Accueil Communiqué de presse Fête du Travail: le message de l’Union d’Action syndicale (UAS)

Fête du Travail: le message de l’Union d’Action syndicale (UAS)

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Ce document est le message de l’Union d’Action syndicale (UAS), à l’occasion de la fête du Travail célébrée le 1er mai 2018. Il ressort que la « situation au plan national est caractérisée par la persistance de la vie chère, l’aggravation de l’insécurité, les luttes des différentes couches populaires pour la prise en compte des préoccupations qu’elles ont, particulièrement depuis l’insurrection populaire d’octobre 2014 ».

Camarades militantes et militants,

Camarades travailleuses et travailleurs des secteurs public, parapublic, privé et informel Burkinabè,

Camarades élèves et étudiants,

Honorables invités,

Je voudrais, pour commencer, au nom de mes pairs secrétaires généraux des centrales syndicales et des syndicats autonomes, vous remercier toutes et tous d’avoir effectué le déplacement de ce matin pour prendre part à cette cérémonie que nous organisons annuellement pour d’une part, rendre hommage aux ouvriers de Chicago et d’autre part, faire le point sur nos luttes et dégager des perspectives. En effet, nous commémorons cette année le 132ème anniversaire de la lutte menée par les ouvriers de Chicago, lutte qui a été sauvagement réprimée par le patronat américain de l’époque mais qui a permis aux travailleurs partout dans le monde de bénéficier d’acquis très importants tels que la journée de travail de 8 heures.

A la mémoire de ces héroïques devanciers, à tous les camarades qui nous ont quittés depuis l’année dernière, à tous les combattants qui, à travers le monde, ont payé de leur vie pour l’avènement d’un monde de justice et de liberté, nous vous demandons de vous lever et d’observer une minute de silence.

Camarades militantes et militants,

Camarades travailleuses et travailleurs,

La commémoration de ce 1er mai 2018 se déroule dans un contexte assez particulier aux plans aussi bien international que national que nous nous devons d’analyser en vue de mieux situer et orienter nos actions.

  1. Au plan international

La situation internationale est marquée par la persistance et l’approfondissement de la crise que traverse le système capitaliste impérialiste et qui se traduit notamment par :

  • L’exacerbation des rivalités inter-impérialistes observables dans les zones de conflit (Syrie, Sahel, …), sur le plan diplomatique avec les expulsions de personnel diplomatique et sur le plan commercial (institution par les Etats-Unis de taxes sur les produits européens et chinois suivie de mesures de rétorsion par la Chine) ;
  • Le développement du chômage et de la misère dans la plupart des pays. Au niveau des travailleurs, les lois protégeant les libertés syndicales et celles consacrant des droits connaissent des révisions dans le sens des restrictions des droits et libertés ;
  • La résistance qu’organisent les travailleurs et les peuples contre la remise en cause de leurs droits à travers des actions de grève et des manifestations publiques. Ainsi :
  • en France, le pouvoir d’Emmanuel MACRON surnommé à juste titre « le président des riches » a entrepris de s’attaquer aux droits sociaux des travailleurs : le Code du Travail a été révisé pour déréglementer les horaires de travail ainsi que certaines institutions importantes. A cela, il faut ajouter une révision des impôts qui favorise les riches, l’attaque contre l’assurance-chômage, le statut des travailleurs du rail, etc. Face à cela, les salariés de plusieurs secteurs, les travailleurs d’Air France, les travailleurs sans papiers, les étudiants mènent des luttes contre la remise en cause de leurs droits ;
  • aux USA,  les enseignants de Virginie, après neuf jours de grève, ont arraché récemment une augmentation de salaire qui s’est appliquée à tous les travailleurs de l’Etat, le maintien du budget attribué aux écoles et au programme de santé.

L’Afrique, en particulier l’Afrique sub-saharienne, continue d’apparaître comme le continent du paradoxe entre ses richesses (minières, agricoles, humaines, …) et la misère que vivent ses populations.

