Accueil Editorial Mutinerie en Côte d’Ivoire : le cycle sans fin ?

Mutinerie en Côte d’Ivoire : le cycle sans fin ?

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Pendant combien de temps encore prendront-ils la Côte d'Ivoire en otage? (Ph. voaafrique.com)

Et bis repetita ! Les kalachnikovs et autres armes lourdes ont tonné encore, pour réclamer le paiement de primes et de meilleures conditions de vie, sous le regard de populations médusées, marquées au fer par des années de guerre civile et de violences postélectorales. C’est le régime auquel sont soumis les habitants de la Côte d’Ivoire, contraints de se terrer chez eux pour éviter de servir de souffre-douleur à des mutins déchaînés, déterminés dont le sport favori est désormais de se servir de leurs armes pour manifester leur mécontentement. Hier, c’était Bouaké, Daloa, Daoukro, Yamoussoukro, et même Abidjan. Aujourd’hui c’est Adiaké. Quelle est la prochaine localité sur cette liste qui s’allonge à l’infini, sous l’œil visiblement impuissant de Alassane Ouattara et ces nouveaux chefs ? Le commandement récemment mis en place est mis à rude épreuve et avant même d’avoir fait le tour du propriétaire se triture déjà les méninges pour trouver la formule magique en vue d’éteindre pour de bon ce feu qui menace la maison Côte d’Ivoire. Et les Forces spéciales qui refusent de servir de « chair à pâté » pour rien alors que suite à « une petite mutinerie », leurs frères d’armes, ne comptent pas baisser les armes tant qu’elles ne seront pas, elles aussi satisfaites.

Alassane Ouattara doit bien se demander dans quel engrenage il s’est mis. Il se rend sans doute compte de la grossière erreur commise en cédant aux revendications des mutins de début janvier 2017 qui doivent encore passer à la caisse pour palper le reste des 12 millions de francs CFA, butin de leur forcing armé. Du reste, avant l’effet boule de neige des sorties de la soldatesque arme au poing, le pouvoir ivoirien se démenait comme un beau diable entre les mains des fonctionnaires, qui, fort logiquement luttaient également pour de meilleurs conditions de vie. Mais eux, ils n’ont pas d’arme. Et ils sont plus conciliants et au bout de quelques mois de grève et de négociations, ont accepté de suspendre leur mouvement. Jusqu’à quand ? Il ne faut pas être devin ou lire dans une boule de cristal pour savoir que la trêve risque d’être très courte. Car ces manifestations ont cela de troublant qu’ils coïncident ou se sont accentués avec des évènements politiques bien précis.

En effet, le mercure social est monté en flèche avec les joutes électorales à l’assemblée nationale, élections dans lesquelles Guillaume Soro jouait gros. L’ancien chef des ex-rebelles qui constituent aujourd’hui une partie importante des effectifs de l’armée était comme visée par une fatwa des caciques du Rassemblement des démocrates (RDR). Non seulement il perdait son statut de dauphin constitutionnel du président de la république par la nomination d’un vice-président qui portait maintenant ce costume, mais pire, il n’était plus du tout sûr de récupérer le perchoir. Oubliant que le RDR doit ce pouvoir à la témérité de Soro et de ses troupes à l’époque, les princes du parti présidentiel ont résolument pris l’option suicidaire d’écarter sans ménagement ceux qui les ont fait roi. Le manque de formation militaire de la base des ex-combattants et la perte de certains privilèges de leurs chefs ajoutés à la phobie de la réforme de l’armée qui s’annonce, ajoutés à la perte de certains privilèges de leurs chefs habitués à un certain train de vie démentiel, finiront par jeter dans la rue, les ex rebelles devenus militaires de l’armée régulière, pour raviver un peu la mémoire des politiciens amnésiques du RDR.

En tout cas, Alassane Ouattara qui n’a pas non plus manqué de déclencher la guerre de positionnements en serinant à longueur de discours qu’il ne briguera plus un troisième mandat, que lui interdit du reste la constitution de son pays, vit et vivra certainement, s’il survit à cette tempête de manifestations militaro-socio-politiques, une fin de règne très difficile. Et l’onde de choc de ces remous ne manquera pas de se propager sur le reste de la sous-région qui pourtant avait commencé à espérer le retour de l’éléphant comme locomotive de l’économie ouest-africaine.

Par Wakat Séra