Accueil A la une Procès Sankara: le colonel Moussa Diallo charge Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré

Procès Sankara: le colonel Moussa Diallo charge Blaise Compaoré et Gilbert Diendéré

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Le colonel-major de Gendarmerie, Moussa Diallo, a chargé au cours de son témoignage le mardi 11 janvier 2022, l’ex-chef de l’Etat, Blaise Compaoré, et, son ancien chef d’état-major particulier, le général Gilbert Diendéré, d’être les auteurs du coup d’Etat du 15 octobre 1987, dans le cadre du jugement du dossier de l’assassinat de Thomas Sankara et douze de ses collaborateurs.

L’ex-directeur de la Justice militaire qui a fait son témoignage par visioconférence depuis Paris, a laissé entendre qu’il « savait pertinemment qu’il y avait un complot » contre le président Thomas Sankara mais il ne savait pas que ça allait se terminer par un coup d’Etat sanglant au cours duquel le père de la Révolution burkinabè et 12 autres personnes allaient être tués. « Le déclenchement du 15 octobre m’a surpris », a regretté l’officier militaire à la retraite.

Selon ce témoin, le jour des évènements, il était dans son bureau à la Gendarmerie. Un nigérien du nom de Moussa Ganda avec qui il était a demandé à ce qu’il appelle, à l’époque, le lieutenant Gilbert Diendéré au Conseil de l’Entente. Ce qu’il a fait et Moussa Ganda a pu communiquer avec le général Gilbert Diendéré. Au cours de leur conversation la ligne se serait interrompue entre temps. Après quelques minutes, il a rappelé sur le standard du Conseil de l’Entente et un des standardistes qui a décroché, a reconnu sa voix immédiatement a dit que « ça tire au Conseil ».

Pendant la période du coup d’Etat, des éléments militaires ont fait irruption chez lui dans le but de l’arrêter. Après avoir raflé en l’air, ce qui a beaucoup effrayé ses enfants et sa femme qui a fait une fausse couche par la suite, ils ont mis à genou son garçon de maison, afin qu’il dise où il se trouvait. Après cet épisode, le colonel Moussa Diallo dit avoir été détenu sans aucune forme de procédure judiciaire par des gendarmes au Conseil de l’Entente pendant 8 à 9 mois. Lors de son séjour en prison, il affirme n’avoir jamais été interrogé pour quoi que ce soit. Il a aussi précisé qu’il « n’a pas été torturé physiquement ».

En plus de cela, a rappelé le témoin, « Dipama, un militaire, devait me tuer le jour du coup d’Etat mais n’ayant pas vu mon véhicule, il a certainement pensé que je n’étais pas là puisque je suis allé au travail ce jour à vélo ». Ce dernier, selon des éléments d’information que ces hommes lui ont transmis, avait été envoyé par les putschistes. A la question de savoir s’il connaissait les raisons pour lesquelles il a été arrêté et emprisonné, il a rétorqué: ‘ »On me les a jamais dit ».

Le capitaine Blaise Compaoré avait « soif du pouvoir »

L’ex-aide de camp du président Sankara est formel. Le coup de force du 15 octobre 1987 « a été prémédité ». « Ça je n’ai aucun doute là-dessus », a-t-il déclaré, accusant principalement le capitaine Blaise Compaoré, le ministre de la Justice de l’époque, et, le chef de sécurité du QG de la Révolution, le général Gilbert Diendéré, d’avoir « ourdi » le complot. Dans son récit, il a raconté plusieurs anecdotes qui ont forgé sa conviction que Blaise Compaoré avait « soif du pouvoir » et cherchait bien longtemps à éliminer Thomas Sankara.

Il a confié que Blaise Compaoré a cherché, à plusieurs reprises, à le persuader pour qu’il rejoigne son camp. Mais, ayant déjà une idée sur lui, il a tout fait pour ne pas avoir un entretien ou un tête à tête sur les ambitions futures du numéro 2 de la Révolution. Colonel Moussa Diallo, qu’est-ce que vous pensez de l’accusation du général Gilbert Diendéré et du colonel-major Jean-Pierre Palm ? A cette question du parquet militaire, le colonel Diallo a dit: « Quand nous regardons leur trajectoire politique, leur rôle et la relation qu’ils ont entretenue avec Blaise Compaoré, je peux déduire qu’ils étaient au courant de ce qui se passait et l’approuvaient ». Et que pensez-vous surtout de l’accusé Palm Jean-Pierre qui dit qu’il n’a travaillé que neuf ans sous Blaise Compaoré ? Ce qui sous-entend qu’il n’était pas un homme clé de Blaise Compaoré comme le pensent certains. « Jean-Pierre Palm a été un des piliers de Blaise Compaoré » qui a régné pendant 27 ans avant d’être renversé par une Insurrection populaire fin octobre 2014.

Ce témoin a fait observer contrairement aux dires de certains ennemis de Thomas Sankara, que le père de la Révolution d’août 1983 « a assumé beaucoup de décisions qu’il n’approuvait pas. Il a regretté n’avoir pas pu s’ouvrir à feu Soumane Touré pour lui dire qu’il devait quelque part sa vie sauve grâce à Sankara qui a empêché sa mort à la suite d’un complot qui a été monté pour l’éliminer. Selon son récit, Soumane Touré devait être empoisonné à l’ETIR où il était détenu par des militaires qui devaient lui administrer un poison pour qu’il meurt lentement. Pour le colonel Diallo, Thomas Sankara, a donné sa vie pour la réussite de la Révolution devant impulser le développement du Burkina Faso. « C’est ma conviction personnelle, Sankara savait qu’il allait mourir dans cette affaire-là. Il était prêt aux sacrifices suprêmes pour ses idéaux, son pays », a analysé le témoin.

« Le concepteur de cette affaire, c’est Blaise Compaoré, le superviseur du coup est le général Gilbert Diendéré et les exécutants sont les éléments de la garde de Blaise Compaoré », a réagi au témoin à une question du procureur militaire. Pour lui, les thèses selon lesquelles, l’assassinat du président Thomas Sankara et ses compagnons sont le fait d’une arrestation qui aurait mal tourné ou qu’il y aurait un coup que Sankara préparait pour tuer Blaise Compaoré sont des histoires à dormir debout. Ces arguments sont « des balivernes, c’est insensé, à la limite c’est ridicule ou prendre des gens pour des tarés », s’est-il offusqué, indiquant que « Thomas Sankara était l’âme de la Révolution. Il était le plus engagé ». C’est pourquoi, il trouve que ceux qui ont traité le père de la Révolution burkinabè de renégat et de déviationniste « vont contre tout bon sens » et sont à plaindre.

Par Bernard BOUGOUM