Les richesses dont regorge le continent suscitent des convoitises de la part des anciennes et nouvelles puissances qui se livrent à des rivalités ouvertes ou masquées sur le continent. La volonté de contrôler les pays du continent s’exprime à travers l’installation de bases militaires dans de nombreux pays. La mise en place du G5 Sahel, loin de traduire une volonté des pays de la sous-région de mettre en commun leurs forces pour faire face au terrorisme, est pilotée par l’ex-puissance coloniale qu’est la France dans l’optique de perpétuer et de renforcer sa domination sur les pays de la sous-région.

Pendant ce temps, la plupart des dirigeants du continent ne se préoccupent que de rester le plus longtemps possible au pouvoir, quitte pour cela à tripatouiller les constitutions ou à réprimer les justes aspirations des populations à plus de liberté, de justice et de mieux-être. Ainsi, au Burundi, en République Démocratique du Congo, au Togo, au Congo, en Guinée Conakry, c’est une répression sauvage qui est abattue sur tous ceux qui réclament plus de justice et de liberté. Au Sénégal, le pouvoir de Macky SALL, dans la perspective des prochaines élections, a institué le principe d’un parrainage des candidatures dans un contexte de répression de leaders politiques et de personnalités de la société civile.

Face à la misère sur le continent, de nombreux jeunes s’engagent dans l’émigration vers l’Europe. A ce propos, il aura fallu la diffusion par la chaîne américaine CNN d’un documentaire sur la vente d’êtres humains comme esclaves en Libye pour qu’une vague d’indignation contraigne les dirigeants africains à organiser le rapatriement de quelques ressortissants africains dont certains qui étaient détenus dans les prisons libyennes.

  1. Au plan national

La situation au plan national est caractérisée par la persistance de la vie chère, l’aggravation de l’insécurité, les luttes des différentes couches populaires pour la prise en compte des préoccupations qu’elles ont, particulièrement depuis l’insurrection populaire d’octobre 2014 : mesures concrètes contre l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques, justice pour les martyrs de l’insurrection et de la résistance au putsch, construction d’infrastructures, etc.

La vie chère frappe les populations laborieuses du fait notamment des prix inaccessibles des produits de première nécessité, particulièrement ceux des produits agricoles qui se sont envolés du fait de la mauvaise saison agricole, mais aussi de la spéculation et du manque de rigueur dans le contrôle des prix. L’UAS interpelle les autorités à faire en sorte que leur promesse d’ouverture de boutiques témoins soit une réalité.

La situation sécuritaire se dégrade de plus en plus, marquée par des attaques à répétition et de plus en plus audacieuses des groupes terroristes. Celle perpétrée le 2 mars contre l’Etat-major général des armées et l’Ambassade de France et les récentes attaques dans le nord du pays où une élève a été tuée et un enseignant enlevé. Le constat est amer : dans le Sahel et le Nord, 219 écoles fermées, 751 enseignants en abandon de postes, 20 163 élèves hors classe, fermeture du Tribunal de grande instance de Djibo… ! Aujourd’hui, la situation semble être hors contrôle de l’Etat. En plus, au constat de la présence des forces étrangères suffisamment armées dans cette même zone, cela conforte la position de l’UAS qui est que la présence de ces forces étrangères viserait tout autre intérêt que la sécurité de nos nations.

Au plan de l’Education, la situation est catastrophique à tous les niveaux. C’est cela qui explique la grande lutte menée par la coordination des syndicats de l’Education qui a duré plus de deux mois. Soutenue par l’UAS, cette lutte a abouti à un protocole d’accord consacrant d’importants acquis pour les personnels de l’enseignement, pour les élèves et les parents d’élèves. Dans ce sens, l’UAS suit avec intérêt, la mise en œuvre de ce protocole. Néanmoins, l’UAS constate avec inquiétude que de nombreux enfants burkinabè, notamment du Sahel et du Nord, sont privés d’éducation.

Au plan de la santé, la mise en œuvre de la gratuité a sans doute soulagé plusieurs ménages et citoyens. Cependant, l’arbre ne doit pas cacher la forêt : notre système sanitaire est très défaillant à l’image de l’hôpital de référence qu’est l’hôpital national Yalgado OUEDRAOGO, qui, de jour en jour, plonge dans la déliquescence, au grand dam des agents de santé et des patients. De plus, la rupture des médicaments pour la gratuité des soins occasionne d’une part des désagréments pour les patients et d’autre part des incompréhensions entre le personnel de santé et les patients.

