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Guinée: putschistes et politiciens, regardez enfin le peuple!

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Quel est le sort réservé au peuple guinéen en liesse après le coup d'Etat qui a chassé Alpha Condé? (Ph. france24.com) (Photo d'illustration)

Le deuxième jour sans Alpha Condé s’est étiré ce mardi, confirmant la fin de parcours pour l’ancien opposant parvenu au pouvoir et s’était cousu un costume de président à vie mais n’a pu l’étrenner que quelques mois. Réélu le 18 octobre 2020, envers et contre tous, il a prêté serment le 15 décembre, la main levée, dégoulinant encore du sang des Guinéens tués dans les manifestations pacifiques férocement réprimées contre ce nouveau mandat inconstitutionnel pour lequel il a été investi le 21 décembre. Et ce troisième mandat meurtrier, arraché après charcutage de la constitution, est devenu l’oméga pour Alpha. Le coup d’Etat éclair exécuté par le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, patron du Groupement des forces spéciales (GFS), une unité spéciale de l’armée guinéenne, créée par Alpha Condé himself. Les experts de la formule diront que l’ancien président de la Guinée depuis ce dimanche, a créé le monstre qui l’a bouffé.

A 83 ans, la retraite est loin d’être prématurée, surtout pour un ancien supplicié et prisonnier, des pouvoirs qui se sont succédé dans ce pays dont, ironie du sort, Alpha Condé, depuis plus de 60 ans, demeure le premier président démocratiquement élu, mais aussi le premier président renversé par l’armée alors qu’il était toujours aux affaires. Maintenant que la page est tournée sur celui qui a préféré l’humiliation à la grande porte de sortie, à quelle sauce seront mangés les Guinéens qui ont repris leur quotidien difficile? Une vie bien compliquée rythmée à souhait, par ces embouteillages dans la capitale Conakry où chaque Guinéen, à pied, à deux-roues ou en voiture, court derrière une pitance journalière, le plus souvent hypothétique.

Regardez le peuple! Ce fut un cri du cœur d’un habitant de Conakry, qui a gardé toute sa sérénité, dans la liesse qui a salué la tournée malheureuse de Alpha Condé, dans un véhicule 4X4, encadré par des militaires, chemise ouverte, yeux vides, jetant parfois un coup d’œil derrière lui, comme pour regarder, une dernière fois, le palais présidentiel «Sékhoutouréya», ne comprenant visiblement pas encore, ce qui se passait. Oui, les Guinéens déchanteront-ils bientôt, comme toujours d’ailleurs quand des militaires, qu’ils soient Maliens ou Guinéens, prennent le pouvoir par les armes et proclament l’avoir fait pour «libérer le peuple»? En tout cas, le lexique universel des putschistes a été merveilleusement bien récité par le colonel Mamady Doumbouya, dans le classicisme traditionnel du treillis militaire, les Ray-Ban noirs, le drapeau national sur les épaules, le ton martial. Comme à l’accoutumée, il a fallu apaiser la communauté internationale et donner des gages aux investisseurs étrangers, dont l’un d’eux, est, à tort ou à raison, indexé par certains, comme étant la main invisible qui a poussé Alpha Condé dans les abymes de la déchéance, où remords et angoisse du lendemain incertain s’entremêlent comme des frères siamois.

Oui, le peuple guinéen, en dehors de la vie sans Alpha Condé, attend-il réellement un changement dans son existence, avec cette nouvelle irruption de l’armée sur la scène politique? Rien n’est moins sûr, compte tenu des précédentes expériences, vécues en Guinée ou sous d’autres cieux. Les putschistes, l’appétit venant en mangeant, cherchent toujours à s’enkyster, désertant les casernes et investissant, pour de bon, la maison présidentielle, après l’avoir «balayée». Ou alors, contraints de mettre en place une transition, qui débouche, cahin-caha, sur des élections elles mêmes laborieuses, ils ne sortent de la scène que pour y revenir, parce que des opposants historiques de la trempe de Alpha Condé auront déçu tous les espoirs placés en eux. Au lieu de servir, ils viennent pour se servir! Et c’est l’éternel recommencement, surtout que la communauté internationale, la fameuse communauté internationale, guidée par ses intérêts politiques et économiques, aura fermé les yeux sur les dérives des dirigeants du moment et les pleurs d’un peuple orphelin, sans perspective.

Question: y a-t-il vraiment des bons et des mauvais putschistes? La réponse viendra de Conakry et de Bamako, où les colonels, le Guinéen Mamady Doumbouya et le Malien Assimi Goïta, ont la responsabilité historique de donner aux peuples, les espoirs réels d’un mieux-être.

Par Wakat Séra