
Le capitaine Moussa Dadis Camara, moins d’un an après sa condamnation à 20 ans de prison pour «crime contre l’humanité», dans les massacres du 28 septembre 2009, qui ont fait plus de 150 morts et au moins 109 femmes violées, a recouvré la liberté, pour des «raisons de santé», suite à une grâce présidentielle accordée par le général Mamadi Doumbouya. Une bonne action, qui, malheureusement, a vite pris des airs de petits arrangements entre frères d’armes, la grâce présidentielle, étant intervenue avant la fin de la procédure judiciaire. Car, plusieurs condamnés, dont Dadis Camara, ayant fait appel de leur jugement! Et comme il fallait s’y attendre, la pilule, trop amère pour elles, n’a pas été avalée par les victimes et leurs proches, encore meurtries dans leurs chairs, par ce drame inhumain.
De plus, les personnes qui ont subi, ce lundi sanglant de 28 septembre 2009, la cruauté d’hommes de tenue en feu et en rut, ne connaissent pas toutes le même traitement dans la réparation financière du préjudice. En effet, sur les 500 parties civiles au procès, ce sont 334 victimes qui ont été choisies, à l’issue d’un tamis «sélectif», dénoncé par l’organisation guinéenne des droits humains (OGDH), pour bénéficier de l’indemnisation prise en charge par l’Etat. Toute chose qui empêchera, sans doute, des parents des morts de faire le deuil des leurs, des blessés de se soigner convenablement, et des femmes qui ont été souillées à jamais dans leur dignité, d’essayer de retrouver une vie, qui se rapprocherait d’un quotidien normal.
La présence actuelle à Conakry, d’une mission de la Cour pénale internationale (CPI), pourra-t-elle contribuer à ramener de l’équité dans la gestion de ce dossier dit des «massacres du 28 Septembre»? L’espoir peut être de mise! Aux conditions que les autorités de la transition acceptent de s’ouvrir aux recommandations des «justiciers» de La Haye, ou si la CPI qui s’était réjouie de l’ouverture du procès en 2022, se saisit du dossier, comme l’a prévu, en son article 4, le mémorandum d’accord qu’elle a signé avec le général Mamadi Doumbouya à l’époque. En attendant, le capitaine Moussa Dadis Camara est dans la nature, pour des «raisons sanitaires», et les victimes du 28-Septembre continuent, elles, de demander justice, malgré le verdit lourd prononcé par le tribunal, le 31 juillet 2024.
En tout cas, il semble y avoir deux Guinées! L’une d’elles, est dirigée par un président qui a permis que soient jugés, dans un procès fleuve de près de deux ans, douze auteurs ou complices des atrocités du stade du 28 septembre et a montré qu’il sait faire preuve d’humanité, en octroyant à un condamné, la grâce présidentielle, pour des «raisons de santé». Malheureusement c’est une sensibilité à géométrie variable, car, dans l’autre Guinée, bien des Guinéens et Guinéennes sont encore privés de liberté, ne jouissent pas des droits d’opinion et d’expression ou sont contraints à l’exil, du fait qu’ils sont vus comme un danger potentiel pour le pouvoir de transition.
Et si, habité par l’esprit de la Sagesse, le président Mamadi Doumbouya retrouvait sa belle casquette de sauveur de la Guinée, lui qui portait l’espoir de tout un peuple qu’il a libéré, par son coup de force du 5 septembre 2021, de la main de fer anti-démocratique de son prédécesseur, le Professeur Alpha Condé? Ce dernier, faut-il le rappeler, avait succombé aux charmes du 3e mandat, donc aux sirènes de la présidence ad vitam aeternam! Le général, colonel au moment des faits, avait même été applaudi, à tout rompre, par les opposants de l’époque, qui sont traqués, aujourd’hui comme des antilopes forestières, cette espèce de la faune guinéenne, menacée de disparition!
Par Wakat Séra