Accueil A la une Législatives au Sénégal: du piment dans le thiéboudiène* électoral!

Législatives au Sénégal: du piment dans le thiéboudiène* électoral!

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Le Sénégal retient son souffle en attendant le verdict des urnes (Ph. d'illustration)

La guerre des déclarations bat plus que jamais son plein au lendemain des législatives sénégalaises qui doivent départager pouvoir et opposition en compétition pour les 165 sièges de l’Assemblée nationale. Dans l’ordre normal des heures postélectorales, chaque partie se proclame vainqueur, brandissant ses chiffres argumentés. Mais les premiers résultats provisoires officiels ne devraient être disponibles qu’à partir de ce mardi. En attendant, c’est l’ébullition au sein des QG des différentes coalitions qui, par voie de presse revendiquent la victoire ou contestent celle proclamée par le camp d’en face.

Rien donc de nouveau sous le soleil de Dakar où, comme ailleurs en Afrique, les élections ont toujours suscité de vives débats, certaines provoquant même des violences parfois sanglantes, qui rendent ces tournants démocratiques délicats, voire inquiétants, à négocier. En tout cas, tous les ingrédients étaient réunis pour que ces législatives ne soient pas comme les autres!

Tout est parti des listes retoquées, celle nationale des titulaires de la coalition Yewwi Askan Wi, qui a été rejetée parce que comportant un nom inscrit en tant que titulaire et en même temps comme suppléant. Une erreur d’amateur aux conséquences lourdes pour la tête de cette liste, qui n’est autre que Ousmane Sonko qui, devra se contenter, de suivre de loin, c’est-à-dire de son fauteuil de nouveau maire de Ziguinchor, les débats qui s’annoncent houleux à l’Assemblée nationale. Comme une coïncidence qui fait plutôt penser à une négligence difficile à comprendre et à accepter, la liste des suppléants de Benno Bokk Yakaar, la coalition du pouvoir sera également écartée pour n’avoir pas respecté le genre.

L’autre fait qui a rendu ces législatives différentes des précédentes, ajoutant du piment au «thiéboudiène» électoral  c’est évidemment les supputations qui ne cessent d’enfler autour du dessein, vrai ou faux, en tout cas pas démenti, de Macky Sall de vouloir s’offrir un troisième mandat. D’où la détermination du pouvoir de disposer d’une assemblée acquise qui rencontre l’engagement de l’opposition de lui barrer la route.

En dehors de la cohabitation qu’il redoute avec l’opposition dont il sera contraint de nommer une personnalité comme Premier ministre, Macky Sall ne voudrait pas subir une autre déculottée, après celle des élections locales qui ont porté à la tête des grandes villes du Sénégal, ses opposants qu’il n’a guère ménagés, aidé en cela par la justice. De plus, le président sortant ne pouvant solliciter un troisième mandat et Ousmane Sonko son challenger le plus craint, étant sous contrôle judiciaire, visé par un probable procès dont lui et ses militants ignorent la date et l’issue, le chemin de retour aux affaires pourrait être ainsi tracé pour le clan Wade, non pour le père Abdoulaye qui malgré ses 96 piges se sent toujours d’aplomb politique, mais pour le fils Karim, 53 ans.

En effet, ce dernier après la grâce présidentielle dont il a bénéficiée en 2016, à la suite de son emprisonnement pour enrichissements illicites, serait de nouveau électeur et éligible. «Depuis le 21 août 2020, le code électoral ne peut plus être invoqué par l’Etat du Sénégal pour faire obstacle à l’inscription de leur client sur les listes électorales et à sa candidature à toute élection», a affirmé, en son temps, le collectif des avocats de celui qui était qualifié sous le magistère de son père, de «ministre du ciel et de la terre» compte tenu de ses multiples portefeuilles.

En attendant donc le verdict final des urnes de ces législatives considérées comme un référendum sur le troisième mandat, et qui constituent un échauffement grandeur nature pour la présidentielle de février 2024, pouvoir et opposition continuent de s’arroger la victoire. Toute chose qui augure d’une montée du mercure pour cette période postélectorale autour de laquelle rôdent les vieux démons de la contestation.

Pourvu que le fair-play soit la valeur la mieux partagée au pays des Lions de la Teranga, pour la première fois de leur histoire, champions en titre d’Afrique des nations de football. Il urge donc de surveiller avec la plus grande attention la cocotte-minute qui peut sauter à tout moment!

Par Wakat Séra

*Le thiéboudiène, riz-poisson, est le plat national du Sénégal