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Procès putsch manqué: des connexions avec l’extérieur ?

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Photo d'archives

Depuis le début de l’affaire dite du putsch manqué, des informations font état de connexions entre présumés putschistes et des forces extérieures en vue de consolider le coup d’Etat intervenu à la suite de l’arrestation des autorités de la transition, le 16 septembre 2015. Après les écoutes téléphoniques attribuées à l’ex-président de l’Assemblée nationale ivoirienne Guillaume Soro et le général Djibrill Bassolé, des noms comme ceux du général Vagondo Diomandé, du général Soumaïla Bakayoko et du général Gaoussou Soumahoro ont été également cités dans le dossier du putsch manqué en jugement devant la Chambre de jugement du tribunal militaire, depuis fin février 2018. Dans les pièces à conviction présentées, il ressort que le président du Conseil national pour la démocratie (CND), le général Gilbert Diendéré (Delta) a eu des appels de soutien venant aussi d’autres pays, notamment du Mali, du Togo, du Maroc et de la Mauritanie.

A l’audience de ce mercredi 27 mars 2019, à la suite de la lecture des éléments sonores du dossier du putsch manqué, il ressort qu’une voix attribuée au général Gilbert Diendéré a conversé avec des généraux du pays voisin de la Côte d’Ivoire. Ses interlocuteurs identifiés comme étant les généraux soumaïla Bakayoko et Gaoussou Soumahoro, et M. Soro, l’incitaient à créer des incidents, à simuler une attaque en vue d’avoir de gagner du terrain.

Pour le parquet, qui estime graves les conseils de ces officiers généraux d’un pays voisin, cette implication peut s’apparenter à une «ingérence monstrueuse et inacceptable».

Quant à la partie civile, cela montre qu’il s’agit d’une trahison de la part du général burkinabè qui était en contact avec ces généraux ivoiriens.

Mais pour la défense du général Diendéré, dans les audio qu’on attribue à «Delta», rien ne montre que l’intéressé a accepté les conseils de ses interlocuteurs et de ses propos, il n’y a pas d’élément constitutif d’infraction de trahison.

Extrait de conversation entre le général Delta et Soro

Soro: Moi on m’a dit qu’il y a possibilité d’ouvrir un front au Nord

Delta: …

Soro: Zida m’a appelé. Je t’ai dit ça ?

Delta: Non. Qu’est-ce qu’il a dit ?

Soro: Il a dit que «Guillaume, je suis ton frère». Et qu’il a appris que je suis avec Diendéré (…) Je lui ai demandé s’il sait ce qu’on a fait avec le général Diendéré pour le libérer. Il m’a dit que tu es contre lui. Il voulait que je te parle. Je lui ai dit mon président m’a interdit de parler avec quiconque au Burkina Faso.

Delta: Quand je le libérais, il pleurait comme un enfant. Je ne pouvais pas imaginer qu’il allait tenir de telles déclarations.

En plus des ivoiriens, le général aurait reçu un appel d’un interlocuteur togolais qui a informé le général Diendéré qu’il l’appelait de la part de son patron. Pour le parquet ledit patron serait le président Faure Gnassingbé. L’interlocuteur s’est donné le surnom de «Bili» demandant au président du CND de l’appeler comme cela désormais. De leur conversation, l’interlocuteur togolais cherchait à connaitre la situation qui prévalait. Cet appel aurait eu lieu le 29 septembre 2015 autour de 19h.

Un aperçu des échanges

Bili: Mon général, le moral?

Delta: Le moral est complètement à terre maintenant

Bili: Quelle est la situation maintenant?

Delta: On a été pilonné avec l’artillerie lourde cet après-midi. La caserne n’existe plus. C’est fini.

Bili: Est-ce que vous êtes en sécurité?

Delta: Oui, je suis en sécurité

Bili: Est-ce qu’il y a eu des blessés?

Delta: … Mais en pilonnant il y a certainement eu des morts.

Bili: Vous n’êtes plus en mesure de faire quoi que ce soit?

Delta: Non non.

Au cours de l’audience de ce jour, il a été donné d’écouter une fois de plus des éléments sonores qui impliqueraient le Malien Sidi Lamine Oumar, le médecin colonel Mamadou Bamba, dame Fatoumata Diawara et le général Diendéré. Il y a également des audio qui concernent le général Gilbert Diendéré et son fils Ismaël. Dans les conversations le fils incitait son père à faire sortir les hommes pour prendre des positions. Il donnait aussi les positions et l’armement de l’armée.

La voix attribuée à Sidi Lamine Oumar exprimait toujours son soutien au général Gilbert Diendéré et lui a demandé de «tenir bon». Il a fini son appel en souhaitant bonne chance au général.

Quant à la voix féminine identifiée comme celle de Dame Diawara, elle a informé le général Diendéré, dans la matinée du 29 septembre 2015, qu’elle a eu 40 millions de francs CFA et qu’elle aura la totalité de la somme dans la journée. Dans les échanges, Delta a souhaité qu’elle transfère l’argent au camp, mais s’inquiétait des barrages. Dame Diawara l’a rassuré en affirmant en ces terme: «On va se débrouiller. Comme on a des gendarmes avec nous, ça va aller».

Dans l’audio impliquant le colonel Bamba, Delta l’informait que quelqu’un viendra lui remettre quelque chose pour le colonel Abdoul Karim Traoré et lui.

Le général Diendéré comme d’habitude a indiqué qu’il n’a pas d’observation à formuler, notant qu’il maintient ses déclarations précédentes. Fatoumata Diawara, non plus, n’a pas souhaité faire des observations pour ce qui la concerne. Leurs avocats, dans leur ligne de défense, ont indiqué que rien ne prouve que les voix entendues dans les audio sont bien celles de leurs clients.  «Ce que le parquet et la partie civile veulent, c’est des aveux. Mais le tribunal n’a pas besoin d’aveux pour prendre une décision», a soutenu Me Olivier Yelkouni.

Quant au colonel Bamba, il a affirmé que c’est le général Diendéré qui l’a appelé et non l’inverse. Pour cela il a été félicité par la partie civile et le parquet, pour avoir reconnu qu’il a été appelé par le général. Mais son avocat Me Mamadou Sombié a exprimé sa méfiance vis-à-vis des félicitations de ces parties au procès car pour lui cela peut être un piège.

Invité également à la barre pour réagir sur les audio qui le concerne, Sidi Lamine Oumar a dit qu’il se rend compte qu’on confirme que c’est lui qui a été écouté sans demander son avis, ses observations. «Ils ont leur conviction, ce n’est pas grave. Ils peuvent tout mettre sur moi».

L’audience a été suspendue vers 16h45. Elle reprendra le vendredi 29 mars prochain.

Par Daouda ZONGO