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Mali: il était une fois, le colonel a la mitraillette qui a peur de la plume, du micro et de la caméra

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RFI et France 24 définitivement retirées des bouquets des distributeurs au Mali

Après une mesure de suspension de RFI et France 24 qui courait depuis le 17 mars, et nonobstant les explications «détaillées et circonstanciées» sur les reproches qui ont été formulés à leur encontre par la Haut Haute autorité de la communication du Mali, le couperet des militaires est tombé ce mercredi sur les deux médias. La «radio mondiale» perd, ainsi, la voix au Mali tout comme France 24 y devient simple écran noir. Les Maliens et tous ceux qui suivaient l’actualité du Mali, rythmée par les attaques terroristes, les conflits communautaires, les découvertes vraies et fausses de charniers, les exactions réelles ou supposées sur des populations civiles par des combattants de la société de sécurité privée russe Wagner qualifiés à tort ou à raison de «mercenaires», doivent se brancher, désormais, sur d’autres canaux qui n’ont certainement pas la même audience en Afrique de l’ouest que RFI et France 24.

Peut-être même que la coupure définitive des signaux des organes de France Médias Monde, n’est que le début d’un nettoyage en vue à plus grande échelle dans la grande maison de la presse malienne. Plus qu’un acte veule attentatoire à la liberté de la presse, cette décision qui constitue l’arme infailliblement utilisée par les prédateurs du droit à l’information, donne du grain à moudre aux différents observateurs et organisations de défense des droits de l’homme qui lancent ces temps-ci des alertes sur les intentions des putschistes maliens de faire taire toute voix contraire à leurs agissements. Comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, et exhibant des griefs sans fondement qui sonnent comme des accusations de rage contre le chien que son propriétaire veut noyer, le pouvoir de transition malien a utilisé ce qu’il sait manier le plus: la force!

L’argument de la force qui a permis au colonel Assimi Goïta de prendre le pouvoir par les armes, un certain 18 août 2020 et de rééditer son exploit funeste de putschiste le 24 mai 2021, a encore frappé, et cette fois-ci c’est la presse qui en est victime. Pourtant, alors que ne portait plus que la voix monocorde de la propagande souvent dénoncée et réfutée par les terroristes à qui étaient attribués des revers et morts de leurs combattants, RFI et France 24 continuaient, avec certains autres médias internationaux, à donner l’information juste et équilibrée. Autant, ces organes de presse informaient des assauts terroristes meurtriers, autant ils mettaient en exergue les prises des bases des jihadistes et la mise hors d’état de nuire de leurs chefs, par l’armée malienne. Combien de fois des autorités de la transition malienne, à commencer par le Premier ministre, le clivant Choguel Kokalla Maïga, ont-elles eu de larges pans sur RFI et France 24, pour évoquer leurs actions et programmes?

Peut-on quantifier aujourd’hui le temps de parole donné aux responsables militaires et civils maliens par RFI et France 24 pour débiter au monde entier leurs contradictions de putschistes qui, venus au pouvoir par les armes, se sont sanctuarisées au palais présidentiel de Koulouba où ils comptent faire de vieux os, instrumentalisant une partie du peuple? Il faut que Assimi Goïta et les siens le sachent, ce n’est pas en brisant le thermomètre que l’on fait tomber la fièvre. De qui donc a si peur le colonel à la gâchette facile? Entend-il diriger à huis-clos un pays où des événements aussi graves que des attaques terroristes, des affrontements entre communautés et autres dérives ne sauraient passer sous silence, même si RFI et France 24 sont hors service sur les bords du Djoliba?  Le colonel Assimi Goïta qui entend ainsi priver ses concitoyens de toute, ou partie, de l’information doit faire gaffe à ne pas se tirer une balle dans le pied, en muselant autant la presse.

A moins que ses desseins, lorsqu’il est arrivé par effraction sur la scène politique, soient contraires à ceux que lui prêtaient RFI et France 24 de balayer la maison Mali, la rendre propre et passer la main à un pouvoir démocratiquement élu. Comme avait réussi à le faire, Amadou Toumani Touré, passant de putschiste en 1991, à «soldat de la démocratie», en 1992, en remettant le pouvoir à un certain Alpha Oumar Konaré, à l’issue de la tenue d’une conférence nationale, suivie de l’élection présidentielle.

Par Wakat Séra