Prince Johnson, que les Burkinabè avaient cru mort, suite à une annonce, à l’époque, d’un confrère de la presse nationale, a bien définitivement, tiré sa révérence, ce jeudi 28 novembre 2024.
Dans les années 1990, son seul nom suffisait pour faire trembler tout le Liberia. Celui qui était présenté comme un des animateurs principaux, pour ne pas dire l’acteur de premier rang, des guerres civiles libériennes, de 1989-2003, a bâti sa réputation sur la barbarie. Il faisait simplement peur et ne s’en cachait pas. Prince Yomie Johnson était le démon fait homme et la cruauté, a été, pendant longtemps, son seul mode de fonctionnement. En 1990, il a renforcé la crainte autour de sa personne, en faisant subir, par ses hommes des tortures horribles au président Samuel Doe, alors que lui-même savourait sa bière, sourd aux supplications d’une victime qui implorait la pitié de ses bourreaux. Du reste, sa révélation, en 2008, sur les antennes de RFI, d’avoir participé à l’assassinat, le 15 octobre 1987 du père de la Révolution burkinabè d’août 1983, le capitaine Thomas Sankara, n’a guère surpris une opinion internationale bien au faites horreurs dont était capable celui qui, de démon, a essayé de passer à ange, en devenant pasteur, après avoir embrassé le christianisme au Nigeria.
Mais, seul Dieu, lui-même, aurait pu entendre les confessions, du «seigneur de la guerre» et absoudre celui dont le chapelet d’horreurs peut s’égrener sans fin. D’ailleurs celui qui n’a éprouvé, en tout cas, pas en public, aucun regret pour les tonnes de sang que lui et ses sbires ont fait couler au Liberia, n’était dans aucune prédisposition de pénitence. Surtout qu’en tant que sénateur influent jusqu’à sa mort, cette figure contestée de la vie politique libérienne, a, de tout temps, bénéficié comme d’une protection de la part des dirigeants qui se sont succédé, et dont il a contribué, pour la plupart, au succès lors des élections. Le faiseur de rois que Prince Johnson était, lui a, sans doute, servi de bouclier contre toute action judiciaire à son encontre. Fabriquer des chefs d’Etat ne lui suffisant pas, le fils des Nimba, quand il a pu échapper à ses élans lucifériens, a essayé de se faire une virginité par les urnes, mais n’est parvenu qu’à occuper la troisième marche du podium de l’élection présidentielle de 2011. En 2017, il obtient, contre toute attente, 8% des suffrages au premier tour, avant d’apporter un soutien décisif à George Weah pour son élection à la présidence.
Prince Johnson était un client de choix pour la justice de son pays, et même pour la Cour pénale internationale, par le biais de ces actions de violences inouïes, notamment l’épisode Samuel Doe, qui ont plongé le Liberia dans une spirale de guerres civiles et détricoté l’économie du pays. Mais, il jouissait d’une forte popularité et s’est mué en apôtre du développement du Liberia par l’éducation, en érigeant l’université polytechnique Prince Yomie Johnson. Cependant, dans la balance de l’histoire, ce temple du savoir dont son fondateur, au seuil de sa mort, a baptisé, le lundi 25 novembre, la salle académique du nom de Gnassingbé Eyadéma, l’ancien président du Togo, pourrait peser peu.
Les conflits civils dont il est à l’origine ont fait, au moins, 250 000 morts. Et ça, c’est pas rien! Désormais vaincu par la mort, après avoir semé lui-même…la mort sur son chemin, l’homme, du haut de ses 72 ans, aura eu une vie rouge de sang, avant de se consacrer à Dieu et de prêcher pour la paix et la réconciliation, tout en s’opposant à la mise en place d’un tribunal pour juger des crimes de la guerre civile. Le faire, serait synonyme de «chercher des ennuis» pour le Liberia, a-t-il avancé, se présentant comme un sauveur de son pays des mains de Samuel Doe.
Le Prince de la terreur, devenu apôtre de la paix, s’en est donc allé, sans grand bruit, contrairement à sa vie tumultueuse!
Par Wakat Séra