Sur la question du logement, les fortes attentes que nourrissaient et nourrissent les populations restent intactes :

  • l’apurement du foncier tant attendu peine à être entamé : les maires qui avaient été arrêtés pour détournement de parcelles sont tous en liberté provisoire depuis des années ; après avoir suspendu les lotissements, le pouvoir annonce la reprise très prochaine de ceux-ci alors qu’aucune action sérieuse n’a encore été engagée dans le sens de l’apurement du passif ;
  • sous prétexte de promouvoir la construction de logements, de nombreuses sociétés immobilières ont été créées mais qui se préoccupent de vendre les parcelles nues, après avoir acquis à vil prix des centaines d’hectares ;
  • l’annonce, depuis 2015, d’une réglementation des loyers tarde à se concrétiser. Alors que la loi portant réglementation des loyers a été adoptée depuis le 22 décembre 2015, aucune mesure n’a été prise pour permettre l’application de la loi.

A noter que le gouvernement traîne à réaliser l’informatisation du fichier du foncier, revendiquée par l’UAS depuis des années et qui est incontournable si on veut vraiment assainir la gestion du foncier. L’UAS reste attachée à la résolution de cette question qui est devenue une bombe sociale.

Dans le domaine de la justice, la déception est encore plus grande avec la poursuite de la politique de l’impunité pour les auteurs de crimes de sang et de crimes économiques : les différents dossiers de crimes de sang et de crimes économiques (anciens comme nouveaux) ne connaissent pas de traitement. Il s’agit notamment des dossiers de crimes commis sous le régime COMPAORE, des victimes de l’insurrection populaire, des victimes du putsch du RSP, du pillage du foncier, de prêts non remboursés, d’impôts non payés, de détournements de ressources publiques, …). Dans le cadre du procès du putsch de 2015 en cours, l’UAS rappelle qu’elle exige le respect du triptyque vérité-justice-réconciliation. Elle invite par ailleurs la justice qui a acquis son indépendance grâce au soutien du peuple d’accorder une grande attention dans le traitement des dossiers pendants.

Le chômage frappe durement la jeunesse aussi bien en ville qu’en campagne. Au vue de la grande proportion de la jeunesse au sein de la population et du taux de chômage de plus en plus élevé, l’UAS invite le gouvernement à faire du travail décent et l’emploi des jeunes une réalité.

La corruption et la fraude sont également des phénomènes qui se sont développés et ont pris des proportions très inquiétantes. La situation est doublement préjudiciable au trésor public (baisse des recettes) et aux entreprises et travailleurs (fermeture des entreprises). Le bradage de l’ONATEL avec la cession unilatérale de 10% des actions de l’Etat à Maroc Télécom qui porte la part de cette société à 61% est une illustration d’un manque de vision de la part des autorités. Car on ne confie pas un secteur de souveraineté comme la communication à une entreprise étrangère.

Du reste, l’UAS a toujours interpelé les autorités de faire un bilan exhaustif sur les privatisations qui ont détruit des milliers d’emploi dans notre pays et de même à lutter fermement contre la fraude et la corruption.

Concernant le dialogue social, on constate une dégradation notable liée aux agissements du pouvoir :

  • les tentatives de remise en cause du droit de grève à travers une proposition de loi initiée par l’Assemblée Nationale ;
  • le piétinement dans le processus de révision du Code du Travail du fait de positions figées du patronat sur des dispositions essentielles de cette loi, en l’occurrence celles relatives à l’activité de travail temporaire et à l’externalisation, au remplacement des travailleurs grévistes, au renouvellement des contrats à durée déterminée, au plafonnement des dommages et intérêts dus au travailleur en cas de licenciement abusif, au nombre de jours de permissions exceptionnelles, aux modalités de réajustement des salaires. Dans son option de bloquer les discussions, le patronat bénéficie de la complaisance des autorités d’autant que certaines questions sont réglées par des conventions internationales ratifiées par notre pays ;
  • la remise en cause du droit des travailleurs de manifester sur leurs lieux de travail;
  • la non-tenue de la rencontre annuelle Gouvernement/Syndicats au compte de l’année 2017 ;
  • le non-respect de l’engagement du gouvernement concernant la suppression de l’IUTS sur les primes et indemnités dans le privé ;
  • la réduction unilatérale du nombre de charges d’enfants à prendre en compte dans le calcul de l’IUTS ;
  • les remises en cause des protocoles d’accord que le gouvernement a signés avec les syndicats ;
  • le refus de donner suite à une demande d’audience de l’UAS adressée au premier ministre depuis décembre 2017 ;
  • La relecture de la loi 027 sans ses textes d’application ;
  • Le piétinement dans la révision de la loi 033 ;

