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Procès du putsch manqué: les manifestants pro-putschistes ont reçu de l’argent, selon Faïçal Nanema

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Le deuxième accusé civil à être auditionné dans le cadre du dossier du coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015 au Burkina, Faïçal Ousséni Nanéma, poursuivi pour complicité de dégradation aggravée de bien et recel de matériels, a confié, ce lundi 8 octobre 2018, dans sa déposition devant la barre de la chambre de jugement du tribunal militaire, que les manifestants pro-putschistes ont reçu de l’argent durant les événements.

Faïçal Nanéma aurait appris l’interruption du Conseil des ministres le 16 septembre 2015 vers 14h30 et se serait rendu par la suite au siège de son parti, le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (CDP) pour savoir la conduite à tenir.

Le 17 septembre 2015, après la déclaration de la prise du pouvoir par le Conseil National de la Démocratie (CND), il aurait appris sur les réseaux sociaux un appel à manifester pour soutenir les putschistes et il aurait copié le message et le publié sur son compte Facebook.

C’est ainsi qu’il se serait rendu au rond-point des martyrs à Ouaga 2000 pour ladite manifestation. «Quelques temps après, j’ai vu un groupe de jeunes qui se dirigeait vers l’Ouest et j’ai demandé on m’a dit qu’il partait pour incendier la maison de Salifou Diallo», a dit M. Nanéma qui a déclaré avoir interpellé des éléments de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) avec qui ils se sont rendus chez l’ex-président de l’Assemblée nationale pour empêcher l’incendie de son domicile.

Selon sa narration, arrivé au domicile de M. Diallo, des éléments de l’ex-RSP auraient demandé : «qui a tiré ?», et l’assistant de police Yacouba Manli a répondu que c’est lui et qu’il l’a fait pour disperser des manifestants qui voulaient incendier la maison. «Ils ont retiré l’arme et ils l’ont amené à l’intérieur avant de ressortir lui dire de se mettre à genoux», a poursuivi M. Nanéma qui a fait noter que c’est quand Manli a refusé de agenouiller qu’ils ont commencé à le frapper.

Ce militant du CDP aurait intervenu pour qu’on arrête de le frapper. «Je suis allé voir le sergent Ousmane Djerma qui était resté dans le véhicule pour lui dire que c’est le garde de Salifou Diallo et qu’il faut demander qu’on arrête de le frapper».

Rémunération des manifestants pro-putschistes

Après avoir quitté chez Salifou Diallo, Faïçal Ousséni Nanéma et ses camarades restés au rond-point des martyrs auraient sillonné la ville de Ouagadougou pour exprimer leur soutien aux putschistes. A la fin de la manifestation de la journée du 17 septembre 2015, chaque manifestant aurait reçu 2 000 F CFA comme prix du carburant.

Les manifestations se sont poursuivies les 18 et 19 septembre 2015, durant lesquelles les manifestants ont reçu des sommes de 5 000 et 10 000 F CFA chacun, selon M. Nanéma. Poursuivant sa narration, il a fait savoir qu’à cette période, la femme de l’ex-ministre de la Sécurité Jérôme Bougouma l’aurait contacté le 19 septembre 2015 et lui proposé 5 000 000 FCFA pour qu’il mobilise plus de manifestants, mais finalement c’est 500 000 F CFA qu’ils  (manifestants) auraient.

Il n’a pas reconnu avoir incendié ni le domicile de Salifou Diallo ni celui de Safiatou Lopez, présidente du Cadre de concertation nationale des organisations de la société civile (CCNOSC). Mais il reconnait avoir acheté un sac à main, un fer à repasser et une statuette, appartenant à M. Diallo, au rond-point des martyrs. «Quand j’achetais, je ne savais pas que ces objets venaient du domicile de mon parrain politique. On m’a dit que ce sont des France au revoir. Si j’avais su j’allais payer le maximum de matériels pour le lui rendre après», a-t-il indiqué.

Contrairement aux manifestants qui s’opposaient au putsch, le groupe de Faïçal n’a pas été dispersé quand il manifestait au rond-point des martyrs, non loin de la présidence du Faso et le camp de l’ex-RSP.

Durant les événements il a été également, à plusieurs reprises à l’hôtel Laïco pour rendre visite aux chefs d’Etat de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Macky Sall et Yayi Boni car ils se connaissent il y a bien longtemps. Le président Boni lui aurait même remis une somme de 2 000 000 FCFA.

Un incident suspend l’audition de Nanéma

En réagissant à une interrogation du parquet qui a évoqué un passage du procès-verbal de l’accusé Sami Dah, Faïçal Nanéma a remis en cause la déclaration de cet inculpé qui l’accuse d’avoir porté des coups à Nicolas Kaboré, garde du corps de Roch Kaboré.

Pour lui Sami Dah ne dit pas la vérité car il ne peut pas être à la sécurité du général Diendéré et savoir ce qui se passait devant l’hôtel Laïco au moment des faits. Selon M. Nanéma, s’il affirme qu’il l’aurait vu en train de frapper Nicolas Kaboré c’est que c’est eux qui sillonnaient la ville, bastonnaient et tiraient sur les gens. Il a laissé entendre que M. Dah «est un suspect sérieux».

Cette déclaration de Nanéma a obligé son avocat Me Arno Sempébré à demander une suspension pour s’entretenir avec ses clients qui s’accusent mutuellement, car il est également le conseil de Sami Dah. Il a souhaité se référer au Bâtonnier de l’Ordre des avocats pour savoir s’il y a un conflit d’intérêt et s’il doit être déchargé de la défense.

Pour la partie civile tout comme les autres avocats de la défense, il y a bel et bien un conflit d’intérêt et que la décision de leur confrère a été sage.

Mais selon le parquet, il n’y a pas conflit d’intérêt et Me Arno Sempébré peut bien défendre les deux accusés.

Le tribunal a préféré suspendre l’interrogatoire de Faïçal Nanéma afin que Me Sempébré puisse se référer au Bâtonnier de l’ordre des avocats.

L’audience reprendra demain mardi 9 octobre 2018 avec l’audition du journaliste Adama Ouédraogo dit Damis, poursuivi pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, meurtre, coups et blessures volontaires. Cet accusé a laissé entendre qu’il plaide non coupable.

Par Daouda ZONGO