Accueil A la une Guinée: il était une fois, l’anniversaire d’un putsch militaire!

Guinée: il était une fois, l’anniversaire d’un putsch militaire!

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Le colonel Mamady Doumbouya prêtant serment

Ce 5 septembre était date de double anniversaire en Guinée. Il marquait en effet la chute de Alpha Condé qui était en route pour une présidence à vie dont il s’est ouvert les portes par un troisième mandat anticonstitutionnel rouge du sang de ses concitoyens qui s’y sont opposés. C’était également l’anniversaire de l’entrée par effraction au palais présidentiel du colonel Mamadi Doumbouya kalachnikov en l’air. Une irruption qui a mis fin à la soif de pouvoir ad vitam aeternam de l’opposant historique frappé d’amnésie sur les valeurs démocratiques que lui-même prônait avant ses dérives autoritaires. Depuis plus d’un an donc, la Guinée est mise en joue par les militaires du Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD) par qui le pays a connu un nouveau recul démocratique digne des règnes des anciens dirigeants qui se sont succédé au palais de Sékhoutouréya.

Alors qu’ils ont tous applaudi des deux mains et des deux pieds l’avènement des putschistes, les Guinéens ont vite déchanté, désabusés par le régime de fer que les militaires ont instauré. Interdiction de manifestations pacifiques, diverses atteintes aux droits humains, notamment la liberté d’expression, chasse à l’homme engagée contre les leaders politiques et ceux de la société civile et répression sans ménagement des marches et meetings, pour ne citer que ces dévoiements, sont devenues la marque déposée des militaires qui avaient pourtant suscité tant d’espoir à Conakry, Labé, Kankan, Kissidougou, Guéckédou, Nzérékoré, Kindia, Kouroussa, Boké, etc.

L’anniversaire à double face s’est manifesté également par une cérémonie avec concerts et discours organisée par le CNRD, fête à laquelle a répondu le Front national pour la défense de la constitution (FNDC), par des manifestations réprimées comme à l’accoutumée par la manière forte. Surtout que le CNRD avait prononcé la dissolution de ce mouvement citoyen qui essaie de s’opposer à la junte militaire dans le but de la ramener à la mise en place d’une transition à durée raisonnable et d’un dialogue inclusif. Bien que ses responsables ont été incarcérés, et les politiciens d’envergure que les putschistes ont transformés en ennemis sont contraints à l’exil «volontaire», le FNDC qui avait fragilisé le pouvoir de Alpha Condé qui est tombé comme un fruit mûr, ne baisse pas les bras. Certes, le Front et le peuple guinéen sont loin de bénéficier de l’appui décisif escompté de la part de la communauté internationale, en dehors des sempiternelles et timides condamnations de principe.

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) n’a peut-être pas abdiqué, mais son médiateur, en la personne de l’ancien président Yayi Boni se hâte lentement, ses séjours fréquents à Conakry n’ayant encore produit aucun résultat optimiste. Comme si la junte a bien préparé son coup, en récusant la facilitation du Ghanéen Mohamed Ibn Chambass pour accueillir à bras ouverts le Béninois. Même les hausses de ton fermes, mais par trop sporadiques du G5 Guinée composé des Nations unies, de la CEDEAO, de l’Union européenne, des Etats-Unis et de la France ne semblent pas arrêter la fougue de la junte militaire dans la persécution contre les politiques et la société civile. Par le biais de la Cour spéciale de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), le CNRD détient une arme de choix contre ses contradicteurs!

36 mois de surplace, pour ne pas dire de retour en enfer. C’est le quotidien des Guinéens confrontés, en plus, au chômage, à la vie chère marquée par une hausse vertigineuse des prix et une crise économique aiguë, le tout couronné de tensions politiques inquiétantes, car entretenues par des hommes ayant le doigt sur la gâchette, donc prêts à semer la mort à tout vent. Jusqu’à quand la junte militaire fera-t-elle la loi dans une Guinée dont le peuple, lassé des violences politiques et des pouvoirs de fer, aspire à autre chose, c’est-à-dire au développement dans la paix et la cohésion sociale? Question à un franc guinéen!

Par Wakat Séra