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Guinée: 8 ans d’attente, 8 ans d’impunité

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La barbarie fut sans commune mesure (Ph. afrique360.com)

8 ans d’attente = 8 ans d’impunité. Loin d’être le résultat d’une simple opération arithmétique proposée à des élèves de Conakry, de Boké ou de Kolaboui, ce calcul est l’illustration de la tristesse mais surtout du sentiment de révolte qui anime la plupart des Guinéens, notamment les parents des 156 manifestants froidement et lâchement assassinés et des nombreuses femmes victimes de viols publics et bien d’autres abus sexuels, le 28 septembre 2009. Ce drame a eu pour théâtre le mythique stade du 28-Septembre qui s’est transformé en enfer pour des citoyens qui disaient simplement non à la boulimie du pouvoir d’un lunatique capitaine, devenu chef de l’Etat par le fait du hasard.  Moussa Dadis Camara qu’on l’appelle s’était en effet emparé de la présidence de la Guinée sur les cendres encore chaudes du cadavre de Lansana Conté décédé le 22 décembre 2008. Pris par les vertiges du trône alors qu’il clamait haut et fort qu’il n’était pas venu pour s’éterniser au pouvoir, mais juste organiser des élections ouvertes pour engager la Guinée sur la voie de la démocratie, celui qui avait habitué les Guinées et les téléspectateurs africains aux ubuesques «Dadis Shows» opère un virage à 180 degrés. Il décida, envers et contre tous de se présenter à des élections qu’il était certain de remporter, lui qui présentait déjà des symptômes du parfait dictateur. C’est face à la contestation sans ambages de ses détracteurs que le capitaine Dadis Camara bande les muscles. S’en suivirent les représailles contre les anti-Dadis, jusqu’à la fatidique date du 28 septembre. La tragédie fut sans commune mesure tout comme le bilan macabre de la répression des hommes de Dadis Camara.

Mais le destin, sous les traits de son aide de camp, s’est très vite acharné sur le tonitruant militaire qui voulait troquer le treillis contre le costume de président. Toumba Diakité que Dadis accusait d’être le massacre du 28 septembre tira sur lui. Résultat, le chef de la junte militaire se retrouve dans un hôpital marocain, avant d’atterrir, contre son gré, à Ouagadougou, où il a entamé une convalescence sans fin. Alors que le miraculé de Conakry rongeait ses freins au Burkina Faso et fulminait contre son hôte d’alors, Blaise Compaoré l’ancien président burkinabè, les voix s’élevaient en Guinée pour réclamer sa tête. Ces détracteurs et les organisations de défense des droits de l’homme demandaient justice pour les morts et violées du 28 septembre. Mais que ce soit sous Sékouba Konaté, le successeur de Dadis Kamara à la tête de la Guinée, ministre de la Défense au moment des faits barbares ou sous le président sorti des urnes, l’opposant historique, Alpha Condé, la justice n’a jamais eu le cœur à l’ouvrage pour faire éclater la vérité. A quand donc la lumière sur ce pan sanglant de l’histoire de la Guinée?

Les assoiffés de justice sont-ils proches du bout du tunnel? Peut-être. Le pouvoir de Alpha Condé l’a promis et crié à toutes les occasions qui ont précédé les marches et meetings de protestation contre les années d’impunité. «L’instruction est en train d’aller vers sa fin, on l’espère assez rapidement, pour que l’on commence la préparation du procès. (…) Ce procès commencera avant la fin 2017». Foi de Me Cheick Sako, ministre guinéen de la Justice. Quel crédit accorder à ces paroles du garde des sceaux, avocat du Barreau de Montpellier? Comme lui, on ose espérer que l’impunité prenne enfin fin, afin que les morts et les violées du 28 Septembre soient vengés par la justice et surtout que les responsables paient pour leurs crimes. Ce serait en tout cas la voie royale pour désarmer les cœurs en Guinée, un pays qui vit au rythme soutenu de manifestations violentes et soldées souvent par des morts. Il est temps pour Alpha Condé de faire chuter le mercure socio-politique, pour enclencher le développement véritable de la Guinée.

Par Wakat Séra