreux prix nationaux, l’air serein dit « attendre que justice se fasse sans faux fuyant, sans camouflée aucune, sans détour et sans provocation inutile ». Pour lui c’est l’occasion pour que ceux (accusés) qui veulent dire la vérité la disent vraiment de sorte que tous ceux qui sont impliqués dans ce coup d’Etat puissent d’une certaine façon payer de leur crime, et que cela contribue à panser les plaies et à soulager les cœurs et les esprits ».

« Le moment est venu pour que la lumière soit faite sur le coup d’Etat manqué de 2015 que j’ai personnellement combattu », affirme pour sa part Adama Kaboné, la trentaine revolue, « jeune résistant » du coup de force qui est arrivé sur le lieu du procès depuis 03H30 du matin avec ses camardes pour passer des messages de « justice et de vérité » car « il y a trop de juges corrompus au Burkina » qui malgré le départ de Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire impose toujours leur diktat, empêchant le « renouveau démocratique tant attendu par les populations ».

Le 16 septembre, des partis politiques notamment de l’ancienne opposition et des Organisations de la société civile à l’instar du mouvement « Le Balai citoyen» ayant pris une part active à la chute du régime du CDP, se sont opposés farouchement au coup d’Etat du Conseil national pour la démocratie (CND) dirigé par Gilbert Diendéré, qui a suspendu le gouvernement de la Transition installée après le départ de Blaise Compaoré.

Oscibi Johann, membre du Balai citoyen

« Je suis là ce matin en tant que blessé du coup d’Etat. Nous avons été convoqués par le tribunal militaire pour venir assister au procès », déclare l’artiste musicien Sibiri Ouédraogo, connu sous le pseudonyme de Oscibi Johann, membre du mouvement le Balai citoyen. Il ne cache pas sa satisfaction de voir le jugement de l’affaire du putsch qui a mis deux ans et cinq mois dans la constitution du dossier car le « Burkina a longtemps évolué sur du mensonge ». Le reggeamaker burkinabè souhaite que la « justice triomphe » et que « chacun des présumés coupables soit situé sur sa responsabilité ».

Selon des observateurs et spécialistes des questions politiques et judiciaires, le peuple burkinabè a soif de nos jours de « justice et de renouveau démocratique ». Pour Smockey, à cet effet, « l’occasion est donnée ici à cette justice-là de blanchir sa ligne car Jusqu’à preuve du contraire les populations ont confiance en la justice de notre pays ».

Aziz Dabo, porte-parole de la Nouvelle alliance du Faso (NAFA)

La Nouvelle Alliance du Faso (NAFA), parti proche du général Djibrill Bassolé, accusé pour « trahison » dans cette affaire, « est assez satisfaite » de l’ouverture du procès, a signifié son porte-parole Aziz Dabo, pensant aussi qu’il en « est de même pour les familles des victimes aujourd’hui car ce procès tant attendu va permettre l’expression de la vérité ».

Cependant il ne fait pas économie sur les « craintes légitimes » de son parti quant à une indépendance et impartialité de la justice militaire qui a été obligée dans ce dossier d’abandonner onze autres chefs d’inculpation qui étaient attribués à leur mentor Djibrill Bassolé.

« Nous craignons car des signes avant-coureurs et un certain nombre de chose se sont passés à la justice militaire qui fonde nos inquiétudes », réagit M. Dabo qui prend par exemple le remplacement des juges intervenu « chaque fois qu’une décision de justice milite en faveur de Djibrill Bassolé ». « Il y a aussi le fait que notre mentor ayant reçu une liberté provisoire soit assignée en résidence surveillée par un décret du ministre de la Défense (Jean-Claude Bouda), membre du Bureau politique du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP, parti majoritaire) », enchaîne-t-il, en notant qu’il se base sur des faits car « les immixtions du pouvoir en place ont été assez nombreuses » dans le dossier  du  putsch manqué.

Si plusieurs dizaines de personnes se faisant passer pour des proches des victimes ont défilé autour de la salle des banquets avec des banderoles portant des messages dont « Naan Laara Ansara ! Vérité et justice ! Plus jamais de coup d’Etat au Faso ! Pour la vérité, la justice et la liberté ! », des accusés, notamment le général Diendéré est soutenu par certains inconditionnels qui  ont acclamé dans la salle d’audience à l’appel de leur idole.

Des officiers cités dans cette affaire du coup d’Etat du RSP, autrefois considéré par certains comme la garde prétorienne de M. Compaoré qui a régné pendant 27 ans,  dont l’ex-Chef d’état-major général des armées, le général de brigade Pingrenoma Zagré, ambassadeur du Burkina au Ghana et l’ex-Chef d’état-major de la gendarmerie, le colonel Tuandaba Marcel Coulibaly, sont rentrés au pays dans le cadre de ce jugement, a appris Wakat Séra.

Par Bernard BOUGOUM