Accueil A la une Incendie du véhicule de Ladji Bama: voici ce que sait le journaliste

Incendie du véhicule de Ladji Bama: voici ce que sait le journaliste

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Les auteurs de l’incendie du véhicule du journaliste burkinabè d’investigation, Ladji Bama, visaient «l’explosion de la voiture et la maison», selon le rédacteur en chef du journal Courrier Confidentiel, qui voit en cet acte, un lien avec son engagement journalistique. Dans un entretien qu’il a accordé à Wakat Séra, M. Bama n’écarte pas certains articles qu’il juge sensibles, qui pourraient aussi être à la base du drame qu’il a vécu, dans la nuit du lundi 6 au mardi 7 janvier dernier, à Ouagadougou.

Wakat Séra: Comment est votre moral, actuellement, après ces évènements?

Ladji Bama: Le moral il est bon. On essaie de faire avec et puis avancer surtout sur les projets sur lesquels on était avant ces évènements-là. Donc ça va.

Depuis lors, avez-vous reçu le soutien de vos confrères, et le jugez-vous satisfaisant ou pas?

Oui bien sûr! Hier j’ai été débordé par les différents appels et messages qui ont déferlé toute la journée. On a été vraiment dépassés par cette vague de soutiens et de compassion qui nous a été témoignée toute la journée d’hier et qui a duré toute la nuit et même encore ce matin. Donc à ce niveau on doit dire qu’on est comblé au-delà de ce à quoi on pouvait s’attendre en de pareilles circonstances.

Pouvez-vous nous décrire ce qui s’est réellement passé?

Dans la nuit du lundi à mardi nous avons été réveillés très tard, précisément à 3H du matin par un grand bruit suivi d’une flamme qui s’est déclenchée dans la voiture qui était garée dans la cour. Alors, nous avons vite fait de sortir rapidement chercher à maîtriser les flammes avec des seaux d’eau que nous avons pu prendre au robinet qui était juste à côté. Au bout de quelques minutes nous avons pu éteindre les flammes avec l’eau.

On a essayé de joindre les sapeurs-pompiers, mais c’était très difficile de les avoir au téléphone. C’est par la suite qu’on a pu dépêcher quelqu’un sur place à moto pour aller les informer et ils sont venus aider à éteindre définitivement l’incendie. Et par la suite on a pu constater qu’il y avait une grosse bouteille pleine d’essence qui avait été projetée du dehors de la cour sur la vitre arrière de la voiture avec une flamme qui avait commencé à consumer l’intérieur de la voiture.

Dieu merci, la bouteille n’a pas pu éclater, sinon les dégâts auraient pu être plus importants. Donc les pompiers ont pu extraire la bouteille intacte. C’est ainsi qu’on a pu venir à bout de cet incident qui aurait, en tout cas, pu, sans la baraka du bon Dieu, faire mal plus que ce qu’on a pu voir. Donc vraiment on rend grâce au bon Dieu pour n’avoir pas permis à ces personnes qui sont derrière cet acte ignoble de n’avoir pas pu atteindre leur objectif qui était certainement de voir la voiture exploser et peut-être mettre la maison entière en flamme. Donc on rend grâce à Dieu.

Avez-vous évalué les dégâts de cette flamme?

Pour le moment nous n’avons pas pu évaluer les dégâts. Peut-être que les techniciens en la matière pourront le faire. Nous avons saisi notre assurance qui est là-dessus. La police aussi est venue faire les constats et une enquête est ouverte. C’est peut-être à l’issue de tout ça qu’on pourra mieux être situé sur ce qui s’est passé exactement.  

Soupçonnez-vous des gens qui vous en voulaient particulièrement pour une raison ou une autre? Avez-vous reçu des menaces directes ou voilées de la part de X ou Y?

Des menaces ouvertes non. Je n’ai pas fait attention à ces choses, si bien que je ne peux pas dire avoir noté des menaces ouvertes. Par contre, sur les réseaux sociaux, il y a eu beaucoup de commentaires assez hostiles à notre personne depuis le 29 décembre 2019 après une émission à laquelle nous avons participée sur BF1 (Presse Echos), où on a eu à parler de l’attaque de Arbinda. Certains internautes ont estimé que notre position n’était pas du tout de leur gout. Cela nous a valu beaucoup de critiques assez méchantes. C’est tout ce que nous avons pu remarquer ces derniers temps.

Il faut peut-être aussi ajouter que depuis le 27 décembre 2019 nous avons eu à faire face à la justice au niveau de Ouagadougou, un procès que nous avait intenté un opérateur économique, notamment, Abdoul Service International, procès qui s’est soldé par notre relaxe pure et simple et la condamnation au dépens du président de cette société lui-même. Nous nous étions préparés pour sortir un article afin de revenir sur les circonstances de ce procès et aussi, en tout cas, montrer combien ce monsieur n’est pas du tout recommandable dans son secteur d’activité. Nous estimons que cet article ne doit pas être de son goût mais nous ne pouvons pas lier cela à ce qui s’est passé puisque nous n’avons pas d’éléments factuels pour l’attester. Mais nous décrivons tout ça comme le contexte général dans lequel est intervenu cet incident du 6 au 7 janvier dernier.

Faut-il y voir un rapport avec votre engagement journalistique ou votre prise de position face à certaines questions d’actualité?

En tout cas nous pensons que ce n’est pas un incident qui est fortuit. Il doit être forcément lié à quelque chose. Et la chose la plus probante à laquelle cet incident peut être lié c’est notre métier de journaliste et surtout les dossiers sur lesquels nous travaillons et qui sont quand même des dossiers sensibles.

Pouvez-vous revenir sur certains de ces dossiers?

Les plus importants qui me viennent à l’esprit c’est le «dossier SRPJ», c’est-à-dire le commissariat de Wemtenga sur lequel nous avons fait récemment un article pour revenir sur un certain nombre de pratiques pas du tout républicaines qui y ont lieu. Un commissariat où il y a eu même des pratiques de corruption que nous avons dénoncées récemment. En plus de ça, il y a le «dossier Abdoul Service» dont je parlais tantôt qui nous a valu un procès. Au-delà de ça il y a aussi le dossier «Charbon fin» qui est actuellement en jugement au Palais de justice. C’est autant de dossiers sur lesquels nous avons travaillés, et que nous pensons , peuvent être des sujets qui fâchent ceux qui sont impliqués dans ces différents dossiers.

Qu’avez-vous à dire à ceux qui ne partagent pas votre engagement ou vos prises de positions?

Là, c’est juste leur dire que c’est tout à fait normal. Je m’en voudrais si mes prises de positions étaient partagées par tout le monde. Ce n’est pas possible. On ne peut jamais dans un état de droit, ou en tout cas dans une démocratie, rêver qu’on puisse faire l’unanimité. Donc à ce niveau, je dis que c’est tout à fait normal que je ne sois pas cautionné par tout le monde. Et chacun est libre de manifester sa désapprobation ou en tout cas son désintérêt pour quelques prises de positions que nous avons. Maintenant, seuls les arguments doivent prévaloir dans ce genre de circonstances. Ce n’est pas à travers des actes ignobles comme celui que nous avons vécu dans la nuit du 6 au 7 janvier qui peuvent constituer des façons indiquées pour répliquer à nos prises de positions.        

Entretien réalisé par Bernard BOUGOUM