Ces derniers temps, la politique du gouvernement en guise de réponse à la fronde sociale, consiste à accuser les travailleurs de s’accaparer des ressources du pays et à tenter d’opposer les populations aux travailleurs, notamment ceux de la fonction publique. En effet, nous constatons avec amertume que le gouvernement a pu tenir toutes les autres rencontres statutaires (secteur privé, paysans, jeunes, opposition politique, majorité présidentielle, femmes…) sauf l’Unité d’Action Syndicale. Et pour nous, ce fait n’est pas anodin !

Annoncée par le chef de l’Etat dans son message de nouvel an, la réforme du système de rémunération des agents publics a été engagée par le gouvernement. L’UAS a répondu au Premier ministre par correspondance n° 2018-008/UAS/CS-SA/PDM/ha du 27 février 2018 indiquant sa position sur le formant et demandant les termes de référence. La Coordination des syndicats de la Fonction publique après analyse du dossier a rendu sa position.

A l’évidence, et à l’image de la détermination des ouvriers de Chicago, les préoccupations qui assaillent les travailleurs du Burkina en ce 1er mai 2018 exigent de nous   plus de courage, de combativité, de solidarité pour renforcer nos organisations de lutte afin de sauvegarder nos acquis et arracher de nouvelles victoires

Camarades militantes et militants,

Camarades travailleuses et travailleurs,

Avant de terminer notre message, nous tenons à exprimer, à l’égard des travailleurs et des peuples qui se battent à travers le monde, notre solidarité militante et internationaliste.

 

                                         VIVE LE PREMIER MAI !                  

                                     VIVE LA SOLIDARITE ENTRE LES TRAVAILLEURS !

               VIVE L’UNITE D’ACTION SYNDICALE !

Ouagadougou, le 1er Mai 2018

Ont signé :

Pour les Centrales syndicales :

CGT-B                                                 CNTB                                      CSB

Bassolma BAZIE                                 Augustin Blaise HIEN              Olivier Guy OUEDRAOGO

Secrétaire Général                            Secrétaire Général                Secrétaire Général

 

FO/UNS                                              ONSL                                      USTB

El Hadj Inoussa NANA                                    Paul N. KABORE                     Georges Yamba KOANDA

Secrétaire Général                            Secrétaire Général                Secrétaire Général

Pour les Syndicats Autonomes :

SAIB                                                         SATB                                                        SAMAE

Pascal OUEDRAOGO                                Séini KOANDA                                          Albert DJIGUEMDE

Secrétaire Général                                  Secrétaire Général                                  Secrétaire Général

SBM                                                         SNEAB                                                     SNESS           

Moriba TRAORE                                     Séma BLEGNE                                           Anatole ZONGO

Secrétaire Général                                             Secrétaire Général                                                Secrétaire Général

 

SYNTRAPOST                                         SYNAPAGER                                             SYNATIC

 

Gilbert GOH                                            Wendyam ZONGO                                               Siriki DRAME

Secrétaire Général                                 Secrétaire Général                                   Secrétaire Général

 

SYNATEB                                                 SYNTAS                                                    SYNATEL

François de Salle YAMEOGO                               Juste K. LOGOBANA                                Souleymane SO

Secrétaire Général                                  Secrétaire Général                                             Secrétaire Général

SYNATRAD                                               SYNATIPB

Mathias KADIOGO                                    Jean-Baptiste OUEDRAOGO

Secrétaire Général                                   Secrétaire Général

 

SYSFMAB                                                  UGMB                                                     SATEB

 

 

Honorine KABRE                                       Bali KAGAMBEGA                                   Clément TAPSOBA

Secrétaire Général                                   Secrétaire Général                                 Secrétaire Général